Le djihadiste Peter Cherif a été condamné jeudi à la réclusion criminelle à perpétuité pour le rôle qu'il a joué au Yémen auprès de Chérif Kouachi, l'un des assaillants de l'attentat de Charlie Hebdo en 2015, et pour la séquestration de trois humanitaires en 2011.
La cour d'assises spéciale de Paris l'a déclaré coupable de toutes les charges qui lui étaient reprochées. Elle a assorti la peine de réclusion à la perpétuité d'une période de sûreté de 22 ans, conformément aux réquisitions du parquet national antiterroriste.
La présidente de la cour, Frédérique Aline, a expliqué que cette décision avait été prise "au regard de la gravité des faits" reprochés, et de la "dangerosité" de Peter Cherif. Ce dernier est resté impassible à l'énoncé du verdict.
Formateur de Chérif Kouachi
Pendant trois semaines, le vétéran du djihad, un homme de 42 ans dont le père était Guadeloupéen, a comparu pour association de malfaiteurs terroriste criminelle entre 2011 et 2018, période de sa présence au Yémen au sein d'Al-Qaïda dans la Péninsule arabique (Aqpa).
Il lui était reproché d'avoir rejoint les rangs de cette organisation djihadiste et, dans ce cadre, d'avoir participé à la formation de son ami d'enfance Chérif Kouachi à l'attentat commis le 7 janvier 2015 au journal satirique Charlie Hebdo, dans lequel 12 personnes ont été assassinées. L'attaque a été revendiquée par Aqpa.
"La cour a retenu votre rôle de facilitateur, d'intégrateur de Chérif Kouachi auprès d'Aqpa", a déclaré la présidente, précisant qu'il était "le seul Français" au sein de l'organisation djihadiste lors du séjour de Chérif Kouachi à l'été 2011 au Yémen. "Vous aviez forcément connaissance de la mission qui lui avait été confiée", a-t-elle ajouté, soulignant que les deux hommes avaient maintenu des liens après le retour de Chérif Kouachi en France.
Il comparaissait aussi pour la séquestration en bande organisée en 2011, pendant plus de cinq mois, de trois ressortissants français, membres de l'ONG Triangle génération humanitaire. "Ce sont les seuls faits que vous avez reconnus pour la première fois à l'audience", a observé la magistrate.
Pendant le procès, Peter Cherif a usé la plupart du temps de son droit au silence, une stratégie mal vécue par les parties civiles. Sa mère, appelée à témoigner à la barre au cours de ce procès, l'avait notamment enjoint à s'exprimer. Mais il a préféré se murer dans le silence.
Il a toutefois reconnu avoir été l'un des geôliers des trois humanitaires, ayant servi de "traducteur" pour faire l'interface entre les otages et leurs ravisseurs yéménites d'Al-Qaïda. Il a, en revanche, réfuté avoir joué un rôle dans l'attentat de Charlie Hebdo.
"20 ans d'erreurs"
Dans leurs réquisitions mercredi, les deux avocats généraux ont dressé le portrait d'un "djihadiste intégral" qui fut "la pierre angulaire de la préparation" de l'attentat de Charlie Hebdo. Les avocats de la défense ont pour leur part dénoncé "un match truqué", dans des plaidoiries qui ont parfois provoqué un certain malaise dans la salle d'audience.
"Est-ce que ce procès a permis de répondre aux questions des parties civiles ?", a demandé Me Nabil El Ouchikli. "Peut-être que l'une des raisons du silence ou des prises de parole ponctuelles de Peter Cherif, c'est que ces réponses-là, il ne les a pas", a-t-il avancé.
Son confrère, Me Sefen Guez Guez, a fait part après l'énoncé du verdict de sa "déception", estimant qu'on était "dans l'utilisation quasi-exclusive pour des faits extrêmement graves de déductions faites à partir du silence, du vide, de l'absence". Il a indiqué qu'il étudierait avec son client l'opportunité de faire appel la semaine prochaine.
"On ne se satisfait pas d'une réclusion criminelle à perpétuité, mais le fait est que l'engagement djihadiste de Peter Cherif est tout à fait exceptionnel", a de son côté déclaré Me Richard Malka, avocat de Charlie Hebdo.
Selon lui, son engagement "fanatique" ne s'est pas "démenti, même pas à l'audience : il n'expliquait rien, on ne pouvait pas comprendre, il ne donnait aucun espoir". "Ce que cela sanctionne, c'est 20 ans d'erreurs, de préférence de la mort à l'amour, de la violence à la paix", a estimé le conseil.