"Comment souhaitez-vous que l'on se rappelle de vous dans cinquante ans ? - Comme la femme qui n'aspirait qu'à une chose, la réussite et l'excellence par le travail et la beauté."
Un désir devenu réalité. Quelques heures après l'annonce du décès de Lucette Michaux-Chevry, de nombreux hommages affluent, et parmi eux, les mots "travail", "pionnière" et "détermination" reviennent régulièrement. Cette addiction au travail, l'ancienne présidente de la Région Guadeloupe l'avait confiée à Martin Baumer en 2010 dans les deux épisodes de l'émission Terres d'Outre-mer (RFO) consacrés à ce titan de la politique :
J'ai 80 piges, je ne sais pas si j'ai mal à la tête, je suis trop occupée ! Je ne sais même pas si j'ai une tête. Un jour la vie va s'arrêter pour moi comme pour les autres, mais je vais mener une vie pleine d'activités. Je ne sais pas ce que c’est que souffler. Quand je n'ai rien à faire, je m'ennuie.
Son père la surnommait "Cécette"
Tour à tour dans sa maison des hauts de Gourbeyre, sur sa Basse-Terre natale entre mer et montagne, dans une exploitation de café à Baillif ou encore auprès d'agriculteurs, "Cecette" se raconte. Elle, qui disait ne jamais "[s]'être battue pour les titres", aimait être appelée par ce simple surnom donné par son père. "Beaucoup de gens ont gardé ces mots de mon père qui m'affectionnait beaucoup, aimait ce côté rebelle, de révolte que j'avais."
Itinéraire d'une Guadeloupéenne
Dans le premier épisode, Lucette Michaux-Chevry se livre sur sa vie intime. Une enfance de rebelle, passée à faire le mur "pour aller [s]'amuser avec les garçons", à aller dans les champs découvrir les fruits et légumes de Guadeloupe, à monter à cheval et à soutenir le regard d'une mère qui imposait par des gifles le respect de ses enfants. Elle raconte aussi sa vie de mère et de grand-mère, aussi, "son capital le plus précieux".
Je vivais une liberté que je n'avais pas parce que j'étais handicapée : j'étais une fille.
Et sa vie de femme politique exposée, notamment dans les années 80 lorsque gronde le mouvement indépendantiste en Guadeloupe et qu'explosent des bombes, parfois très près d'elle. "On avait fait de moi un tueur potentiel", expliquait-elle. "J'avais un revolver que j'ai appris à utiliser. C'était tellement ancré en moi que je pouvais tuer, que j'ai eu peur un jour d'en arriver là."
Ecoutez le premier épisode d'En voiture Cecette :
En voiture Cecette, première partie
"Tu es une saloperie !"
Sa fille Marie-Luce Penchard a pris le chemin de la politique elle aussi, en devenant secrétaire d'État puis ministre chargée de l'Outre-mer de 2009 à 2012, avant de lui succéder à la mairie de Basse-Terre. Dans le second épisode d'En voiture Cécette, la "dame de fer de la Guadeloupe" raconte ses liens avec sa fille, parfois accusée d'être le pantin de sa mère. "Elle a du caractère, beaucoup de caractère, plus que moi", reconnaissait Lucette Michaux-Chevry.
Du caractère, Lucette Michaux-Chevry avait pourtant à en revendre. D'abord avocate, en admiration totale devant Gerty Archimède, la première femme inscrite au barreau de Guadeloupe, elle se fait remarquer par ses coups d'éclat devant la cour d'Assises. Elle se souvient de la fois où, prête à en venir aux mains avec le procureur qui l'accusait de dire n'importe quoi, elle a déboutonné sa robe d'avocat sous laquelle elle ne portait rien pour faire face à la chaleur de la salle d'audience. Celle encore où, feignant la candeur, elle parvient à obtenir une peine minime pour son client.
Je suis rentrée chez moi et je me suis dis "tu es vraiment une saloperie !" Et là j'ai ri, j'ai ri toute seule ! Je les ai eus et j'ai conscience d'avoir joué une belle comédie.
Trois guides : Mandela, Archimède, Chirac
Après avoir quitté les tribunaux pour commencer sa vie politique prolifique, Lucette Michaux-Chevry a gardé un lien très fort avec Gerty Archimède. C'est elle qui la découvre morte, le 15 août 1980, elle qui donne son nom au grand boulevard qui longe la mer à Basse-Terre lorsqu'elle en devient maire. "J'ai été traumatisée. Je considérais qu'elle avait encore des choses à faire pour la Guadeloupe."
Cecette admirait Gerty Archimède "pour sa puissance de travail et sa défense de la femme", Nelson Mandela "pour sa résistance" et Jacques Chirac, son grand ami, "pour son affectivité extraordinaire". Un "homme de cœur", qui "rigolait avec [s]es gamins" et ne s'est pas laissé "déformer" par la politique dans ce qu'il était : "la bouffe et la rigolade".
Dans le second épisode, (re)découvrez le récit de Lucette Michaux-Chevry sur son entrée dans la vie politique, ses guides, sa fille :
En voiture Cecette, deuxième partie