Abolition de l'esclavage : une cérémonie du 10 mai a minima

Christiane Taubira, Yaël Braun-Pivet, Gérard Larcher, Elisabeth Borne, Jean-Marc Ayrault et Pap Ndiaye assistent à la cérémonie du 10 mai 2023, au Jardin du Luxembourg.
La commémoration de la Journée nationale des mémoires de la traite, de l'esclavage et de leurs abolitions s'est tenue en l'absence d'Emmanuel Macron et sans prise de parole officielle de la Première ministre, pourtant présente au Jardin du Luxembourg.

La cérémonie n’aura pas dépassé une trentaine de minutes. Pour la 18e année consécutive, la commémoration de la Journée nationale des mémoires de la traite, de l'esclavage et de leurs abolitions s'est tenue ce mercredi 10 mai 2023, au cœur du Jardin du Luxembourg, à deux pas du Sénat.

Comme en 2020, Emmanuel Macron, a boudé l'évènement. Une absence "honteuse" selon le sénateur de Guadeloupe, Victorin Lurel. Le président de la République a préféré rendre hommage à Toussaint Louverture, à l'occasion des 220 ans de sa mort, au château de Joux, dans le Doubs, le 27 avril dernier. Cette année, c’est Elisabeth Borne, accompagnée du président du Sénat, Gérard Larcher, et de la présidente de l’Assemblée nationale, Yaël Braun-Pivet, qui ont déposé une gerbe devant la statue "Le Cri, l'Écrit". La sculpture, enchevêtrement de chaînes brisées, représente l'esclavage et son abolition.

Elisabeth Borne, Gérard Larcher et Yaël Beaun-Pivet après le dépôt de gerbes devant la sculpture "Le Cri, l'Écrit", le 10 mai 2023.

Si beaucoup d’officiels étaient présents –la Défenseure des droits, Claire Hédon, la présidente du groupe LFI à l'Assemblée, Mathilde Panot, mais également plusieurs membres du gouvernement, dont les ministres Marlène Schiappa, Pap Ndiaye, Jean-François Carenco ou encore Hervé Berville- aucune prise de parole politique n'a eu lieu pendant la cérémonie.

La parole aux écoliers

"Ce qui est important, c’est que les jeunes ont eu la parole", nuance Jean-Marc Ayrault, le président de la Fondation pour la mémoire de l’esclavage. Entre deux prestations du chanteur haïtien James Germain, des élèves lauréats du concours La Flamme de l’égalité ont pris le micro. Venus de l'Hexagone, mais aussi de Guyane et de La Réunion, ils ont travaillé pendant des mois sur l'esclavage. À la tribune, ils ont dit les crimes et les révoltes, la voix pleine d'émotion. "Après tout ce travail scolaire, ils sont plus forts pour affronter les défis du temps présent", poursuit Jean-Marc Ayrault, qui rappelle que "dans l’Hexagone et dans nos départements d’Outre-mer, les inégalités existent encore, le racisme anti-noirs existe encore."

L'absence de prise de parole officielle pendant une journée nationale n'est pas un problème non plus selon le ministre de l'Éducation nationale, Pap Ndiaye. "Ce qui compte ce n’est pas la longueur d’une cérémonie, c’est sa force, affirme-t-il. Le président était au fort de Joux le 27 avril. Il a eu l’occasion de prononcer un discours puissant."

"Si les politiques n'ont rien à dire (...) l'indigence leur revient"

Bien qu'a minima, la cérémonie du 10 mai 2023 marque le retour de Christiane Taubira. L'ancienne garde des Sceaux, qui avait porté la loi du 10 mai 2001 reconnaissant la traite négrière et l'esclavage comme des crimes contre l'humanité, avait peu goûté le silence d'Emmanuel Macron lors des commémorations de 2021, qu'elle qualifiait "d'une grande violence". Absente l'année dernière, Christiane Taubira était au premier rang ce mercredi. Même si elle se félicite que les choses évoluent, que "les enseignants [aient] de plus en plus de matériaux pédagogiques à leur disposition" pour parler de l'esclavage et que les initiatives mémorielles se multiplient "sur l'ensemble du territoire", deux ans après, elle ne dit pas autre chose. "Si les politiques n'ont rien à dire sur la première mondialisation qui a impliqué trois continents, qui a bouleversé l'état du monde et qui, aujourd'hui, a encore des effets (...), s'ils n'ont rien à dire là-dessus, la pauvreté, l'indigence leur revient", assène-t-elle.

Christiane Taubira félicite le chanteur haïtien James Germain après sa prestation.

L'absence de prise de parole officielle agace aussi Jacques Martial, adjoint à la maire de Paris chargé des Outre-mer. "Je le regrette. J'ai connu une époque où les présidents et responsables politiques avaient un propos, une parole", explique-t-il, avant de saluer une cérémonie certes "courte, mais intense".

Si aucune annonce précise n'a eu lieu au Jardin du Luxembourg, le président de la Fondation pour la mémoire de l'esclavage, Jean-Marc Ayrault, assure que le projet d'un mémorial en hommage aux victimes de l'esclavage à Paris, dans les cartons depuis des années, verra le jour prochainement. "On aboutit à un accord" entre les associations, les ministères et les associations, s'est félicité l'ancien Premier ministre après la cérémonie.