Ces dossiers outre-mer que Nicolas Hulot laisse derrière lui

Nicolas Hulot en Guadeloupe en juin 2018
Nicolas Hulot a annoncé, ce mardi matin, qu'il quittait le gouvernement. Sargasses, chlordécone, projet Montagne d'Or... En quinze mois à la tête de ce ministère d'Etat, quels dossiers outre-mer laisse-t-il derrière lui et quel est son bilan ?
Animateur de télévision, producteur, écrivain, puis Ministre de la Transition Ecologique et solidaire... Nicolas Hulot, nommé à la tête de ce ministère le 17 mai 2017, a annoncé ce mardi matin au micro de France Inter qu'il renonçait. En se retirant, il laisse derrière lui plusieurs dossiers "outre-mer" dont il a eu à traiter, avec plus ou moins de ferveur.

"Je n'y crois plus" a-t-il lancé sur France Inter, sous les yeux d'une Léa Salamé et d'un Nicolas Demorand médusés. Pour justifier sa décision de quitter le gouvernement, Nicolas Hulot énumère les dernières catastrophes subies ça et là à travers le monde. Parmi elles, les ouragans qui ont dévasté les îles du nord des Antilles, en septembre 2017, mais aussi le fléau des sargasses.

"Après une année terrible, à Saint-Martin mais y compris en métropole quand je vais en Guadeloupe et que je vois une petite conséquence du changement climatique (...) l'invasion des sargasses qui leur pourrit la vie au quotidien... Petit à petit on s'accommode de la gravité et on se fait complice de la tragédie qui est en cours de gestation. Je n'ai pas forcément de solutions, je n'y suis pas parvenu, j'ai obtenu un certain nombre d'avancées (...)"


Les sargasses "à bras-le-corps"

Pour lutter contre les sargasses, ces algues brunes qui polluent les rivages des Antilles, Nicolas Hulot avait annoncé, lors d'une visite aux Antilles les 11 et 12 juin dernier, un plan de 10 millions d'euros. Le plan, qui doit s'étaler sur deux ans, doit être pris en charge par l'Etat, l'Union Européenne et les collectivités.
 
Au côtés d'Annick Girardin pour tenter d'endiguer l'expansion des sargasses, Nicolas Hulot avait promis le ramassage ultra-rapide des algues "en moins de 48 heures". Critiqué sur sa visite tardive aux Antilles, le ministère avait déclaré prendre le problème "à bras-le-corps".
 
Nicolas Hulot en visite à Petit-Bourg, en Guadeloupe ©La1ère

Pas un mot, toutefois, sur la reconnaissance de catastrophe naturelle, réclamée par les professionnels de la pêche et du tourisme, ni sur l'indemnisation demandée par les Guadeloupéens dont les appareils électroménagers tombent en panne à cause des émanations de sulfure d'hydrogène dégagées par les algues.

Au lendemain de sa visite en Guadeloupe et Martinique, Nicolas Hulot avait dressé le bilan de ce déplacement. Au cours d'une conférence de presse à la résidence préfectorale, il avait évoqué l'organisation d'une rencontre internationale en octobre prochain, en Martinique, "pour aborder cette problématique au niveau régional et au niveau international." Ce sera sans lui.
 

Impasse sur le chlordécone

Pas un mot, non plus, sur le chlordécone. La visite de juin dernier était, certes, axée sur les nuisances liées aux sargasses, mais les Antillais attendaient tout de même de Nicolas Hulot et Annick Girardin qu'ils s'expriment sur le dossier du chlordécone, cet insecticide qui empoisonne Guadeloupe et Martinique depuis les années 1970.
La visite des ministres tombait pourtant à point nommé. Une enquête du Monde avait été publiée cinq jours avant leur arrivée. Dans cet article, le quotidien évoquait alors les "dérogations" accordées à certains planteurs, autorisés à utiliser le chlordécone, alors même que la dangerosité de ce produit et ses conséquences dramatiques étaient avérées.
Pire. Quelques jours auparavant, les habitants de Gourbeyre (Basse-Terre) apprenaient avec stupeur qu'ils avaient consommé de l'eau polluée au chlordécone, les filtres à charbon actif de l'usine de prélèvement n'étant plus opérationnels.
©la1ere
Si le chlordécone n'était pas, à l'origine, l'objet de la visite ministérielle, les derniers rebondissements dans cette affaire auraient bien mérité quelques réponses sur la position du gouvernement, eu égard à l'ampleur de ce scandale sanitaire.
 

Perte de légitimité sur la Montagne d'Or

L'épineux dossier Montagne d'Or en Guyane s'est, lui aussi, trouvé au coeur de l'ère Hulot. Amené à se prononcer à de nombreuses reprises sur ce sujet, il avait qualifié le projet de "surdimensionné", "pour des bénéfices économiques en termes d'emplois plutôt aléatoires avec un impact écologique non négligeable." Il avait alors préconisé de gérer ce dossier comme celui de Notre-Dame-des-Landes, quelques mois plus tôt, en engageant un "débat public" afin de voir "ce qui va apparaître en termes de décisions".

Il y a deux mois, le 13 juin dernier, il avait été interpellé par Gabriel Serville, député guyanais, à l'occasion des Questions au gouvernement. Il avait alors répondu que les impacts environnementaux et les bénéfices économiques devaient être "mis à plat". "On doit d'abord écouter les citoyens, leurs inquiétudes" avait-il répété.Mais le ministre n'a jamais fait montre d'une décision ferme concernant Montagne d'Or et s'est toujours montré plutôt pondéré. Son silence sur ce dossier, qui prévoit d'extraire six tonnes de métal jaune en pleine forêt amazonienne, a affaibli sa légitimité aux yeux des militants écologistes... 
 
"Laissons les enquêtes faire" ©France Info

Fin juillet 2018, le gouvernement a lancé une mission sur les enjeux socio-économiques et environnementaux des grands projets miniers dans la collectivité. Les conclusions seront rendues d’ici cinq mois, le temps pour l'exécutif de se donner un temps de réflexion concernant ce dossier stratégique... Et ce sera (encore) sans Nicolas Hulot. 
 

Les hydrocarbures, la Guyane et Total

Il y a presque un an, en septembre 2017, Nicolas Hulot donnait son feu vert à la prolongation du permis d'exploitation d'hydrocarbures "Guyane Maritime" détenu par Total. Une décision polémique allant directement à l'encontre de sa promesse de mettre fin à la production de pétrole en France à l'horizon 2040. En effet, il avait déclaré, pour cela, vouloir interdire tout nouveau permis d'exploitation sur tout le territoire français.

Pourquoi ce retournement de situation ? Nicolas Hulot l'avait tout simplement justifié par un droit de suite. "Un droit de suite à la prolongation du permis d’exploration dit de "Guyane Maritime" qui relevait des droits acquis dans le projet de loi hydrocarbures auquel je ne veux faire aucune exception"... Et la prolongation a donc bel et bien été accordée. Concernant la compatibilité d'une telle décision avec ses promesses et convictions d'antan, Nicolas Hulot avait aussi sa réponse. "La loi n'est pas encore en vigueur, je vais la présenter lundi prochain" (NDLR : La loi mettant fin à la recherche et à l'exploitation des hydrocarbures).
Loi présentée, et adoptée par le Parlement en décembre 2017. Portée par Nicolas Hulot, la loi sur la fin de la recherche et de l'exploitation des hydrocarbures en France d'ici 2040 marquait la première étape vers la fin des énergies fossiles.

Pourtant, depuis, l'entreprise pétrolière  a déposé, en mai dernier, une nouvelle demande d'autorisation de forage pour réaliser un puits d'exploration début 2019 dans le cadre de son permis Guyane Maritime. Et ce, pour cinq nouveaux forages exploratoires. 

A l'approche de la fin de l'enquête publique, le collectif Stop pétrole offshore Guyane demande, lui, une prolongation de cette enquête pour que soit étudiée la balance bénéfice-risques d'un tel projet. 1.600 citoyens guyanais ont alors déposé des observations vis-à-vis du projet d'exploitation pétrolière au large de la Guyane, ces dernières semaines.

Nicolas Hulot parti, nombreux sont les dossiers épineux qui restent ouverts sur un coin du bureau de l'Hôtel de Roquelaure.