C'est un petit bout de France situé aux antipodes, entre les Cinquantièmes hurlants et les Quarantièmes rugissants : Kerguelen. Ce territoire de l'océan Indien de la superficie de la Corse, porte le nom du navigateur breton Yves de Kerguelen Trémarec qui le découvre en 1772-73.
Surnommée "île de la Désolation" par les baleiniers du XIXe
Pendant deux siècles, les Kerguelen restent des terres inconnues. Des phoquiers et baleiniers y accostent régulièrement mais les marins se contentent de rester sur le littoral sans explorer l'intérieur des terres, tant la vie y est rude. Le livre "Le maître de la Désolation, 35 ans aux îles Kerguelen" raconte les mémoires de Joseph J. Fuller (1839-1920), célèbre capitaine baleinier qui témoigne du quotidien des marins sur l'île hostile.
Au début des années 2000, Michel Champon devient le premier préfet des TAAF, Terres australes et antarctiques françaises, officiellement inscrites sur la liste du Patrimoine mondial de l'humanité par l'Unesco en 1979.
Il faut y aller pour avoir une approche de ce que ça peut représenter. (...) On dit à Kerguelen qu'en une journée on peut voir toutes les saisons de l'année. On peut passer du printemps à l'été en passant de l'hiver à l'automne : des bourrasques de vent, de la neige, de la grêle, etc.
Michel Champon
Un territoire peu engageant mais très vivant. Des milliers d'oiseaux et plusieurs espèces d'animaux marins, venant à terre pour leur reproduction, peuplent l'archipel. Kerguelen abrite la plus grande population de manchots royaux au monde (plus de 100 000 couples), l'une des plus grandes colonies de grands albatros ainsi qu'un très grand nombre d'otaries à fourrure et d'éléphants de mer. Sa biodiversité y est unique, source de nombreuses et constantes études scientifiques.
Romuald Bellec, adjoint aux opérations scientifiques du service subantarctique de l'Institut polaire français (IPEV), gère les refuges disséminés sur l'archipel. Il y assure la logistique et l'entretien des bâtiments avec la rigueur indispensable à ces lieux tellement isolés. Si difficiles d'accès que l'on dit "qu'il est plus facile de porter secours à des personnes sur la lune ou dans l'ISS qu'aux Kerguelen".
♦ Pour aller plus loin
Pour poursuivre l'exploration des Kerguelen et mieux comprendre le "syndrome austral", François Garde, autre administrateur supérieur des TAAF, décrit "un voyage intérieur dans un décor magistral" :
"Marcher à Kerguelen" : à lire pour découvrir ce bout du monde
Une terre d'aventure, un sommet unique au monde
En 1975, l'archipel perdu fait son entrée dans l'histoire de l'alpinisme avec la première ascension du Mont Ross. Le point culminant du volcan est le dernier sommet français à avoir été vaincu. Patrick Cordier et Jean Afanassieff atteignent le sommet du Grand Ross le 5 janvier 1975 à 14h30.
Fin 2006, l'expédition TelRoss composée d'alpinistes français de haut niveau sous la houlette de Lionel Daudet, part tenter une directe dans la face est du Ross ainsi que la traversée intégrale de sa longue et difficile arête jamais foulée.
TelRoss représente une expérience inoubliable et sans commune mesure pour les membres de l'expédition : Lionel Daudet, Sébastien Foissac, Philippe Pelet, Emmanuel Cauchy et Véronique Grilleau-Daudet. L'équipe réalise plusieurs premières mondiales : l'ascension du Pic du cratère, une ascension directe et la traversée entre le Petit et le Grand Ross. Les alpinistes expérimentés soulignent tous la beauté des champignons de givre, des formations incroyables sculptées par les vents d'une "esthétique exceptionnelle".
Une terre mise Ă disposition de la science
Au-delà de la découverte d'un territoire sauvage unique, les TAAF offrent à la France une situation unique dans une région du globe recouverte en majorité par les océans, où les terres émergées sont rares. Ces "terres extrêmes" sont reconnues depuis plus d’un demi-siècle comme de véritables "terres de science". Plus d'une centaine de chercheurs français ou étrangers y sont chaque année accueillis.
TelRoss a été aussi l'expédition scientifique qui a permis à Emmanuel Cauchy, alias "Doc Vertical", d'effectuer les premiers tests de télémédecine en terres australes.
Le projet Ifremont, Institut de formation et de recherche en médecine de montagne, souhaite développer la télémédecine et ses applications dans les milieux montagnards et les contrées lointaines et isolées. Le défi technologique d'installer un système de téléassistance fixe et itinérant par satellite pour les TAAF a été relevé en 2006. Un franc succès avec plus de 80 % de tests concluants. De réelles avancées en télémédecine ont été réalisées grâce à cette expédition.
Retrouvez d'autres épisodes, présents et à venir, de Vivre au pied d'un volcan. Le podcast qui raconte les volcans d’Outre-mer, en plongeant dans le quotidien, l’Histoire et les croyances des Ultramarins.
Auteurs : Fabien Randrianarisoa et Grace Leplat
RĂ©alisateur : Martin Delzescaux
Musiques originales : Corentin Billette
Production exécutive : natif
Illustration : Sarah Delannoy
Une production du portail des Outre-mer de France Télévisions
Durée 15 min - © 2023