Force d'action républicaine, alourdissement de l'amende en cas de non-respect du couvre-feu, responsabilité parentale... 500 maires étaient réunis jeudi 26 octobre à la Sorbonne pour écouter la Première ministre Elisabeth Borne annoncer un ensemble de mesures longtemps attendues, en réponse aux émeutes qui ont agité le pays fin juin et début juillet après la mort de Nahel, un jeune de 17 ans, à Nanterre. Son décès, provoqué par un policier, avait entraîné plusieurs nuits d'émeutes dans toute la France, jusqu'à La Réunion, en Martinique et en Guyane, où un homme de 54 ans a d'ailleurs trouvé la mort.
Certains élus locaux des communes les plus touchées par les violences et les dégradations avaient été reçus par Emmanuel Macron quelques jours après les dégradations. Beaucoup de bâtiments publics, dont des écoles, des mairies et des commissariats mais aussi des commerces, ont été pris pour cible. À La Réunion, la ville du Port a été particulièrement touchée, les émeutiers ayant incendié la Maison de justice et du citoyen, vandalisé une pharmacie et brûlé plusieurs véhicules.
Dans la cité Ozam de Schoelcher, en Martinique, des groupes d'individus ont mis plusieurs poubelles en feu, créant des barricades aux entrées du quartier. À Cayenne, le chef-lieu de la Guyane, des automobilistes ont été braqués, des coups de feu ont été tirés... Carl Tarade, agent travaillant à la Collectivité territoriale, a reçu une balle perdue alors qu'il se trouvait sur sa terrasse, le 29 juin. Il n'a pas survécu.
Face au choc et à la violence des faits, révélateurs d'une fracture sociale chez une partie de la jeunesse française, le président de la République avait appelé fin juillet à une "réponse complète et profonde" face aux émeutes.
Une Force d'action républicaine
Jeudi, à la Sorbonne, Elisabeth Borne, entourée d'une poignée de ministres, dont Gérald Darmanin pour l'Intérieur et les Outre-mer, Eric Dupont-Moretti pour la Justice et Aurore Bergé pour les Solidarités, a fait plusieurs annonces, censées apaiser les maires des communes touchées. "L'État vous accompagnera", leur a-t-elle dit, actant la création d'un fonds de 100 millions d'euros qui seront dédiés aux réparations. Depuis début juillet, seuls 60 % des bâtiments publics endommagés ont été réparés.
Sur le volet sécurité, le gouvernement voudrait réviser les zonages police et gendarmerie en France, sans préciser si les territoires d'Outre-mer seront concernés. La Première ministre a par ailleurs annoncé la création d'une Force d'action républicaine (FAR), qui sera composée de divers acteurs (justice, éducation, santé, social) pour répondre à un besoin urgent sur une période donnée dans une ville. "Son objectif sera de concentrer dans un quartier tous les efforts de l'État à vos côtés pendant plusieurs mois", a précisé Elisabeth Borne aux maires. Cette unité sera déployée dans trois communes de l'Hexagone d'ici à la fin de l'année.
En accord avec les édiles, les policiers municipaux pourront également réaliser des actes de police judiciaire. Elisabeth Borne a par ailleurs annoncé la mise en place prochaine d'un plan national de lutte contre les stupéfiants.
Responsabiliser les parents
La cheffe du gouvernement s'est également exprimée sur la réponse judiciaire à apporter aux émeutes, alors qu'un grand nombre d'émeutiers étaient mineurs. Le gouvernement veut d'abord alourdir les sanctions, pour dissuader les jeunes de casser, piller et brûler des bâtiments. Ainsi, le non-respect du couvre-feu sera puni d'une amende de 750 €, soit cinq fois plus qu'actuellement.
Les adolescents pourront par ailleurs être bannis des réseaux sociaux s'ils les ont utilisés pour organiser des émeutes. Élisabeth Borne a également indiqué vouloir généraliser l'encadrement des jeunes délinquants par les militaires.
Du côté des parents, parfois pointés du doigt dans ce genre de situations, le gouvernement veut mettre en place des stages de responsabilisation et créer des travaux d'intérêts généraux lorsqu'ils se soustraient à leur devoir d'éducation. La responsabilité parentale sera d'ailleurs étendue aux deux parents, et non plus au seul parent hébergeant l'enfant.
Une bonne nouvelle pour Patrice Selly, le maire de Saint-Benoît, à La Réunion, qui était présent à la Sorbonne jeudi après-midi. Sa commune avait été touchée par des violences urbaines en 2021 et 2022. Il appelait de ses vœux à davantage de responsabilisation des parents d'enfants fauteurs de trouble. "Ces violences urbaines (...) étaient perpétrées essentiellement par des mineurs qui échappaient à la surveillance des parents. Dès 2021, j'avais appelé à un triptyque qui était celui de la prévention, de la sécurisation et à la fin de la répression, et une répression, s'il le fallait, à l'égard des parents défaillants", a-t-il réagi auprès d'Outre-mer la 1ère.
De son côté, la maire de Saint-Laurent-du-Maroni, Sophie Charles, également invitée par Elisabeth Borne, a appelé l'état à prendre en charge l'aide à la parentalité, qui est surtout apportée par les associations. "Chez nous, beaucoup de parents sont très jeunes", rappelle-t-elle et sont donc parfois démunis.
Accompagner les jeunes en difficultés
Un début de réponse sociale a par ailleurs été évoqué par Elisabeth Borne, ouvrant la fenêtre des réponses sur le long-terme à apporter aux quartiers français. Le gouvernement souhaite renforcer la médiation sociale dans les cités, mais aussi étendre l'ouverture des centres de loisirs. L'ouverture des établissements scolaires pendant les vacances a aussi été évoqué.
L'exécutif voudrait enfin doubler le nombre d'heures consacrées à l'enseignement civique et moral, comme la cheffe du gouvernement l'avait déjà annoncé en juin (avant les émeutes), rendre gratuit l'internat pour les élèves boursiers issus des quartiers prioritaires de la ville et ouvrir de nouveaux établissements pour l'insertion dans l'emploi.
La Première ministre doit réunir un Comité interministériel à la ville vendredi, où d'autres mesures complémentaires devraient être détaillées.