"Annoncer n’est pas faire, communiquer n’est pas faire !" : la crise à Mayotte s’invite à l’Assemblée

Marie Guévenoux, ministre déléguée aux Outre-mer, lors des questions au gouvernement.
De l'extrême droite à l'extrême gauche, la crise à Mayotte et l'annonce de la volonté gouvernementale de supprimer le droit du sol sur l'île a fait réagir les députés d'un bout à l'autre de l'hémicycle lors des questions au gouvernement de ce mardi 13 février.

La crise à Mayotte a occupé presque 20% du temps des questions au gouvernement qui se sont tenues à l’Assemblée nationale ce mardi 13 février. 

C’est Marine Le Pen qui a ouvert le bal. "Monsieur le Premier ministre, annoncer n’est pas faire, communiquer non plus n’est pas faire !", a lancé la députée Rassemblement National (RN), estimant que "l’opération Wuambushu n’a en rien enrayé l’insécurité dans le département".

Marine Le Pen, qui répète régulièrement que la nationalité française, "s’hérite ou se mérite" se "félicite" de la fin du droit du sol à Mayotte, annoncée par Gérald Darmanin ce week-end. La cheffe de file des députés RN "préconise depuis longtemps" la mesure, estimant qu’il est "nécessaire de l’étendre à la France entière".

Pour mettre fin à l’enfer que vivent les habitants de l’île au parfum, il faut non seulement mettre fin au droit du sol, mais aussi entamer un bras de fer diplomatique d’une fermeté absolue vis-à-vis des Comores, largement responsables de la situation.

Marine Le Pen, députée Rassemblement National.



Elle demande par ailleurs à "instaurer l’état d’urgence" dans le département et espère la mise en place "de juges qui rendent la justice au nom du peuple français et non au nom de leur idéologue immigrationniste, à laquelle les Français, et en premier lieu les Mahorais, sont majoritairement opposés".

Pas de nouvelles annonces

"Madame Le Pen, les polémiques n’ont jamais construit ni un hôpital, ni une école, ni une gendarmerie", lui a répondu le Premier ministre, Gabriel Attal. Répétant au mot près ce qu’il avait déjà dit dans l’hémicycle la semaine dernière –à savoir que "si un département de l’Hexagone connaissait la situation que connait Mayotte aujourd’hui, on en entendrait parler matin midi et soir dans les médias"– le Premier ministre est revenu sur différentes mesures mises en place par le gouvernement. Gabriel Attal a par exemple rappelé que "les effectifs de police ont été doublés depuis 2017", que "110 000 personnes ont été expulsées de Mayotte depuis cinq ans", que l’opération Wuambushu a permis d’arrêter "plus de 60 chefs de bande qui opéraient sur l’île" et qu’une opération Wuambushu 2 était "en préparation".

Les aménagements au droit du sol réalisés dans le passé, à l’évidence, ne suffisent plus. C’est pourquoi il a été décidé par le président de la République de proposer la fin du droit du sol à Mayotte. C’est une mesure nécessaire, c’est une mesure attendue par les Mahorais et par les élus.

Gabriel Attal, Premier ministre.

 

"Mayotte agonise. (...) Mayotte entame son 22e jour de blocage", a pour sa part rappelé la députée de l'île, Estelle Youssouffa. Quand les renforts arrivent ?"

Cette fois, c’est la nouvelle ministre déléguée aux Outre-mer, Marie Guévenoux, qui a répondu. Évoquant, elle aussi, les effectifs de police supplémentaires, les expulsions, et l’opération Wuambushu, la nouvelle locataire de la rue Oudinot a néanmoins reconnu que "nous devons aller plus loin pour protéger Mayotte de la pression migratoire", mentionnant à nouveau "un rideau de fer" en mer, qui doit, à l’avenir, faire barrage entre l’île et l’extérieur.

Des milliers d'enfants à la rue

La gauche de l’hémicycle s’est aussi emparé du sujet. "Mayotte se trouve dans une situation d’abandon total de la République", a estimé Jean-Hugues Ratenon. Le député La France insoumise (LFI) de La Réunion considère que le gouvernement "laisse une population entière dans un désarroi profond". Évoquant "les 4000 à 5000 enfants, dont les parents ont été reconduits à la frontière ou sont morts en mer et qui vivent dans la rue, sous des abris de fortune", le député a tenu à rappeler la demande, formulée par Jean-Luc Mélenchon il y a six ans, de "les accueillir dans l’Hexagone". Faisant le lien entre les violences qui gangrènent le territoire et l’abandon de ces enfants, Jean-Hugues Ratenon demande un grand plan d’investissement pour Mayotte, "pour l’eau, l'éducation, le logement, la santé". 

L’État organise le transfert des violences de Mayotte vers La Réunion. La fin du droit du sol n’arrêtera pas le flux migratoire ! 

Jean-Hugues Ratenon, député LFI de La Réunion.

En réponse, Marie Guévenoux a reproché au député LFI d’oublier une partie du problème, à savoir l’immigration irrégulière. Saluant "la suppression du droit du sol", elle promet à nouveau "la restriction de 90% des titres de séjours" grâce aux "mesures du projet de loi immigration" mais aussi "de nouvelles dispositions", prévues dans un projet de loi consacré à Mayotte qui doit être présenté par le gouvernement prochainement.