Alors que l'épidémie de dengue touche à sa fin aux Antilles, les autorités sanitaires s'alarment du nombre de cas importés dans l'Hexagone. La dengue est l'une des maladies vectorielles transmises à l'homme par le moustique. "Le moustique est juste un hôte obligatoire de ces maladies, explique Anna-Bella Failloux, entomologiste polynésienne à l'Institut Pasteur. Sans le moustique, il n’y a pas de transmission." Pour mener la lutte contre l'animal qui tue le plus sur la planète, de nombreuses nouvelles technologies émergent. L'une des dernières en date : des drones capables de détecter des foyers de moustiques inaccessibles à l'œil nu.
Détecter puis traiter
Ces drones survolent des zones peu accessibles pour l'homme et qui sont donc de potentiels lieux de développement de gîtes larvaires de moustiques. En Outre-mer, deux espèces de moustiques peuvent transmettre les principales maladies vectorielles : l'Aedes Aegypti et Aedes Albopictus, ou moustique tigre "Les deux espèces ont la particularité de pondre dans des tout petits gîtes, explique Anna-Bella Failloux. Ça peut aller de deux millimètres d’eau jusqu’à dix litres. Donc le challenge, c'est de trouver ces gîtes larvaires, parce qu’ils sont un peu cachés, sous les feuilles ou dans les gouttières."
Les drones en fait ça nous permet de cibler vraiment les gites larvaires.
Anna-Bella Failloux, Institut Pasteur
Le principe est simple : les drones détectent et aspergent un insecticide sur les gîtes larvaires repérés, dans le but de les éliminer.
Une méthode invasive ?
"L’utiliser dans des gîtes tout petits comme ça fait beaucoup d’efforts alors qu’il suffit de renverser les gîtes, de le vider", estime cependant Anna-Bella Failloux à propos de l'usage de drones. Pourtant, "le drone n'est pas du tout invasif" précise l'un des membres de l'équipe scientifique américaine à des journalistes locaux, assurant qu'ils volent au-dessus des oiseaux qui nichent.
"Les larves de moustiques sont des filtreurs et se nourrissent donc de la bactérie, explique John Savage, l'un des conducteurs de drones californiens. Elle pénètre dans leur intestin et c'est un régulateur de croissance. En fait, si vous avez vu le film "Alien", la bactérie leur fait exploser l'estomac. C'est la meilleure façon de le décrire. Et ça doit faire très mal aussi."
Et cette bactérie ingérée par les moustiques est en réalité une substance chimique, plus invasive pour l'environnement du moustique que pour les moustiques. "Aujourd’hui, on n’a qu’une seule molécule habilitée à être utilisée pour la lutte contre les moustiques, la Deltaméthrine. explique la spécialiste polynésienne de l'Institut Pasteur. Et à force d’utiliser la même molécule, on va générer des résistances. On augmente les doses pour tuer la même quantité de moustiques, et au fur et à mesure, on peut utiliser jusqu’à 100 fois la dose initiale." Une utilisation excessive qui entraine la pollution de la faune et des sols entourant les zones des gîtes de moustiques ciblées, précise l'entomologiste.
La bactérie Wolbachia, autre solution ?
Pour Kiet Nguyen, écologiste vectoriel américain, "on ne gagnera pas la bataille contre les moustiques, mais on peut gagner du terrain". "Grâce à ces progrès technologiques, nous gagnons du terrain", expliquait le chercheur à Associated Press.
"Dans la lutte contre les maladies comme la dengue par exemple, il n'y a pas de solution miracle, lance Anna-Bella Failloux. C’est une combinaison de solutions qui permettront peut-être de combler les lacunes des uns et des autres." L'une des solutions expliquées par la spécialiste des moustiques est l'introduction de la bactérie Wolbachia à des groupes de moustiques.
Cette bactérie est présente dans près de 60 % des insectes, mais pas dans les Aedes aegypti, les plus présents en Outre-mer. "En l’inoculant, la bactérie se conduit comme un agent pathogène et va réduire la vie du moustique et le moustique ne sera plus capable de transmettre le moustique", précise-t-elle. Une méthode déjà testée en Nouvelle-Calédonie, Polynésie et à la Réunion. Grâce à des lâchers de moustiques contenant cette bactérie, les autorités sanitaires espèrent que les populations de moustique qui contiennent la bactérie prenne le dessus sur celles qui ne la possèdent pas.