Après le "grand soir" de la semaine dernière, lorsque les députés de tous bords (à l'exception de ceux de la majorité présidentielle) ont voté à l'unanimité plus de 200 millions d'euros supplémentaires de crédits pour la mission Outre-mer, place aux comptes. Mercredi 2 novembre, pris dans une impasse politique et budgétaire, le gouvernement a décidé de dégainer le 49.3 pour faire adopter le budget 2023. Faisant fi, au passage, de plusieurs amendements adoptés lors de l'examen du projet de loi à l'Assemblée.
Mais pour ne pas (trop) froisser les élus de la Nupes et du groupe Libertés, Indépendants, Outre-mer et Territoires (LIOT) et ne pas envoyer un mauvais signal aux territoires ultramarins, l'exécutif a maintenu 24 amendements de l'opposition, dont la moitié concerne la mission Outre-mer.
"Le texte que je vous soumets aujourd’hui (...) retient un certain nombre d’amendements adoptés en séance, notamment lors de l’examen des crédits de la mission Outre-mer", indiquait la Première ministre Élisabeth Borne à la tribune, après avoir utilisé pour la quatrième fois l'article 49.3 de la Constitution.
Dans la foulée, le ministre délégué chargé des Relations avec le Parlement, Franck Riester, s'est félicité sur Twitter d'avoir maintenu 50 millions d'euros en plus pour le budget des Outre-mer, sur les 200 millions qu'avaient votés les députés ultramarins.
Pas de grand plan logement ou d'accès à l'eau
Pourtant, ces amendements conservés dans le texte final sont bien loin des grands projets d'investissement que promettait le budget modifié par les élus d'Outre-mer la semaine dernière. Exit les plans logement, d'accès à l'eau ou d'aides alimentaires voulus par les parlementaires.
Le gouvernement a néanmoins accepté quelques modifications sur le budget de la mission Outre-mer, qui s'élevait à 2,489 milliards d'euros dans le projet de loi de finances initial et s'établit désormais à 2,492 milliards d'euros (+ 2,5 millions d'euros).
Un des amendements conservés concerne l'enveloppe budgétaire du dispositif COROM (Contrats de redressements Outre-mer), mis en place en 2021 pour accompagner les communes ultramarines en grandes difficultés financières. 30 millions d'euros avaient alors été votés. L'amendement proposé par Max Mathiasin (Guadeloupe - LIOT) doublera ce montant, pour que l'enveloppe atteigne 60 millions d'euros.
Autre amendement qu'a voulu garder le gouvernement : celui du député réunionnais Philippe Naillet (Parti socialiste), qui réserve 10 millions d'euros d'aide budgétaire aux entreprises des départements et régions d'Outre-mer dont la facture d'énergie explose notamment à cause de la guerre en Ukraine.
"Le compte n'y est pas"
D'autres amendements, d'une ampleur budgétaire moindre, sont également restés dans le texte soumis au 49.3 par Élisabeth Borne : 1 million d'euros pour permettre aux Ultramarins de passer le concours de la fonction publique dans leurs territoires ; 1 million d'euros pour étendre le passeport mobilité à une plus large catégorie d'Ultramarins ; 2 millions d'euros pour abonder le fonds de secours des collectivités territoriales en cas de catastrophe naturelle dans les Outre-mer...
6 millions d'euros doivent par ailleurs permettre d'assurer la continuité territoriale entre les territoires ultramarins et l'Hexagone. L'amendement du député de Saint-Pierre et Miquelon Stéphane Lenormand (LIOT) prévoit par exemple 1 million d'euros pour permettre "une prise en charge des frais (...) des parents résidant dans un territoire ultramarin et devant se rendre dans l’Hexagone pour y faire soigner leur enfant atteint d’une maladie incurable". Celui de Frédéric Maillot (GDR, La Réunion) prévoit 5 millions d'euros pour la continuité sur le plan aérien, alors que les coûts des billets d'avion continuent d'augmenter.
Ces quelques mesures gardées par le gouvernement seront-elles suffisantes pour que les Ultramarins renoncent à voter la motion de censure ? Rien n'est moins sûr. "Le compte n'y est pas", a fustigé l'élu de La Réunion Jean-Hugues Ratenon au micro d'Outre-mer La 1ère, désigné pour défendre la motion de censure de La France insoumise, qui sera débattue à 15h30 vendredi au Palais Bourbon. "À travers cette non-prise en compte de nos amendements, l'exécutif montre qu'il n'est pas en phase avec les différents discours tenus après l'appel de Fort-de-France ou sur l'Oudinot du pouvoir d'achat."