Pour le CESE, la question minière en Outre-mer n'est pas un tabou

Mineurs calédoniens du nickel sur le grand massif minier du Koniambo (SMSP-Glencore)
Les représentants des Outre-mer estiment qu’un consensus social et environnemental conditionne l’éventuel développement de l’activité minière. Avant toute chose, une démarche participative d’évaluation des risques mais aussi des expertises scientifiques sont indispensables.
 
Le Conseil économique, social et environnemental (CESE) a adopté un avis sur "la dépendance aux métaux stratégiques : quelles solutions pour l'économie ? "  Cette contribution répond à une question essentielle pour les Territoires : Les Outre-mer pourraient-ils assurer à l’économie française l’approvisionnement durable en matériaux stratégiques dont elle a besoin ?
 

Ressources

Il en ressort que c’est principalement dans deux territoires que se situent les principales ressources terrestres, la Guyane (or, aluminium, platine) et la Nouvelle-Calédonie (nickel, cobalt), et que des ressources maritimes potentielles ont été identifiées dans les zones économiques exclusives de Polynésie française (encroûtements de cobalt) et de Wallis-et-Futuna (nodules polymétalliques), mais dont l’exploitation n’est à court terme pas possible au regard des impacts environnementaux. En effet, à terre comme en mer, les ressources minières sont situées dans des environnements et des écosystèmes exceptionnels de biodiversité qu’il est indispensable de protéger.
 

Compétences locales

 Les collectivités d’Outre-mer sont compétentes pour délivrer des permis d’exploration et des titres miniers à terre comme en mer, tandis que les départements et régions d’Outre-mer viennent d’obtenir la compétence pour la délivrance des permis d’explorer et des titres miniers uniquement dans leur ZEE, l’exploitation minière terrestre relevant de l’Etat. Le CESE recommande "de clarifier les questions de compétence sur les matériaux stratégiques, et de s’assurer de la capacité d’expertise des services à instruire les projets miniers et par la suite à disposer des moyens de les contrôler sur terre comme en mer."
 

Prudence 

Pour le CESE, la question minière Outre-mer appelle une expertise collégiale et indépendante associant largement la population, telle que menée par l’Institut de recherche pour le développement (IRD) pour les territoires de la Polynésie française en 2016 et Wallis-et-Futuna en 2018. "C’est pourquoi nous recommandons que cette méthode soit appliquée à l’ensemble des Outre-mer". Le CESE préconise d’inclure l’ensemble des parties prenantes "dans une démarche participative de consentement préalable et éclairé, permettant un partage de la valeur ajoutée et d’exiger une expertise et/ou une contre-expertise scientifique indépendante sur les attendus de chaque projet." Le CESE recommande que la Collectivité Territoriale ou l’État participe à la gouvernance, y compris capitalistique, des projets miniers dans leur ensemble. [En Nouvelle-Calédonie, les trois Provinces détiennent une participation dans les trois usines de nickel du Territoire ndlr]

"Je suis favorable, sous condition, à l’exploitation minière en Guyane. Mais la population doit être associée à la prise de décision. En l'état des choses, je suis défavorable au projet de Montagne d’Or, je considère que les retombées économiques et fiscales ne sont pas encore garanties. De plus, la Collectivité Territoriale de Guyane devrait participer à la gouvernance du projet dans le cadre d’une répartition capitalistique différente."

Jean-Etienne Antoinette, président de la délégation Outre-mer au CESE.


 

Réforme du Code minier

Le CESE recommande la réforme du Code minier, afin que celui-ci s’inscrive dans une vraie stratégie de développement durable, dotée d’une planification permettant la conservation et la valorisation des ressources génétiques naturelles issues de la biodiversité. Le titre minier devra être délivré sous la forme d’une « autorisation sociale d’exploiter », révocable si les conditions d’exploitation ne sont pas remplies et si celles de l’après-mine ne sont pas déterminées.
 

Des risques pour l'environnement

Compte-tenu de l’actualité dramatique survenue au Brésil, l'effondrement d'un barrage minier, le 25 janvier 2019 à Brumadinho, le CESE souhaite interpeller les pouvoirs publics sur la nécessité de renforcer la maîtrise des risques de l’exploitation minière pour les populations et l’environnement, que celle-ci soit légale ou illicite (orpaillage illégal). La contribution de la délégation à l’Outre-mer a montré que  "les risques industriels, les pollutions (mercure, cyanure, poussières, déchets de nitrates d’ammonium…) et les accidents sont inhérents au processus d’exploitation minière et systématiquement sous-estimés alors qu’ils seront présents pendant des générations sur nos territoires."

[Rapporteur pour la section des activités économiques : M. Philippe Saint-Aubin, auquel la délégation à l’Outre-mer, présidée par M. Jean-Etienne Antoinette, a apporté une contribution, dont les rapporteurs sont Mme Elodie Martinie-Cousty pour le groupe de l’environnement et M. Didier Guénant-Jeanson pour le groupe de l’Outre-mer.]