Comment concilier pêche artisanale et préservation de la biodiversité des récifs coralliens ? Une étude internationale, publiée dans la revue Science, et dont certains auteurs sont basés outre-mer propose des solutions.
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Une étude internationale propose des solutions pour concilier pêche artisanale et préservation de la biodiversité des récifs coralliens. Elles passent notamment par l’extension prévue et l’adaptation des aires marines protégées. Une stratégie qui peut être gagnant-gagnant pour la pêche comme pour l’environnement. A la base, un état des lieux de la faune de 1800 récifs tropicaux à travers le Monde.
On peut donc très vite arriver à une surexploitation, qui met en danger la biodiversité comme la ressource halieutique, et donc à terme la sécurité alimentaire et les revenus de certaines populations côtières.
Accorder les impératifs économiques immédiats avec ceux du futur et de l’environnement ne doit donc pas être perçu comme la quadrature du cercle. C’est ce que montre l'étude conjointe menée entre autres, par des organismes de recherche allemands, anglais, américains, australiens, canadiens, israéliens et français (notamment de Nouvelle-Calédonie, de la Réunion, et de Montpellier en Occitanie). Cette étude, conduite dans le cadre d’un projet baptisé Reef-Futures, fait même l’objet d’une publication dans la très prestigieuse revue américaine, Science.
Les AMP couvrent 6% de la surface des océans. Mais l’objectif de développement durable fixé par l’ONU est d’atteindre 30% d’ici 2030. Cela pose 2 questions : où les situer ? Et avec quel degré de protection ?
Les réponses de l’étude s’appuient sur 3 objectifs de préservation quantifiés : la ressource halieutique pour l’économie ; le quota de poissons herbivores pour limiter la présence des algues menaçant les coraux ; et la biodiversité.
Les chercheurs ont scruté la faune de plus de 1800 récifs, dans 41 pays, sur 3 zones : Océans Pacifique et Indien, mer des Caraïbes (zone Atlantique). 105 de ces récifs figurent dans des AMP. Il s’avère que seuls 5% des récifs répondent aux normes de conservation (cad plus de 75% des seuils chiffrés de référence pour chacun des 3 objectifs).
Le récif calédonien de Merlet est même carrément interdit à la visite. On est au-delà du no-take. C’est le "no-entry". Joint par Outremer 1ère, David Mouillot, de l’université de Montpellier, lui aussi co-auteur, ne cache pas son enthousiasme :
Un scenario calédonien qu’il voudrait voir appliquer aux coraux de Mayotte, qui sont encore en bon état : "avec l’accord de la population locale bien sûr. Mais c’est possible car il y a peu de pêcheurs. Un principe de précaution", car "lorsque l’état est trop dégradé, on a du mal à remonter la pente".
S’il faut en prendre soin, ça ne vaut plus la peine de le sanctuariser via une AMP intégrale. Cela n’aurait probablement pas les résultats escomptés.
Plus généralement, le chercheur explique qu’"il est d’autant plus difficile de concilier exploitation et protection des récifs, que ceux-ci sont proches de l’homme. Même en AMP."
Pour Joshua Cinner, qui a dirigé l’étude, "l’idéal serait une AMP intégrale, qui offre les meilleurs résultats pour les 3 objectifs". Mais la situation économique de nombreux pays en développement ne le permet pas. C’est par exemple le cas d’Haïti, dans la mer des Caraïbes. A l’échelle du Monde, ce no-take de grande ampleur, serait donc socialement impossible, et de toutes façons irréalisable en matière de surveillance.
Ce n’est pas si grave. Le professeur de l’université de Townsville en Australie considère qu’"une mise en AMP partielle reste très intéressante", notamment pour la ressource halieutique commerciale et les poissons herbivores. De fait, la correspondance entre les progrès de la conservation des espèces et la pression humaine n’est pas linéaire. Des changements relativement faibles pourraient avoir des effets importants.
La solution serait finalement « gagnant-gagnant ». Le relative restriction des droits serait largement compensée par l’amélioration de la ressource.
Le projet Reef-Futures n’est pas achevé. Les chercheurs vont approfondir leurs études en intégrant de nouvelles données notamment en matière de changement climatique ou sur l’apport des récifs et leurs conséquences. Des recherches rendues possibles grâce à la démultiplication des moyens, l’échange de données et la mutualisation d’expériences d’une coopération internationale de grande ampleur.
6000 espèces animales
La pêche, comme en général l’activité humaine, ne fait pas bon ménage avec la préservation, pourtant indispensable, de la biodiversité marine. Si les récifs coralliens ne représentent que 0,1% de la surface des océans, ils abriteraient 70% de cette biodiversité. Plus de 6 000 espèces animales y séjournent. Des poissons qui servent aussi à nourrir les humains.On peut donc très vite arriver à une surexploitation, qui met en danger la biodiversité comme la ressource halieutique, et donc à terme la sécurité alimentaire et les revenus de certaines populations côtières.
Accorder les impératifs économiques immédiats avec ceux du futur et de l’environnement ne doit donc pas être perçu comme la quadrature du cercle. C’est ce que montre l'étude conjointe menée entre autres, par des organismes de recherche allemands, anglais, américains, australiens, canadiens, israéliens et français (notamment de Nouvelle-Calédonie, de la Réunion, et de Montpellier en Occitanie). Cette étude, conduite dans le cadre d’un projet baptisé Reef-Futures, fait même l’objet d’une publication dans la très prestigieuse revue américaine, Science.
Il faut passer par les AMP, les aires marines protégées
La solution passe forcément par les AMP, les aires marines protégées. On en dénombre plus de 2000 dans le Monde, de niveaux de protection variés. Dans les AMP intégrales, la pêche est totalement prohibée. On parle de « no-take ». Dans les AMP partielles les prélèvements sont simplement restreints.Les AMP couvrent 6% de la surface des océans. Mais l’objectif de développement durable fixé par l’ONU est d’atteindre 30% d’ici 2030. Cela pose 2 questions : où les situer ? Et avec quel degré de protection ?
Les réponses de l’étude s’appuient sur 3 objectifs de préservation quantifiés : la ressource halieutique pour l’économie ; le quota de poissons herbivores pour limiter la présence des algues menaçant les coraux ; et la biodiversité.
Les chercheurs ont scruté la faune de plus de 1800 récifs, dans 41 pays, sur 3 zones : Océans Pacifique et Indien, mer des Caraïbes (zone Atlantique). 105 de ces récifs figurent dans des AMP. Il s’avère que seuls 5% des récifs répondent aux normes de conservation (cad plus de 75% des seuils chiffrés de référence pour chacun des 3 objectifs).
L’exemple calédonien
La France qui affiche plus de 10% de couverture de sa surface maritime, par les aires protégées, en particulier grâce à l’Outre-mer, compte dans ses rangs un très bon élève en la matière, la Nouvelle-Calédonie. Un exemple dont Laurent Vigliola, de l’IRD de Nouméa, co-auteur de l’étude, tire les leçons :Il faut sanctuariser les récifs isolés très rares, seuls à pouvoir assurer les 3 objectifs à bon niveau. C’est le cas du Parc Naturel de la Mer de Corail, qui a placé en AMP intégrale tous les récifs isolés au large de la Nouvelle-Calédonie.
Laurent Vigliola, de l’IRD de Nouméa, co-auteur de l’étude
Le récif calédonien de Merlet est même carrément interdit à la visite. On est au-delà du no-take. C’est le "no-entry". Joint par Outremer 1ère, David Mouillot, de l’université de Montpellier, lui aussi co-auteur, ne cache pas son enthousiasme :
La Nouvelle-Calédonie est une véritable success-story pour la conservation des espèces marines.
David Mouillot, de l’université de Montpellier
Un scenario calédonien qu’il voudrait voir appliquer aux coraux de Mayotte, qui sont encore en bon état : "avec l’accord de la population locale bien sûr. Mais c’est possible car il y a peu de pêcheurs. Un principe de précaution", car "lorsque l’état est trop dégradé, on a du mal à remonter la pente".
Le contre-exemple réunionnais
Effectivement, quand un récif a été surexploité et trop endommagé, le retour à la normale est très difficile et très lent même en AMP intégrale. Ce pourrait être le cas, par exemple, des récifs réunionnais. "C’est un des systèmes les plus dégradés de notre étude", juge le scientifique.S’il faut en prendre soin, ça ne vaut plus la peine de le sanctuariser via une AMP intégrale. Cela n’aurait probablement pas les résultats escomptés.
Plus généralement, le chercheur explique qu’"il est d’autant plus difficile de concilier exploitation et protection des récifs, que ceux-ci sont proches de l’homme. Même en AMP."
Une solution gagnant-gagnant, avec les aires marines protégées partielles
Heureusement, l’étude montre que la moitié des récifs étudiés qui ne figurent pas dans une AMP, peuvent voir leur situation s’améliorer. En particulier s’ils ne figurent pas trop près d’une zone très peuplée.Pour Joshua Cinner, qui a dirigé l’étude, "l’idéal serait une AMP intégrale, qui offre les meilleurs résultats pour les 3 objectifs". Mais la situation économique de nombreux pays en développement ne le permet pas. C’est par exemple le cas d’Haïti, dans la mer des Caraïbes. A l’échelle du Monde, ce no-take de grande ampleur, serait donc socialement impossible, et de toutes façons irréalisable en matière de surveillance.
Ce n’est pas si grave. Le professeur de l’université de Townsville en Australie considère qu’"une mise en AMP partielle reste très intéressante", notamment pour la ressource halieutique commerciale et les poissons herbivores. De fait, la correspondance entre les progrès de la conservation des espèces et la pression humaine n’est pas linéaire. Des changements relativement faibles pourraient avoir des effets importants.
La solution serait finalement « gagnant-gagnant ». Le relative restriction des droits serait largement compensée par l’amélioration de la ressource.
Des exemples qui marchent
Des exemples de réussite dans ce sens existent déjà. David Mouillot cite une autre « success-story » en Papouasie. Pêcheurs et autorités y cogèrent une AMP partielle, qui a permis d’accroître significativement les effectifs de poisson. Même chose à Bonifacio, en Corse, où la restriction de la pêche aux seuls professionnels a donné de très bons résultats.Une étude globale pour la décennie à venir et qui n’est pas finie…
L’étude fait des projections pour la décennie à venir. Elle tient compte aussi de l’évolution démographique et socio-économique des zones concernées afin de fournir des solutions aux décideurs qui auront à gérer une biodiversité et une ressource halieutique pour des millions de personnes. Cette gestion sera déterminante, au même titre que le changement climatique, pour l’avenir des récifs coralliens.Le projet Reef-Futures n’est pas achevé. Les chercheurs vont approfondir leurs études en intégrant de nouvelles données notamment en matière de changement climatique ou sur l’apport des récifs et leurs conséquences. Des recherches rendues possibles grâce à la démultiplication des moyens, l’échange de données et la mutualisation d’expériences d’une coopération internationale de grande ampleur.