Après avoir fouillé de multiples archives, l’historien américain Marcus Rediker nous entraîne sur le pont et dans les cales sordides des bateaux négriers. Un voyage clinique dans le quotidien, la violence et l’économie de la traite transatlantique.
Cet ouvrage est passionnant et se lit comme un roman. « A bord du négrier, une histoire atlantique de la traite » (éditions du Seuil) est un livre indispensable si l’on veut comprendre les mécanismes de la traite transatlantique dans toute sa complexité, et sortir des schémas préétablis. De plus, il regorge d’histoires et de témoignages d’époque incroyables. L’auteur, Marcus Rediker, nous emmène à bord du navire, on est littéralement « embedded » (embarqué) comme l’on dirait aujourd’hui.
Dans ce maelström, les Africains n’ont pas été que des victimes de la traite, loin s’en faut. Du bon côté de la barrière, nombre d’entre eux en ont tiré des profits juteux. Ravisseurs et vendeurs d’esclaves aux Européens, pilotes de pirogues qui amenaient les « marchandises » sur les bateaux négriers, et fournisseurs de biens et de services divers, entre autres. Marcus Rediker note même que des Africains devenaient marins à bord de négriers pour des périodes plus ou moins longues, escortant les esclaves dans les fers. Il mentionne également l’histoire d’un fils de notable musulman d’Afrique de l’Ouest, Job Ben Solomon, devenu esclave puis libéré et rapatrié en Afrique par la Royal African Company du fait de sa caste, qui devint lui-même un promoteur zélé de cette entreprise esclavagiste.
Ces derniers étaient soumis à des traitements inhumains : « une relation fondée sur l’ingestion forcée de nourriture, les coups de fouet, la violence à tout bout de champs et le viol des femmes ». L’objectif était, outre de terroriser les captifs afin d’éviter les rebellions, de les préparer aux conditions de l’esclavage qui allait suivre dans les plantations. Au final, souligne Marcus Rediker, « le navire n’était lui-même qu’une machine diabolique, une sorte de gigantesque instrument de torture ».
Entre la fin du XVe siècle et celle du XIXe, la machine de l’esclavage transatlantique allait engendrer, selon l’auteur, la déportation de 12,4 millions de personnes, dont 1,8 million périrent à bord des bateaux négriers, et furent jetés par-dessus bord. « En prenant en compte l’ensemble des étapes – l’expropriation en Afrique, le passage du Milieu, le début de l’exploitation aux Amériques – à peu près 5 millions d’hommes, de femmes et d’enfants moururent à cause de la traite », relève l’historien.
Marcus Rediker - « À bord du négrier, Une histoire atlantique de la traite » (traduit par Aurélien Blanchard) – octobre 2013, éditions du Seuil, 560 pages, 24 euros.
Commerce industriel et mondialisé
A l’origine de la mondialisation et du capitalisme moderne, la traite transatlantique fut un gigantesque et terrifiant écheveau de compétences entremêlant plusieurs peuples. Africains, Européens, Américains du Sud et du Nord, se retrouvent au centre d’un commerce industriel et mondialisé. Il implique des investisseurs, des banquiers, des commis, des assureurs, des agents des douanes, des législateurs, des membres des chambres de commerce, des fabricants de tissus, d’armes, de bateaux, des dockers, des marins, des équipages de vaisseaux, etc… C’est un vivier d’emplois et de métiers transcontinentaux, qui préfigure le capitalisme sans frontières tel qu’on le connaît aujourd’hui.Dans ce maelström, les Africains n’ont pas été que des victimes de la traite, loin s’en faut. Du bon côté de la barrière, nombre d’entre eux en ont tiré des profits juteux. Ravisseurs et vendeurs d’esclaves aux Européens, pilotes de pirogues qui amenaient les « marchandises » sur les bateaux négriers, et fournisseurs de biens et de services divers, entre autres. Marcus Rediker note même que des Africains devenaient marins à bord de négriers pour des périodes plus ou moins longues, escortant les esclaves dans les fers. Il mentionne également l’histoire d’un fils de notable musulman d’Afrique de l’Ouest, Job Ben Solomon, devenu esclave puis libéré et rapatrié en Afrique par la Royal African Company du fait de sa caste, qui devint lui-même un promoteur zélé de cette entreprise esclavagiste.
Violence omniprésente
Ce qui caractérise le bateau négrier, c’est la violence omniprésente. Elle est au centre et constitutive des rapports de force qui s’instituent tout au long de la traversée, et elle préfigure les périodes d’esclavage qui vont suivre. La violence est partout. Pas seulement de l’équipage blanc envers les esclaves noirs. Elle s’exerce aussi entre les Blancs, en particulier du capitaine et de la hiérarchie envers les marins. Rediker parle d’un « gouvernement de la violence ». « La discipline était souvent brutale, et plus d’un marin fut fouetté au point d’en perdre la vie », écrit-il. L’auteur parle même de taux de mortalité chez les marins parfois aussi élevé que celui des esclaves.Ces derniers étaient soumis à des traitements inhumains : « une relation fondée sur l’ingestion forcée de nourriture, les coups de fouet, la violence à tout bout de champs et le viol des femmes ». L’objectif était, outre de terroriser les captifs afin d’éviter les rebellions, de les préparer aux conditions de l’esclavage qui allait suivre dans les plantations. Au final, souligne Marcus Rediker, « le navire n’était lui-même qu’une machine diabolique, une sorte de gigantesque instrument de torture ».
Entre la fin du XVe siècle et celle du XIXe, la machine de l’esclavage transatlantique allait engendrer, selon l’auteur, la déportation de 12,4 millions de personnes, dont 1,8 million périrent à bord des bateaux négriers, et furent jetés par-dessus bord. « En prenant en compte l’ensemble des étapes – l’expropriation en Afrique, le passage du Milieu, le début de l’exploitation aux Amériques – à peu près 5 millions d’hommes, de femmes et d’enfants moururent à cause de la traite », relève l’historien.
Marcus Rediker - « À bord du négrier, Une histoire atlantique de la traite » (traduit par Aurélien Blanchard) – octobre 2013, éditions du Seuil, 560 pages, 24 euros.