Deuxième du Vendée Globe, Damien Seguin passe à l’attaque !

Damien Seguin concentré sur son objectif

Le skipper guadeloupéen n’en finit pas d’étonner le monde de la voile mais pas seulement. Passé quatrième au Cap Horn lundi il est désormais en deuxième position. Jusqu’où est-il capable d’aller dans cette course ? Outre-mer la 1ère l’a joint par téléphone.

Outre-mer la 1ère : Damien vous rendez-vous compte du classement quand vous le lisez ?
Damien Seguin :
Je suis dans le match, content d’être dans le top 5 et symboliquement ça fait plaisir. C’est vrai que je suis devant pas mal de bateaux - dits plus rapides que le mien - mais voilà moi je fais ma course. Ce qui m’intéresse surtout et ce que je regarde ce sont les positions des trois autres bateaux à dérives droite, Jean (Le Cam), Benjamin (Dutreux) et Maxime (Sorel). Le podium dans cette catégorie devrait se jouer entre nous, c’est surtout par rapport à eux que je m’étalonne. Pour le reste c’est du bonus d’être devant des foilers, je me suis pris à rêver de passer le cap Horn dans le top 5 je l’ai fait. C’est quelque chose d’absolument génial.

Outre-mer la 1ère : Mais maintenant vous êtes deuxième derrière Yannick Bestaven, c'est incroyable non ? 
Damien Seguin : Dire que je ne suis pas satisfait d’être deuxième au classement ce serait mentir. En même temps c’est très bien mais ce n’est pas non plus ce que je cherche absolument. Je cherche déjà à grappiller des milles vers l’arrivée et je profite de cet état de fait, mais le plus important ce sera la place aux Sables. Il y a encore beaucoup de transitions vers l’Equateur dans les prochains jours, et j’espère surtout ne pas me tromper dans mes choix pour assurer au maximum la place dans le top 5 à l’arrivée. Après si j’arrive à conserver cette place de 2 le plus longtemps possible je serai content mais je n’en fais pas ma priorité du moment.

J’ai fait un truc de dingue, avec des rêves fous et incroyables dans ma tête je n’en reviens pas mais je savoure le moment. Je pourrais au moins dire que dans ce Vendée j’aurai occupé toute les places de 1 à 5. Je sais que plein de gens ont bondi de joie avec ce classement intermédiaire, c’est une belle journée,

Damien Seguin, skipper Groupe Apicil

 

Outre-mer la 1ère : Revenons un peu sur ce passage du Cap Horn en quelques mots, on vous a vu très ému à bord lors d'une vidéo, avez-vous bien digéré cette émotion ?
Damien Seguin :
C’est une sacrée reconnaissance, car pour le marins c’est toujours un endroit qui est difficile à passer. L’histoire de la marine a bien montré que c’était un vrai cimetière à bateaux et beaucoup de marins ont péri à cet endroit-là. Donc il y a beaucoup de respect et plein de choses symboliques autour du fait de devenir "cap hornier" et ça se fête avec des mots et des actes symboliques.

En fait j’ai toujours rêvé de passer le cap Horn dans le sens où c’est l’endroit mythique où, surtout en France, on juge les marins dans la course au large par le prisme du Vendée Globe. Quand on passe le Cap Horn c’est déjà qu’on a fait un bon bout de chemin, certains ne l’ont jamais passé. Alors oui j’ai toujours rêvé de le faire mais en disant que ça doit être super compliqué d’arriver là mais je confirme c’est compliqué, mais j’ai réalisé ce pari. Oui j’ai fait un truc de dingue, avec des rêves fous et incroyables dans ma tête.

 

Tu as le droit de cracher au vent sur ton bateau quand tu es "cap hornier " dit-on dans le milieu. C'est un privilège !

Damien Seguin, skipper Groupe Apicil

 

Insolite en plein Océan Pacifique, Damien photographié par Boris Herrmann

Outre-mer la 1ère : Question très classique, mais on peut la poser aussi à un marin qui est en course,  quels sont vos vœux pour 2021 ?
Damien Seguin :
Ce que je souhaite à ma famille mais aussi à tous ceux qui me suivent et qui liront ce message, c’est d’avoir passé un bon cap vers 2021 en famille, même si c’est limité, et de vivre bien ces choses-là.  Et puis si j’ai un vœu à formuler c’est que 2021 ne ressemble pas à 2020 au niveau sanitaire car je pense que tout le monde en a souffert. Nous les marins on a eu la chance de partir en course et d’enlever le masque, de faire une vraie parenthèse sur cette crise. Mais pour avoir des nouvelles de la terre régulièrement, je sais que ce n’est pas simple, comme on dit dans le jargon des marins on n’est pas au vent de la bouée.
J’espère donc que 2021 sera plus tranquille à ce niveau et qu’on pourra retrouver une vie à peu près normale en profitant des joies d’être ensemble. C’est ce qui est le plus important pour moi.

Outre-mer la 1ère : Est-ce que vous avez l’impression de devenir un un autre marin ?
Damien Seguin :
Un marin avec plus d’expérience c’est sûr. Je suis toujours le même avec la même approche de mon sport. On a toujours dit que la course au large est un sport d’expérience et je suis en train de le vérifier.
Alors forcément je vais changer, je verrai de quelle façon (rires). Ce que j’ai vécu jusqu’à présent au 59ème jour de course est indescriptible, il y a tellement de haut et de bas, de moments sympas et difficiles. Même si je devais arrêter maintenant ce serait déjà ça de vécu, mais je n’ai pas du tout envie d’arrêter maintenant.

Coucher de soleil derrière le monocoque Groupe Apicil

Outre-mer la 1ère : Et maintenant la suite, vous devenez ambitieux ? Quel est le scenario idéal ou prévisible pour vous ?  
Damien Seguin :
 Déjà je vais remonter l’océan Atlantique, chose que je n’ai jamais faite dans ma vie. Après sur la remontée en elle-même on verra bien. Je n’ai pas envie de faire de plans sur la comète, j’ai un bateau qui a souffert après plus de 59 jours de mer, mais il est relativement en bon état, le skipper aussi donc tout peut se passer. Mais ça va bien, je me sens très en forme et je me suis reposé.
J’ai bien compris la situation météo. Et puis, mes adversaires derrière moi ne me reprennent pas de terrain. Je continue même à gagner quelques milles. La suite ne va pas être simple mais je fais ce que je sais faire et je commence à me mettre dans la peau d’un bon outsider. Ça me motive beaucoup de penser comme cela.

 

Je pense qu’il y a des choses à faire sur ce Vendée et comme d’habitude si j’en ai les moyens je serai à l’attaque et je ne lâcherai rien.

Damien Seguin, skipper Groupe Apicil

 

Pour les 24 h à venir, je continue avec un régime de quinze / vingt nœuds, avec essentiellement du vent d’ouest avant d’arriver sur un anticyclone. On va vraiment ralentir et il va falloir faire des gros choix de trajectoire pour le contourner. Sinon pour l’instant c’est du tout droit, je fais comme les deux premiers Yannick Bestaven et Charlie Dalin, plutôt dans l’est, alors que Thomas Ruyant a pris une option plus Ouest. On verra à la fin qui aura raison. Si mes prévisions sont bonnes je compte passer la ligne d’arrivée des Sables d’Olonne début Février si tout va bien. 

 

Vidéo ci-dessous de Damien Seguin à bord hier mercredi 6 janvier, remerciant ses supporters

 

 

L’avis de Michel Desjoyeaux, double vainqueur du Vendée Globe sur la course de Damien Seguin.


« C’est incroyable ce qu’il fait, il a super bien navigué et surtout tenu la cadence, je suis bluffé. Il a super bien joué au moment où il fallait s’extraire d’un petit paquet aux trois quarts du Pacifique. Il n’a pas l’air de fatiguer et je pense qu’on peut lui tirer un grand coup de chapeau. Ce qui est génial c’est la bagarre qui se passe sur l’eau avec 11 bateaux en moins de 1000 milles qui ont passé le Cap Horn et Damien est aux avants postes, complétement dedans et il adore la bagarre. »