Émeutes de Mai 1967 en Guadeloupe : le député Christian Baptiste demande la déclassification "totale" des archives

L'élu guadeloupéen a réclamé, mardi 23 mai, au gouvernement qu'il lève le verrou sur l'ensemble des documents de plus de 50 ans relatifs aux départements ultramarins, afin que la lumière soit faite sur les émeutes qui ont touché plusieurs territoires, dont la Guadeloupe.

"La transparence est essentielle pour guérir les plaies du passé", a lancé le député socialiste Christian Baptiste dans l'hémicycle de l'Assemblée nationale lors des Questions au gouvernement du mardi 23 mai. L'ancien maire de Sainte-Anne, en Guadeloupe, s'adressait au ministre chargé des Outre-mer, Jean-François Carenco, l'interpellant sur un évènement dont peu de ses collègues ont dû entendre parler : les émeutes de Mai 1967 en Guadeloupe.

À l'époque, les ouvriers du bâtiment de Pointe-à-Pitre sont en grève pour réclamer une augmentation de salaire de 2,5 %. Mais très vite, la situation dégénère. Les forces de l'ordre engagent une répression sanglante et un dirigeant syndicaliste, Jacques Nestor, est abattu. À partir de là, les émeutes vont durer trois jours, du 26 au 28 mai. "Ces émeutes ont été un tournant dans la lutte pour la reconnaissance des droits et de la dignité des Guadeloupéens, dit Christian Baptiste. Les manifestations et les affrontements avec les forces de l'ordre ont secoué l'île, révélant les profondes inégalités économiques, sociales et raciales qui persistaient en Guadeloupe à l'époque."

Un nombre de victimes toujours incertain

Officiellement, selon les autorités, la répression entraîne la mort de huit personnes. Mais les victimes sont en réalité beaucoup plus nombreuses. Différents chiffres sont avancés : 89, 100... voire jusqu'à 200 morts. En 2014, pour tenter d'établir la vérité sur cette sombre page de l'histoire, le gouvernement socialiste demande à une commission d'historiens indépendants de faire la lumière sur cette affaire, ainsi que sur plusieurs autres affaires de répression survenues en Martinique et en Guyane dans les années 50 et 60. En 2016, le rapport remis par l'historien Benjamin Stora, président du groupe, qualifiait de "massacre" ces émeutes

Regardez ce reportage sur le travail de la commission d'historiens :


Les scientifiques ont pu consulter des archives sur les émeutes de Mai 1967, mais aussi sur celles en Martinique de décembre 1959, et de juin 1962 en Guadeloupe et en Guyane. Mais toutes les données n'étaient pas disponibles. Et aujourd'hui encore, il est impossible de donner le nombre exact de victimes lors des affrontements avec la police. "Oui, les historiens ont (...) pu avoir certaines informations, mais beaucoup d'informations ne sont pas encore accessibles", regrette Christian Baptiste au micro d'Outre-mer La 1ère. Au sein de l'Assemblée, il a donc réclamé la déclassification "totale" des archives concernant les territoires ultramarins, au même titre que les déclassifications de documents sur la guerre d'Algérie, décidée par Emmanuel Macron il y a un peu plus d'un an.

Fort de l'engagement du président de la République, en 2021, de déclassifier totalement les archives concernant la guerre d'Algérie, nous demandons purement et simplement que le gouvernement puisse étendre cette déclassification totale aux départements d'Outre-mer.

Christian Baptiste, député PS guadeloupéen, à Outre-mer La 1ère

À cela, Jean-François Carenco a reconnu ne pas avoir de réponse à apporter, n'ayant pas eu connaissance de la question du député avant la séance parlementaire. Mais il a assuré vouloir travailler sur l'amélioration des connaissances de la population française sur ces évènements qui ont marqué les territoires ultramarins, mais que trop peu connaissent : "Concernant les émeutes de 67, comme sur les autres drames qui ont marqué l'histoire des Antilles, je dirai encore et toujours qu'ils ne sont pas assez étudiés, non seulement en Outre-mer, mais aussi dans l'Hexagone, a-t-il souligné. Nous devons travailler à la faire connaître. Et le gouvernement est prêt à y prendre toute sa part."

Christian Baptiste, sans réelle réponse à sa question, a indiqué qu'il ferait part de sa demande à la Première ministre, Elisabeth Borne, sous forme d'une question écrite. "Notre demande, en finalité, c'est que l'État français reconnaisse officiellement qu'il y a eu un massacre en mai 67, en Guadeloupe", assume-t-il.