Crise à Mayotte : un "syndrome guyanais" pour le gouvernement ?

A gauche, la manifestation à Mayotte mercredi 7 mars 2018, à droite, manifestation en Guyane en mars 2017
Alors que Mayotte connaît sa troisième semaine de crise, la gestion de ce dossier par le gouvernement est critiquée par les manifestants et l'opposition. Cette nouvelle crise Outre-mer ressemble en bien des points au mouvement social qui avait paralysé la Guyane il y a tout juste un an. Décryptage. 
En communication politique, la crise que connaît actuellement Mayotte est ce qu'on appelle une "mauvaise séquence". Elle est, sous bien des aspects, similaire à ce qui s'était passé en Guyane, il y a tout juste un an, en mars et avril 2017. 

#L'insécurité à l'origine de la colère

Comme en Guyane au début de l'année 2017, c'est la question de l'insécurité qui est à l'origine de la crise qui se déroule à Mayotte. En Guyane, ce sont les "500 frères" qui avaient porté le mouvement social, paralysant le département pendant plusieurs semaines, reléguant médiatiquement les élus au second plan.

A Mayotte, c'est également un collectif, constitué notamment de leaders syndicaux, qui a déclenché le mouvement à la suite de violences autour des établissements scolaires. Comme en Guyane l'an dernier, les élus mahorais ne sont, en apparence, pas en première ligne dans l'organisation des manifestations et des barrages. Pourtant certains élus prennent part aux manifestations, comme le député Les Républicains Mansour Kamardine, qui dénonce systématiquement la position du gouvernement dans ce dossier mahorais. 
Manifestation du 7 mars 2018 à Mayotte

#Barrages et manifestations

En Guyane, en mars 2017, les barrages avaient paralysé l'économie du département, comme aujourd'hui à Mayotte. Plusieurs manifestations d'ampleur avaient ponctué le mouvement social. Le 28 mars 2017, une marche avait rassemblé plus de 10.000 personnes dans les rues de Cayenne. 
Lors de la manifestation du 28 mars 2017 à Cayenne.

A Mayotte, la manifestation d'hier, mercredi 7 mars, a rassemblé selon Mayotte la 1ère entre 8.000 (selon la police) et 20.000 personnes (d'après les organisateurs). Le reportage de Mayotte la 1ère :

#Réponse politique tardive

Aujourd'hui à Mayotte, de nombreuses voix s'élèvent pour réclamer la venue de la ministre des Outre-mer ou d'un membre du gouvernement. Mercredi 7 mars 2018, à l'issue du conseil des ministres, le porte-parole du gouvernement a annoncé qu'Annick Girardin se rendra "très prochainement" à Mayotte, mais sans doute, a-t-il précisé, après l'élection législative partielle des 18 et 25 mars qui doit se dérouler dans la 1ère circonscription.

Dans une "allocution radio" adressée aux Mahorais le 28 février, la ministre des Outre-mer a annoncé plusieurs mesures d'ordre sécuritaire. Mardi 6 mars, à l'Assemblée, elle a précisé qu'une conférence sur l'avenir de Mayotte allait être organisée "prochainement". Cette décision ne semble pas convaincre à Mayotte, comme le montre ce reportage de Mayotte la 1ère réalisé lors de la manifestation du 7 mars :


Face à la montée en puissance de la contestation et interrogée à deux reprises par des députés à l'Assemblée nationale, mardi 6 mars, la ministre des Outre-mer annonçait que plusieurs décisions nouvelles seraient annoncées, en concertation avec le ministre de l'Intérieur, "dans les heures qui viennent". Mais 48 heures plus tard, aucune annonce nouvelle n'a été faite. 

Lors de la crise guyanaise il y a un an, le gouvernement de Bernard Cazeneuve avait tardé à prendre la mesure de la situation. Alors que l'élection présidentielle approchait, c'est seulement au lendemain de la grande marche du 28 mars que le gouvernement avait décidé d'envoyer sur place deux ministres : Matthias Fekl, ministre de l'Intérieur, Ericka Bareigts, en charge des Outre-mer. Le 31 mars, au balcon de la préfecture et après plusieurs heures de blocages dans les négociations avec le collectif "Pou Lagwiyann Dékolé", Ericka Bareigts avait présenté ses excuses "au peuple guyanais" :

 

#Une crise structurelle profonde

Autre similitude entre les crises en Guyane et à Mayotte : l'insécurité est loin d'être le seul mal qui ronge ces DOM. Comme la Guyane, Mayotte connaît de très nombreux retards structurels en matière de santé, de logement, d'éducation. Et la question de l'immigration clandestine est une bombe à retardement qu'aucun gouvernement n'a jusqu'à présent su régler. La ministre des Outre-mer explique d'ailleurs que les difficultés mahoraises doivent être prises globalement  :

ce dont je suis persuadée, c’est qu’il faut changer la méthode.

C'est pourquoi j’ai décidé de proposer à vos élus, de poser les bases d’un nouveau projet de développement pour les mahorais et les mahoraises autour de priorités clairement établies :
La sécurité et la lutte contre l'immigration clandestine, bien entendu. Mais aussi la santé, le logement, l’éducation et les transports, qui font votre vie de tous les jours.

- Annick Girardin, le 28 février


Le mouvement guyanais avait pris fin avec la signature de "L'accord de Guyane", un plan d'urgence d'un milliard d'euros acté par le gouvernement. De leur coté, le collectif guyanais et les élus réclamaient 2,1 milliards d'euros. 

A Mayotte, les élus chiffrent le plan de rattrapage nécessaire à 1,8 milliard d'euros.