Aimé Césaire cité par Macron, une "francophonie anti-impérialiste" et la Polynésie candidate à l'OIF : les Outre-mer au XIXe sommet de la francophonie

Le XIXe sommet de la francophonie se déroule ce vendredi 4 octobre 2024 à la cité internationale de la langue française, à Villers-Cotterêts.
Le XIXe sommet de la francophonie s'est ouvert ce vendredi 4 octobre à Villers-Cotterêts, avec plusieurs dizaines de chefs d'États et de gouvernements. Dans son discours, Emmanuel Macron n'a pas oublié de citer des figures ultramarines, alors que se trouvait dans l'auditoire le Mahorais et nouveau secrétaire d'État à la francophonie Thani Mohamed Soilihi, la présidente de la région Réunion Huguette Bello et le président de la Polynésie Moetai Brotherson.

"La francophonie est cette cité solidaire de 330 millions d'âmes que nous pouvons être fiers d'habiter, une cité qui possède la langue française pour fondation et le monde pour horizon et qui avec Aimé Césaire désire 'un universel qui soit riche de tous les particuliers'".

C'est en convoquant la figure du Martiniquais et père de la négritude qu'Emmanuel Macron a souhaité la bienvenue à une grande partie des 88 chefs d'État et de gouvernement membres de l'OIF, l'Organisation internationale de la Francophonie, réunis lors de ce XIXe sommet ce vendredi 4 octobre, à la cité internationale de la langue française à Villers-Cotterêts.

Dans son discours d'ouverture, le président de la République a tenu à rappeler le rôle du français comme trait d'union entre les cinq continents, Outre-mer compris : "La francophonie est ce formidable lieu [...] qui permet à un jeune écrivain haïtien de devenir l'un des auteurs préférés des Canadiens et d'être adopté par l'Académie française pour y devenir Immortel comme Dany Laferrière".

Le français pour "unifier l'océan Indien"

Au-delà de la langue et la littérature, Emmanuel Macron a aussi défendu le français comme outil de commerce en prenant l'exemple des bassins pacifique et Indien. "Prenez l'Océanie, le français est par excellence la langue de passage, elle permet de basculer entre toutes les langues régionales, [elle est] celle qui permet d'unifier l'univers commercial d'un pays ou de toute une sous-région."

"Ne pensez pas qu'anglais, pensez français, a-t-il poursuivi en s'adressant à la jeune génération, pour à travers l'océan Indien commercer et réunifier celui-ci, de Madagascar à Maurice en passant par La Réunion ou Mayotte et les Comores, de la même manière pour l'Océanie et toute l'Afrique de l'Ouest."

Le commerce a en effet toute sa place dans la francophonie selon le chef de l'État puisqu'en amont de l'ouverture du sommet de la francophonie, il avait inauguré ce jeudi 3 octobre le salon FrancoTech à Paris, dédié aux innovations en français et aux entrepreneurs francophones. C'était la première occasion pour le Mahorais Thani Mohamed Soilihi de porter le costume de secrétaire d'État à la francophonie et aux partenariats internationaux. 

Il officiait également ce vendredi aux côtés du président de la République pour cet événement qui se déroule tous les deux ans.

 "Pour une francophonie anti-impérialiste"

Le bassin Indien était bien représenté lors de cette rencontre politique puisqu'une délégation réunionnaise menée par la présidente de région Huguette Bello est également sur place.

La présidente de la région Réunion Huguette Bello est accueillie à son arrivée à Villers-Cotterêts par le ministre des Affaires étrangères, avant l'ouverture du XIXe sommet de la francophonie, le 4 octobre 2024.

Cette dernière a défendu une francophonie non pas comme la promotion du seul français mais comme la "promotion de toutes les langues" qui découlent de cette langue française. "Il y a plus de 100 créoles, rien que dans notre région il y a cinq créoles différents, a-t-elle rappelé. Toutes ces langues régionales doivent être enseignées, l'avenir ce n'est pas d'être monolingue."

"Il n'y a pas de langue supérieure, a ajouté la présidente de La Réunion. Nous ne voulons pas de la domination quelle qu'elle soit, c'est pour cela qu'à La Réunion – le recteur nous le dit d'ailleurs - le bilinguisme, le créole et le français, nous apprend à mieux parler l'autre langue qu'est le français."

Huguette Bello a par ailleurs exprimé sur X sa croyance en une francophonie "véritablement anti-impérialiste et décoloniale qui prône une autre mondialisation que celle qui surexploite les hommes et les ressources".

Un tweet qui faisait écho au discours d'Emmanuel Macron qui a défendu l'OIF comme étant "dès le début une organisation décentrée qui, enfant de la décolonisation, a voulu revendiquer une langue que nous avons en partage".

La Polynésie candidate à l'OIF

Berceau du français, la France n'avait pourtant plus accueilli le sommet des pays membres de l'OIF depuis 33 ans. Les missions de cette organisation sont de définir les orientations stratégiques pour promouvoir la langue française dans le monde, aujourd'hui 5e langue la plus parlée sur Terre avec 321 millions de locuteurs, mais aussi d'examiner les demandes d'adhésion de nouveaux États, gouvernements et territoires.

C'est ainsi le cas de la Polynésie qui, bien qu'étant une collectivité d'Outre-mer française, ne fait pas partie de l'OIF et candidate pour en devenir membre observateur, à l'instar de la Nouvelle-Calédonie. Le président indépendantiste Moetai Brotherson a d'ailleurs lui aussi été reçu à la cité internationale de la langue française ce vendredi.

"Il ne faut pas confondre la francophonie et la France, souligne-t-il auprès d'Outre-mer la 1ère. C'est plus une communauté à la fois culturelle, économique à laquelle, je crois, il est intéressant que la Polynésie puisse appartenir." En plus de la question des relations diplomatiques, ce dernier en a profité pour "nouer des liens avec des chefs d'entreprise" lors du Salon FrancoTech

Interrogé sur sa présence au sommet de la francophonie alors qu'il est un fervent défenseur du tahitien, Moetai Brotherson a rejeté toute contradiction. "Les plus grands écrivains indépendantistes chez nous écrivent en français, a-t-il glissé. Ces langues peuvent coexister, elles s'enrichissent et s'interpénètrent, je rappelle que le mot tatouage vient d'un mot bien de chez nous !"

Le président de la Polynésie Moetai Brotherson est accueilli à son arrivée à Villers-Cotterêts par le ministre des Affaires étrangères, avant l'ouverture du XIXe sommet de la francophonie, le 4 octobre 2024.


La primauté du français sur le créole

Autour de ce sommet politique qui se concentre sur deux jours, le 4 octobre à Villers-Cotterêts et le 5 octobre au Grand Palais à Paris, d'autres événements bourgeonnent du 2 jusqu'au 6 octobre, comme un festival de la francophonie à la Gaîté Lyrique ou le village de la francophonie au 104, espace culturel innovant à Paris. Y sont présentées des créations sonores autour du créole de Simone Lagrand, autrice, slameuse et performeuse d'origine martiniquaise

"Ce que je vois, c'est qu'on donne à ces langues des territoires de la Caraïbe, de l'océan Indien, de l'Amazonie, une écoute, se réjouit-elle au micro d'Outre-mer la 1ère. Et on leur donne aussi une possibilité de rappeler qu'elles ont voix au chapitre et qu'elles s'écrivent, se disent et se vivent."

Voix au chapitre, oui mais pas à égalité avec le français. Le tribunal administratif de Fort-de-France vient en effet de rappeler la primauté du français sur le créole en annulant une délibération de la Collectivité Territoriale de Martinique qui en mai 2023, reconnaissait la langue créole comme langue co-officielle de l'île. "L'usage du français s'impose aux personnes morales de droit public" ont écrit les juges en invoquant deux textes de loi dont la Constitution.

Un point sur lequel la Réunionnaise Huguette Bello devrait soutenir les Martiniquais puisqu'elle nous a confirmé souhaiter "de tout son cœur" que le créole réunionnais soit langue officielle au même titre que le français à La Réunion.