En visite à Groix et à Lorient, la ministre de la Mer Annick Girardin dans son élément

Dans la réserve naturelle nationale François Le Bail
Une journée entière, toute en authenticité, à la rencontre des conservateurs du littoral et des acteurs économiques du territoire entre Groix et Lorient, la ministre de la Mer Annick Girardin a apprécié ce moment de liberté sur le terrain. Son nouveau ministère est un immense champ d’action.
Annick Girardin, même avec le masque de rigueur est tout sourire quand elle peut l’enlever pour répondre à une interview ou prendre une photo souvenir. Loin du stress ambiant du Morbihan et de ce qui se passe à Quiberon des derniers jours, elle savoure l’instant : "Quand on vient comme moi de Saint-Pierre-et-Miquelon, on n’est pas dépaysé à Groix. Et j’apprécie vraiment d’être sur cette île, de voir la préservation et le développement durable qui y est entrepris, et surtout j’ai vécu une pause indispensable, un vrai moment de liberté, comme quand je me suis retrouvé en haut du phare de Pen-Men pour contempler le littoral."

Que l’on ne s’y méprenne pas, la ministre de la Mer n’est pas en balade touristique, mais elle a pu prendre le pouls de cet endroit pas comme les autres, où la vie du continent semble loin. Accompagnée du maire de Groix Dominique Yvon et du préfet du Morbihan Patrice Faure, elle a pu rencontrer sur le terrain les acteurs de l’économie maritime et du monde durable.
 

Des créateurs innovants

Le premier rendez-vous est au Fort du Haut-Grognon, pour visiter les locaux d’une entreprise qui réinvente l’usage du cordage. Nous sommes dans une ancienne batterie, un ouvrage défensif abritant des pièces d’artillerie, qui devait protéger l’ile de Groix. Au cœur de l’ensemble bâti, les chèvres et les poneys ont remplacé les canons, la SARL Chien Noir y a installé ses locaux, avec son logo de pirate, pour y créer le Parcabout.  
 
Avec Cédric Chauvaud l'un des créateurs du Parcabout

L’idée géniale d’un ancien marin Cédric Chauvaud a été en 2008 de créer des parcs d’attractions avec des filets géants, assemblés avec des "bouts", soit les cordages dans le vocabulaire marin. Une technique de matelotage issue de la course au large et du travail de marins pêcheurs mixe ces deux techniques pour avoir le produit final. "On exporte notre savoir-faire désormais à Singapour, en Angleterre , en Corée du Sud ou au Japon et bientôt Israël, c’est une belle aventure", commente le directeur commercial Pierre Sacaze, l’un des quatre piliers de l’aventure avec aussi Jean Luc Blain et François Desnoyers.

Annick Girardin pénètre avec curiosité dans l’antre de Cédric Chauvaud pour y découvrir un monde particulier, puis dans le deuxième hangar, elle voit le produit fini, du bel ouvrage.

Pouvoir associer l’activité de l’homme et refaire de l’activité économique à partir de zones protégées, dans notre environnement naturel, mais aussi dans du bâti qui est notre culture maritime, c’est innovant. Le faire avec des métiers qui sont exercés dans le domaine de la pêche et les transformer en activités de loisirs c’est aussi de l’excellence.

Annick Girardin, ministre de la Mer


 
Dans l 'atelier de fabrication

Désormais Parcabout emploie 17 personnes à temps complet et près de 60 en CDD selon les installations à effectuer et l’endroit. La création est simple : aller faire un relevé d’une forêt en 3D, d’une mine au Pays de Galles ou de l’aéroport de Singapour, faire le design sur ordinateur et extraire le plan des filets qui sont ensuite envoyés au chef d’atelier pour y être fabriqués à Groix.
  

Une réserve naturelle exceptionnelle

La visite se poursuit près de Phare de Pen Men construit en 1836. D’une hauteur de près de trente mètres, ce phare est le plus puissant du Morbihan avec une portée de 29 milles nautiques, soit près de 54 km. Grand et puissant, comme le député Jimmy Pahun, ancien skipper et journaliste, qui avait navigué sous les couleurs de Saint-Pierre-et-Miquelon. Le député de la 2e circonscription du Morbihan, raconte des histoires de marins qui ravissent la ministre.
  
Au coeur de la réserve et de la flore Bretonne
 
Plus bas se trouve la superbe réserve naturelle nationale François le Bail. Accompagnée de Léa Trifault, conservatrice de la réserve et de Ludovic Yvon garde du littoral, Annick Girardin se promène près de la falaise.
 

J’ai une sensibilité maritime c’est clair, je vis mieux quand je suis au bord de la mer » 

Annick Girardin, Ministre de la mer


Cette réserve, créée en 1982 est sur les terrains du conservatoire du littoral, et dont la gestion est confiée à l’association Bretagne Vivante. Il y a sur place d’abord un choix original sur le bâti, avec des projets de rachat de deux phares. Celui de Pen Men donc et celui de la Pointe des Chats, pour les transformer en gites ou locaux pour associations. Première bonne idée. Mais l’essentiel ici est aussi la conservation de la faune et de la flore

Nous avons cinq colonies d’oiseaux marins nicheurs protégés, différentes espèces de  goélands, mais plus rare des fulmars boréaux, des cormorans huppés et même un couple rare de faucons pèlerins. Il y a aussi une flore marine protégée et le patrimoine géologique, exceptionnel, est à l’origine de la création de la réserve, avec des roches qui se sont formées il y a 360 millions d’années avec des schistes bleus et verts " précise Léa Trifault.

Annick Girardin écoute attentivement ces propos. Elle y est sensible : cela ne va pas sans lui rappeler Miquelon ou Langlade, et leur environnement naturel. "Les gens qui vivent sur terre doivent prendre conscience qu’ils ont la responsabilité de leur territoire, mais aussi de ce qui les entoure, ce domaine et cette richesse maritimes. On voit bien le lien entre le littoral et la mer. Ici on en a un bel exemple avec cette réserve naturelle. C’est un des objectifs aussi du ministère de la mer de poursuivre cette action avec le conservatoire du littoral. "
 

C’est important pour moi de construire un monde durable, il faut qu’on soit à l’écoute en réunions mais surtout avec les acteurs sur le terrain

Annick Girardin, Ministre de la mer

 

Rassurer les pêcheurs

Ces professionnels de la mer la ministre va les écouter et les rencontrer en rentrant à Lorient pour le déjeuner avec les pêcheurs.
Un retour effectué à bord de la vedette de première classe SNS 147 Notre-Dame-du-Calme. Un joli clin d’œil à cette association de bénévoles qui sauvent chaque année de nombreuses vies, en mer, parfois au péril de la leur. Pour que l’eau salée n’ait jamais le goût des larmes, selon sa célèbre devise. En 2019 la SNSM a sauvé en mer 7240 personnes pour 3932 interventions.
 
La Ministre avec l 'équipage de Notre Dame du Calme SNS147 devant la Cité de la Voile Eric Tabarly

Annick Girardin, débarquée de la vedette est allée rassurer les pécheurs de Lorient et déjeuner avec eux. "Ils ont une forte angoisse sur le Brexit et l’accord de pêche dans les eaux britanniques où les Français pêchent 75 % de leurs poissons. On doit intégrer totalement cela dans notre action. Je connais la problématique des pêcheurs et leurs besoins, on sait ce qu’il faut faire pour que notre choix politique soit compris. J’ai tenu à leur apporter ce message."

Jimmy Pahun le député morbihannais apprécie cette visite et ce dialogue avec les pêcheurs : "D’abord Annick Girardin est une ministre à temps plein, et c’est important pour nous car depuis 1988 il n’y en avait pas (le dernier Ministre de la mer était Jacques Mellik dans le gouvernement Rocard). J’ai été très touché qu’elle vienne à Lorient dans la ville des 5 ports (commerce, pêche, militaire, passagers et plaisance). Avec elle on a pu mettre le focus sur le fait que les Français aiment la mer, on a évoqué des possibilités de développer les classes de mer pour les écoliers. Mais concrètement le gros dossier reste celui du Brexit  mais un autre qui nous tient à cœur c’est le rapatriement de tous ces marins bretons sur la planète qui n’arrivent pas à débarquer de leur bateau ? Ceux de Concarneau notamment qui pêchent le thon dans l’Océan Indien et qui ne sont toujours pas rentrés chez en Bretagne dans leur famille. Ne l’oublions pas."
 

Une femme de défi

Pas très loin du port de pêche à la Base de Lorient, le pole sportif et nautique de haut niveau, Annick Girardin, avec le maire de Lorient Fabrice Loher, rejoint enfin les deux bateaux qui ont battu le record Saint-Pierre et Miquelon / Lorient. Jean Pierre Dick et son équipage, Morgane Poupon et Rémi Lhotellier l’accueillent sur les pontons en face du bloc K3. La voile ? La ministre a aussi son mot à dire, avec une certaine nostalgie.

"Je crois à ce type de défi, d’abord parce que c’est la défense de mon territoire. Ce record de la route Saint-Pierre-et-Miquelon Lorient est une option sur laquelle on peut travailler. Pourquoi ne pas recréer la Transat Lorient Saint-Pierre-et-Miquelon comme dans les années 80 ? Ce record est intéressant car établi par des professionnels et aussi des amateurs à bord, des chefs d’entreprise qui se déconnectent et qui sont sensibles à la protection des océans avec la fondation Pure Océan. Mais je n’oublie pas qu’en 1987 quand on accueillait la Transat à Saint-Pierre, on avait créé l’association Transat Animation, la mairie de Saint-Pierre m’y avait mis à sa tête. C’était mon premier boulot. 33 ans plus tard je parraine le projet mené par Philippe Paturel après avoir travaillé avec son papa André, c’est un beau retour des choses."
 
A la Base avec David Sussmann fondateur de Pure Océan et le maire de Lorient Fabrice Loher

La ministre de la Mer aurait voulu rester à Lorient pour les 10 ans de Lorient Grand Large et cette première fête organisée à la Cité de la voile Eric Tabarly, avec le Bagad Sonerien An Oriant. Mais politique oblige, elle doit reprendre le TGV vers Paris. Consciente de l’immensité de la tâche qui l’attend.

Annick Girardin est désormais à la tête d’un ministère, dont le champ d'action est le deuxième domaine maritime mondial avec 11 millions de kilomètres carrés de superficie après celui des Etats-Unis, 18 000 kilomètres de littoral et comptant 400 000 emplois. Beau défi pour cette femme d’une île tournée désormais encore plus vers le large.

Le reportage d'Eric Cintas et Emmanuel Gire :