Chlordécone : le cancer de la prostate des travailleurs agricoles reconnu comme maladie professionnelle

Les agriculteurs et leurs employés atteints d'un cancer de la prostate après avoir été exposés plus de dix ans à des pesticides pourront désormais être indemnisés. Une nouvelle mesure qui devrait concerner de nombreux Antillais, fortement exposés au chlordécone dans les bananeraies.

Les travailleurs agricoles souffrant d'un cancer de la prostate à cause du chlordécone vont pouvoir déposer leur dossier pour réclamer une indemnisation à l'État. Promis en octobre par le ministre de l'Agriculture Julien Denormandie, le décret reconnaissant le cancer de la prostate comme maladie professionnelle a été publié ce 22 décembre.

Par décret en date du 22 décembre 2021, un tableau de maladie professionnelle relatif au cancer de la prostate en lien avec l’exposition aux pesticides a été créé au régime agricole. [...] Il va permettre de compléter et de faciliter les possibilités d’accompagnement au bénéfice des travailleurs agricoles qui ont été exposés aux pesticides et permettra l’indemnisation des anciens travailleurs agricoles exposés à la chlordécone pendant leur activité professionnelle, dès lors qu’ils rempliront les conditions du tableau.

Communiqué du ministère des Outre-mer

 

Les personnes éligibles peuvent dès à présent se rapprocher de leurs caisses de sécurité sociale (caisses de MSA, caisses d'assurance-accidents agricole en Alsace-Moselle ou caisses générales de sécurité sociale en Outre-mer) pour déposer une demande d’indemnisation.

Mais toutes les victimes du chlordécone ne sont pas concernées par cette nouvelle catégorisation. Seuls les travailleurs agricoles - exploitants et employés - sont concernés, excluant de facto les personnes exposées au pesticide sans avoir travaillé dans les champs, alors même que plus de 90 % de la population antillaise a été contaminée au chlordécone selon Santé publique France.

Les dernières victimes doivent faire valoir leurs droits avant 2035

Deux paramètres ont été instaurés pour prétendre à une indemnisation de la part de l'Assurance maladie. Le premier est le délai de prise en charge, qui s'établit à 40 ans. Ce qui signifie qu'une victime doit avoir été diagnostiquée au plus tard 40 ans après la dernière exposition au pesticide pour pouvoir être considérée comme souffrant de la maladie professionnelle. Ensuite, le dépôt du dossier d'indemnisation doit s'effectuer dans les deux ans suivant la détection du cancer. Le chlordécone ayant été interdit en 1993 en Guadeloupe et en Martinique, les derniers travailleurs agricoles ont jusqu'en 2035 pour faire valoir leurs droits.

Autre paramètre inscrit dans le décret : la durée d'exposition au pesticide doit avoir été d'au moins dix ans. Prenant en compte la date d'interdiction du pesticide largement utilisé dans les bananeraies antillaises le siècle dernier, cela signifie que seuls les agriculteurs et les employés agricoles ayant commencé à travailler avant 1983 pourront être indemnisés.

Les ministères des Outre-mer et de l'Agriculture n'ont pas communiqué d'estimation du nombre de personnes concernées par ce décret. En revanche, ils ont précisé que les associations locales - dont l'association Phyto-victimes et France Assos Santé - seront mobilisées pour aider les ayant-droits dans leurs démarches. Les ministères estiment que le traitement des dossiers devrait prendre en moyenne 4 mois, au lieu de 8 mois jusqu'à présent (avant que le cancer de la prostate lié aux pesticides ne soit reconnu comme maladie professionnelle).

Les études scientifiques alertent depuis longtemps sur le lien entre le cancer de la prostate et le pesticide. En juillet, l'Inserm avait jugé "vraisemblable" le lien entre cancer et exposition au chlordécone. L'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses) était parvenu aux mêmes conclusions dans un rapport d'expertise publié en mars dernier.