"L’accès à l’école est-il le même sur l’ensemble du territoire français ?" C’est à cette question qu’ont tenté de répondre les coauteurs d'une note de la fondation Jean Jaurès sur la scolarisation dans les Outre-mer. "On a voulu mettre en exergue des thématiques qu’on n’aborde pas assez à l’échelle nationale, informe Jeanne Belanyi, coautrice de la note. On avait repéré un rapport de l’inspection générale qui préconisait de fermer massivement des classes et nous, on voulait rappeler que dans les Outre-mer, il y avait de fortes disparités dans l’accès à la scolarité". Pour aller au bout de leurs intentions, les auteurs ont mené une étude approfondie et se sont concentrés principalement sur la Guyane et Mayotte.
Ces deux territoires souffrent de carences dans l’accès à l’éducation et il faut aussi faire des liens avec l’offre de soins hospitaliers, qui impactent directement les enfants, mais aussi les transports scolaires. Ces deux territoires ont des particularités dans l’accès à l’éducation, donc il nous fallait les mettre en avant.
Jeanne Belanyi
"En 2020, la part des enfants âgés de 3 à 16 ans non scolarisés s’élève à 7 % en Guyane, soit 6 207 enfants", selon le rapport. C'est deux fois plus qu'en France hexagonale. Pour expliquer cette disparité, les rapporteurs rappellent notamment que "la non-scolarisation est plus marquée en Guyane non routière".Cette semaine, à cause de la sécheresse qui rend impraticables les fleuves, des enfants ont dû être amenés en classe par des hélicoptères de l'armée.
Les problématiques financières et familiales sont aussi avancées. En effet, selon la fondation, "la non-scolarisation concerne plus souvent les enfants vivant dans une famille monoparentale (8%) que ceux vivant dans une famille de couple (6%)".
Des territoires en surpopulation scolaire
Selon cette étude, la croissance démographique en Guyane et à Mayotte est si rapide que les infrastructures pour l’éducation ne suivent pas. Les territoires font face à une situation de surpopulation scolaire. Plusieurs facteurs sont avancés pour tenter d’expliquer cette croissance démographique : les coauteurs citent à la fois l’augmentation du nombre de femmes en âge de procréer et les grossesses précoces. "15% des jeunes déscolarisés en Guyane le sont à la suite d’une grossesse ou d’une mise en couple", rapporte la note.
En Guyane, les effectifs scolaires ont augmenté de près de 16% en dix ans. "On sait que le taux de natalité dans ces territoires est croissant. On sait que la population d'ici à 2050 va doubler donc les besoins sont majeurs. […] Il faut construire davantage d’école et que les communes aient davantage de moyens pour pouvoir répondre aux besoins de la population. Il faut aussi des routes pour répondre au désenclavement", constate Jeanne Belanyi. À Mayotte, la problématique de la surpopulation scolaire est la même. Là-bas, les effectifs scolaires représentent de "35 à 40%" de la population selon elle, "contre une moyenne nationale de 18%". "Il y a la même problématique d’enfants étrangers qui ont des difficultés d’accès à l’école, parce qu’en matière administrative il y a eu certaines difficultés qui ont été pointées par des associations", souligne la coautrice.
La déscolarisation en maternelle et au lycée, "le bât" qui blesse
La fondation Jean Jaurès observe que les taux de non-scolarisation sont sous-évalués dans les Outre-mer à la maternelle et au lycée, or c'est là que les cas sont les plus critiques en termes de déscolarisation. Depuis 2019, la scolarisation des enfants dès l’âge de trois ans est obligatoire, mais en Guyane et à Mayotte, cette obligation est difficilement applicable, notamment à cause de la "saturation des écoles existantes". "Dès le début de leur scolarité, les enfants de trois ans sont déjà exclus", constate Jeanne Belanyi. Les coauteurs révèlent aussi qu'à Mayotte, "avant l’entrée en vigueur de la loi, la part d’enfants de trois à cinq ans non scolarisés atteignait le niveau le plus élevé de tous les départements français".
Les auteurs alertent aussi le décrochage scolaire après le collège. "En fin de collège, il y a un taux de décrochage qui est plus important que dans l’Hexagone", lâche Jeanne Belanyi. En Guyane, près de 4% des collégiens quittent le système scolaire après la classe de troisième, "soit trois plus qu’en métropole". "Il faut mettre l’accent d’avantage sur le passage au lycée. Il faut donner aux élèves des pistes de professionnalisation, il faut les intéresser aux métiers d’avenir", martèle-t-elle. En conclusion de cette note, les coauteurs espèrent que les futures décisions prisent par les gouvernements soient plus équitables et prennent mieux en compte les spécificités des Outre-mer.