Dans la nuit du 29 au 30 juin 2009, le vol Yemenia 626, qui reliait le Yémen aux Comores, plongeait dans l’océan Indien alors qu’il s’apprêtait à atterrir à Moroni. Des 153 personnes à bord, seule une, Bahia Bakari, 12 ans à l’époque, a survécu. La jeune fille a dérivé pendant des heures, accrochée à un débris de l’appareil, avant d’être secourue par des pêcheurs.
Quinze ans après le drame, la cour d’appel de Paris a déclaré la Yemenia Airways coupable d’homicides et de blessures involontaires et a condamné la compagnie à l’amende maximale prévue par les textes, soit 225 000 euros.
"C’est une grande satisfaction pour les proches des victimes. La cour d’appel a confirmé qu’il y a eu un délit et que la compagnie Yemenia est bien coupable d’une infraction pénale", s’est félicité Saïd Larifou, l’un des avocats des proches des victimes, après l’audience.
"Forme de discrimination"
Il regrette néanmoins que le tribunal ne se soit prononcé que sur le sort des victimes dont le vol devait relier les Comores depuis Paris avec une escale au Yémen. Pour les autres, soit la centaine de personnes étrangères ayant directement embarqué à Sanaa, la cour s'est déclarée incompétente. "Nous pensons qu’il s’agit de victimes qui sont décédées dans les mêmes circonstances et la responsabilité incombe à une compagnie. C’est une forme de discrimination", juge l'avocat, estimant peu probable que la justice d’un autre pays se saisisse de leur cas maintenant qu’une juridiction française s’est prononcée.
Dans la mesure où la juridiction française a voulu juger ce dossier, je ne pense pas qu’une autre juridiction pénale d’un autre pays se prononcera sur l’indemnisation de ces victimes de nationalités étrangères qui ont pris cet avion non pas au départ des aéroports français, mais étrangers.
Saïd Larifou, avocat de proches des victimes.
Éclaircir les responsabilités
Si la Yemenia est reconnue coupable, les raisons qui ont motivé le verdict n’ont pas encore été rendues publiques. Erreur humaine, problème technique, les deux ? Après des années de combat judiciaire, le flou demeure sur ce qu’il s’est passé dans la nuit du 29 au 30 juin 2009. L’enquête a notamment pointé des lacunes dans la formation des pilotes, les conditions météorologiques, particulièrement difficiles cette nuit-là, et des dysfonctionnements de certains feux des pistes de l’aéroport de Moroni, que visait l’appareil.
"Nous attendons de voir le contenu de la cour pour comprendre les motifs, les motivations de cette condamnation", explique Roman Leibovici, qui représente lui aussi des proches de victimes. "Très probablement, elle a confirmé qu’il y avait un défaut dans l’entraînement, dans la formation, et que les vols avaient été maintenus de nuit probablement pour des raisons internes à la compagnie mais qui ne permettaient pas à des pilotes non entraînés de pouvoir assurer un atterrissage dans de bonnes conditions", suppose-t-il.
Nous sommes satisfaits, c’est un travail de 15 ans qui aboutit aujourd’hui. Nous espérons que l’arrêt soit définitif, parce qu’à chaque fois, c’est une nouvelle épreuve pour les ayants droit.
Roman Leibovici, avocat de proches de victimes
Malgré sa condamnation en appel, la Yemenia Airways peut encore se pourvoir en cassation.