Après un mois de conflit social, la Guyane poursuit la mobilisation

Après un mois de conflit social en Guyane, le collectif "Pou la Gwiyann dékolé" a décidé lundi 17 avril de poursuivre la mobilisation en refermant les barrages qui avaient été levés pour le week-end de Pâques, jusqu'à la signature d'un protocole d'accord avec le gouvernement.
Ce protocole d'accord de sept pages, élaboré par le collectif qui coordonne le mouvement social "pour suspendre le mouvement sous sa forme actuelle", a été envoyé dimanche au gouvernement, qui en a accusé réception. "Pour avoir une signature rapide, nous avons obligation de durcir le mouvement. Les barrages seront fermés dès ce soir 22H00" (3H00 à Paris), a déclaré pour le collectif Valérie Vanoukia, représentante des très petites entreprises de Guyane, à l'issue d'une assemblée générale, invitant la population à se remobiliser.


"Le peuple guyanais veut se prendre en main"

Dans ce protocole, baptisé Projet d'Accord de Guyane, le collectif Pou la Gwiyann dékolé "acte" le plan d'urgence de plus d'un milliard d'euros proposé par le gouvernement et propose de rouvrir le dialogue sur les 2 milliards d'euros supplémentaires que réclamaient jusqu'à présent les manifestants. "Sur les 2 milliards, nous pouvons discuter", "ce n'est qu'une pompe d'amorçage", a-t-elle ajouté. Valérie Vanoukia souligne notamment que dans le texte initial du gouvernement, les questions sur la santé, l'éducation, le foncier et les communes de l'intérieur "n'ont pas eu de vraies réponses".

Mais deux points sont non négociables: "le gouvernement doit acter le fait que le peuple guyanais veut se prendre en main", a indiqué Valérie Vanoukia. Et il doit aussi garantir qu'aucun manifestant ayant participé au mouvement ne sera sanctionné judiciairement, a-t-elle insisté, en référence aux contrôles de police ordonnés depuis vendredi sur les barrages par la justice, à la suite de plaintes de particuliers pour "entrave  à la circulation".

Ecoutez Valérie Vanoukia, à la fin de l'assemblée générale du collectif, au micro de Guyane 1ère : 


Faire "monter la pression" avant le 1er tour de la présidentielle

"Nous acceptons la reprise du dialogue que le président de la République nous a proposée", a-t-elle dit et "pour avoir une réponse rapide, nous allons faire monter la pression", juste avant le premier tour de l'élection présidentielle, prévu samedi en Guyane.
Valérie Vanoukia s'est dite "très confiante pour dire que le mouvement sera suspendu dans les deux ou trois jours à venir".
La population rassemblée au barrage de la crique Fouillée le soir du 17 avril

La fermeture des barrages risque d'accentuer les divisions qui sont montées crescendo depuis plusieurs jours dans la population sur ce blocage qui paralyse la Guyane et pénalise l'activité économique. Au sein du collectif également, des divergences étaient apparues ces derniers jours, les socio-professionnels réclamant la levée des blocages pour "sauver les emplois".

Selon le préfet, plus de 500 entreprises guyanaises ont déjà demandé des mesures de chômage partiel à cause du mouvement social. Le collectif avait déjà prévenu que le rond-point proche du centre spatial de Kourou, où s'effectuent les lancements de la fusée Ariane, resterait fermé, malgré les alertes du PDG d'Arianespace sur les conséquences économiques et sociales de ce blocage.

Le barrage du rond-point de la Carapa, qui mène au Centre spatial guyanais, est bloqué depuis le début de la mobilisation.

La santé, l'éducation, les communes de l'intérieur...

Renforcement des moyens pour lutter contre l'insécurité, désenclavement de toutes les communes de Guyane, dont certaines sont inaccessibles par la route et n'ont ni eau potable, ni électricité, reconnaissance des peuples autochtones, amélioration des services de santé défaillants et du système scolaire inadapté à une démographie galopante... Les manifestants réclament au total plus de 3 milliards d'euros à l'Etat, alors que celui-ci a mis sur la table un plan d'urgence de plus d'un milliard d'euros.

Quel que soit le gouvernement qui sera là (après la présidentielle, ndlr), ce qu'on demande, il va être obligé de nous le donner".
Mikael Mancée, porte-parole du collectif










Depuis un appel à la "grève générale illimitée" le 25 mars, qui bloque notamment le port de Cayenne où transitent 90 à 95% des importations et exportations de la Guyane, le territoire souffre d'une pénurie dans les commerces, notamment de produits frais, et de difficultés d'approvisionnement de médicaments et de matériel médical. Mais les conséquences de la grève sont plus larges : services administratifs fermés, liaisons aériennes aléatoires, absence de courrier, campagne électorale perturbée.