Windsurf : les Calédoniens Thomas et Nicolas Goyard en mode olympique sur l’eau du lagon

au premier plan Thomas Goyard, au second plan son frère Nicolas sur le lagon de Nouvelle Calédonie
Ils sont sortis du confinement le 20 avril et depuis multiplient les raids sur leur planche à voile ou leur windfoil. Thomas et Nicolas ont la chance de vivre en Nouvelle-Calédonie, paradis des windsurfers. Les frères Goyard sont des champions privilégiés qui gardent leur rêve olympique en tête.
 
Thomas Goyard a la banane sur les photos qu’il a envoyées. Le sélectionné pour les Jeux de Tokyo en Windsurf (catégorie RSX) a vécu le confinement avec ses parents, son frère cadet Nicolas et Adrien Mestre, un copain d’entraînement, sur le bateau familial. Au mouillage dans une baie avec leur catamaran de treize mètres car ils n’avaient pas le droit de rester dans la marina, ils se ravitaillaient à terre avec leur annexe. Côté sport tout était prévu et c’était agréable : "J’avais une barre de traction accrochée au mât, je faisais du yoga ou le poirier", raconte Thomas. "On nageait autour du bateau pour se laver et bouger un peu. On n’était pas dans un appartement et c’était plutôt facile à vivre."
 
Confinement décontracté près du catamaran des parents

Depuis le déconfinement en Nouvelle Calédonie le 20 avril, c’est la "free attitude" pour les surdoués du Caillou. Avec Adrien, les deux frangins partent de la baie de Sainte-Marie vers le lagon autour de Nouméa, jusqu’aux îlots Larégnère et Goéland près de la barrière de corail. Même si pour l‘instant ils naviguent à vue sans certitudes sur la suite du déroulement de la saison.
 

Le but c’est de regoûter aux sensations. En attendant, on s’éclate car on peut naviguer, c’est chouette de retrouver sa planche.  
- Thomas Goyard


"Ces deux derniers jours, on a fait neuf heures de navigation avec de longs raids, en bivouaquant sur un îlot et en dormant dans nos housses de planche. Quand on peut ressortir le matériel pour repartir après un mois de confinement, franchement ça fait du bien", raconte Thomas.
 

Toujours les JO en ligne de mire

Thomas a obtenu sa qualification Olympique en février dernier en Australie, dans sa catégorie Windsurf RSX, en terminant troisième des mondiaux de Melbourne, derrière le duo néerlandais Badloe et Van Rijsselberghe. Il a tout juste eu le temps de rentrer à Nouméa, d’apprendre le report des JO de Tokyo et de se retrouver confiné, comme tout le monde. Tout s’est précipité pour lui : "Au moment de l’annulation des Jeux, c’était un peu up and down dans ma tête. Déjà ma qualification était un truc de dingue car j’avais effectué une forte progression depuis deux ans. Au final cette situation de report ne me dérange pas car dans un an et trois mois je serai vraiment prêt."
 
Thomas en Australie à l'issu du mondial 2020
Nicolas quant à lui, est devenu champion du monde PWA (Professional Windsurfing Association) en Windfoil en octobre 2019 à Sylt en Allemagne, avec sa victoire dans la dernière manche de la Coupe du Monde. Il s’imposa face à un autre Français, Alexandre Cousin et devant l’italien Matteo Iachino. Une nouvelle discipline où les français performent avec cinq d’entre eux dans le top dix mondial.

"C’est hyper cool d’être champion du monde, même si je ne réalise pas encore", déclarait-il en octobre."Après pas mal d’attente, on a dû enchaîner les courses sur des parcours différents. Le niveau était super élevé et chaque point difficile à gagner, surtout face aux autres Français."
 
Nicolas franchit la ligne en vainqueur à Sylt en Allemagne
L’histoire veut aussi que Thomas, le grand frère, soit un des précurseurs du Windfoil. Il a été champion du monde en 2017 et a terminé quatrième en 2019 alors qu’il avait gagné 61 % des manches pendant cette année. Les deux frères adorent cette nouvelle discipline, qui remplacera le RSX aux Jeux Oympiques de 2024.
 

Thomas contre Nicolas, une place pour deux pour Paris 2024

Cerise sur le gâteau, ils seront en lice pour la seule place olympique en Windfoil, dans un duel qui s’annonce déjà fratricide en vue de Paris 2024 (la voile ne donne qu’une place qualificative par discipline, la deuxième étant celle de remplaçant, Ndlr).

La perspective du duel ne va être pas simple à gérer dans leur tête lors des qualifications. Nicolas, 24 ans, évacue l’idée pour le moment :
"Pour les JO de Paris, il faut avant tout se placer en tant que numéro un et numéro deux français et pour ça il va falloir continuer à s'entraîner dur. Notre duel, on y pense mais ce n’est pas pour tout de suite."

Même son de cloche pour Thomas, 28 ans : "On n’en est pas encore là, beaucoup de choses peuvent arriver. Déjà on va se tirer au maximum ensemble vers le haut et ensuite que le meilleur gagne !"
 

Dans tous les cas ce sera une magnifique victoire si l’un de nous se qualifie pour les JO de Paris. 
- Thomas Goyard


Le duel a curieusement démarré dès le premier jour du déconfinement car pour leur première sortie sur leur planche à foil, les deux frères ont voulu se faire tracter par le catamaran des parents.  Ils n’ont pu éviter la collision, plutôt bête : "On a abimé nos foils, pas de dégâts humains heureusement mais on a raté un virage. On n’avait pas les repères et on n’était pas chauds", en rigole Nicolas. Ça promet.
 
Nicolas à gauche, Thomas à droite, frères et futurs rivaux
En attendant, il y a Tokyo à préparer, en RSX et Thomas s’y active, il n’a jamais semblé aussi prêt : "Cette chance qu’on a de faire du Windfoil, du RSX, de la course à pied, du stand up paddle (avec Titouan Puyo le double champion du monde et voisin calédonien) me permet de rester le plus actif possible. Varier les supports, c’est une formule qui me réussit bien depuis deux ans et  je la maintiens. Ceux qui ne seront pas qualifiés pour Tokyo feront du foil mais j’ai de l’avance car je fais les deux circuits, un peu comme en ski avec le slalom spécial et le slalom géant. Il ne faut surtout pas prendre du retard car tout va très vite dans ce sport."

Nicolas ira peut-être voir Thomas au Japon mais ça dépendra du calendrier 2021 de la coupe du monde de Windfoil. Le cadet des frangins navigue encore dans le flou sur cette année : "le calendrier est bousculé, il y aura peut-être les championnats du monde à Silvaplana en Suisse, normalement c’est maintenu. Mais par rapport à l’an dernier, ça se fera sur une épreuve en une semaine, celui qui gagnera sera champion du monde. Il n’y a pas de temps à perdre, il faut être prêt pour juillet ."
 

Le Windfoil en connexion avec le monde du Windsurf

Pour les non-spécialistes, le Windfoil se pratique avec une planche appelée IQ Foil, rehaussée avec un foil et qui vole, l’effet est spectaculaire. Une innovation qui plaît aux windsurfers, car on peut atteindre des pointes à 30 nœuds. La planche pèse à peine dix kilos, soit presque six kilos de moins que l’actuelle planche RSX, donc cela donne plus de facilité pour voler.

La RSX, qui avait été choisie pour Pékin 2008, est plutôt une planche hybride, pouvant naviguer dans peu de vent. "C’est l’évolution de la pratique et la rencontre de deux mondes différents, c’est aussi moderne et connecté à ce qui se passe dans le monde du Windsurf", précise Nicolas.
 

A Marseille en 2024 ce sera plus spectaculaire car avec le mistral on volera sur l’eau.  
- Nicolas Goyard

 
Nicolas Goyard dans la baie de Prony en Nouvelle Calédonie
Et Thomas de surenchérir : "C’est ultra physique car c’est un support pour aller contre le vent et aller dans tous les sens. Avec le foil sous la planche, on est en apesanteur, comme sur un siège éjectable, c’est super agréable et même magique. Mais la moindre erreur te catapulte, ton foil décroche un peu comme un avion dans des turbulences, il y a des variations de densité de l’air et tu tombes."
 

Le challenge du poids

Autre considération à prendre en compte, et pas la moindre, pour cette nouvelle catégorie de planche à voile, on estime un poids idéal à quatre-vingt kilos et les deux frères n’y sont pas encore. Nicolas est trop lourd de huit et Thomas trop léger de six, il faudra donc passer au régime dans les deux cas.

"Je suis en phase de perte de poids et Thomas doit travailler pour en prendre, ce n’est pas facile ni pour l’un pour l’autre", précise Nicolas. "Pour moi, c'est avant tout l'adaptation des quantités et toujours autant de sport. Je mange de tout et je ne me prive pas d'une bonne tartine de beurre de cacahuète de temps en temps, donc c’est vrai il y aura du boulot..."

Thomas prend ça d’une façon plus zen : "En ce qui me concerne ce sera juste de la musculation et des protéines naturelles pour prendre du poids. Je suis végétarien mais on peut être sportif de haut-niveau et végétarien. Des noix, des fibres, des œufs, du tofu, des algues, tout fonctionne pour que je sois au top." La balance donnera régulièrement son verdict.
 
Thomas, Adrien et Nicolas repartent en raid sur le lagon
La famille Goyard a toujours vécu sur l’eau et a élevé ses deux garçons d’abord en Polynésie puis en Nouvelle-Calédonie. Thomas, né en Martinique et Nicolas, né à Lorient, sont devenus des aventuriers du globe.

En vue de Paris 2024, le prochain objectif des deux frères sera de s’installer à Hyères, près du spot l’Almanarre, la Mecque de la vitesse en windsurf. C’est une longue plage de quatre kilomètres de long, balayée cent jours par an par le mistral.
 

Maintenant ça va être un travail d’équipe, je pense qu’on ne va pas avoir de mal à se supporter.  
- Nicolas Goyard


Thomas va quitter le Pôle France de La Rochelle et rejoindre Nicolas, déjà installé dans le sud de le France. Les deux frères vont vivre ensemble dans une maison, la cohabitation devrait bien se passer car les deux frères se connaissent presque par cœur. Ils ne seront pas seuls. D’autres windsurfers vont partager le nouveau lieu de vie. "On va gérer, je connais assez mon frère pour ça", rassure Thomas.

Entre l’un plus gourmand, qui préfère le tartare de thon et l’autre plus végétarien qui opte pour la salade de fruits exotiques, les combinaisons gastronomiques devraient être profitables pour ces merveileux fous volants calédoniens sur leurs drôles de machines.


Thomas Goyard Windsurfing
Nicolas Goyard Windsurfing