Le nombre de nouvelles demandes d'asile a diminué à Mayotte et a augmenté en Guyane en 2023, selon les dernières données, encore provisoires, publiées par l'Office Français de Protection des Réfugiés et Apatrides (Ofpra) ce mardi 23 janvier. Dans les deux cas, le profil des demandeurs change, confortant la nouvelle place de ces territoires ultramarins comme portes d'entrée vers l'Europe pour les candidats à l'asile. Ils sont de plus en plus à venir du Moyen-Orient et de l'Afrique des Grands Lacs.
En Guyane, le nombre de nouvelles demandes d'asile a été multiplié par deux entre 2022 et 2023. Si les parcours "traditionnels", en provenance des pays voisins, se maintiennent (28% des nouvelles demandes d’asile enregistrées en Guyane en 2023 concernaient des Haïtiens), la part des demandeurs venus du Moyen-Orient augmente. Très marginale il y a une dizaine d'années (3% des demandeurs venaient alors de Syrie ou d'Irak), cette tendance s'est accentuée en 2022 (30% des demandeurs étaient alors Syriens ou Palestiniens), et à nouveau en 2023 (les Syriens et les Afghans représentant désormais 40% des nouvelles demandes).
Rejoindre l'Europe via l'Amérique du Sud
Les demandeurs d'asile qui empruntent ce nouveau parcours migratoire passent par le Liban ou la Turquie, avant de rejoindre le Brésil, puis de traverser la frontière -poreuse et longue de plus de 700 km- qui sépare le pays de la Guyane. Rejoindre l’Europe via l’Amérique du Sud peut sembler contre-intuitif, mais la route, bien que dangereuse, est réputée sûre en comparaison au trajet "classique", qui voit les migrants tenter de rejoindre le Vieux Continent en passant par la Méditerranée. Selon l’ONU, en 2023, 2 500 personnes sont mortes ou disparues en tentant la traversée.
Cette nouvelle route migratoire inquiète les autorités guyanaises. "Je pense qu’actuellement il n’y a aucune solution pour répondre de façon digne à tous ces migrants du Moyen-Orient qui arrivent sur notre territoire", déclarait en avril dernier Sandra Trochimara, la maire de Cayenne, après une nouvelle arrivée de réfugiés dans sa commune. Un avis partagé par Gabriel Serville, le président de la Collectivité territoriale, qui demandait un transfert de certains migrants dans l’Hexagone pour soulager les "équipements" de la ville de Cayenne, qui "ne peuvent pas satisfaire une telle demande".
Des demandes en baisse et plus souvent acceptées à Mayotte
À Mayotte, où la question migratoire est source de vives tensions, le nombre de nouvelles demandes d'asile déposées en 2023 a diminué de 26% par rapport à 2022. Dans le territoire de l'Océan Indien, soumis à une très importante pression migratoire, notamment venue des Comores voisines, le profil des demandeurs évolue aussi. Près d'un demandeur d'asile sur deux (48%) était originaire d’Afrique des Grands Lacs en 2023, contre 25% en 2022. Ce changement d'origine géographique des demandeurs a modifié le taux d’acceptation des demandes examinée par l’Ofpra à Mayotte : l’asile a été accordé dans 40% des cas en 2023, contre seulement 14% en 2022.
Outre la multiplication des opérations policières depuis le déploiement de l’opération Wuambushu et le renvoi de plus de 20 000 personnes vers les Comores l’année dernière, derrière l’importante baisse du nombre de demandes déposées en 2023 se cache peut-être une difficulté supplémentaire pour les migrants. Depuis le 7 décembre dernier, le service de l’immigration de la préfecture de Mayotte, qui fournit les formulaires de demande d’asile aux usagers qui les réclament, est bloqué par le collectif des citoyens de Mayotte 2018. Mécaniquement, s’il est impossible de déposer des demandes, le nombre de demandes d’asile diminue. Le collectif, qui milite contre l’immigration clandestine sur l’île, avait déjà mené ce genre d'opération, notamment en 2018. Jacques Toubon, le défenseur des droits de l’époque, dénonçait alors une "situation alarmante" et des "atteintes graves" aux droits des étrangers.
Au niveau national, les demandes d’asile ont atteint un niveau record en France en 2023. Au total, 142 500 personnes ont demandé l'asile l'année dernière, soit une augmentation de 8,6%.