Eric Abidal : "Je ne veux pas que Benzema soit le bouc-émissaire si la France ne gagne pas" [#MaParole]

De la coupe du monde en 2006 en Allemagne au FC Barcelone, Eric Abidal a connu les sommets. Le Martiniquais a aussi connu l’enfer, le Mondial 2010 puis, en 2011, un cancer du foie qui a nécessité une greffe. Dans #MaParole, le footballeur raconte son incroyable parcours.

Barcelone, capitale de la Catalogne. Depuis qu’il a signé au FC Barcelone en 2007, Eric Abidal n’a jamais coupé les ponts avec cette ville qu’il aime tant. C’est là que sont nés ses quatre filles et son garçon. C’est là qu’il a connu ses plus belles années de footballeur, mais probablement les pires en tant qu’être humain. Son cancer puis sa greffe de foie ont failli avoir raison de lui. Mais c’était sans compter sur sa bonne étoile, comme il le dit.

 

#1 De La Duchère à l’AS Monaco

Eric Abidal est né près de Lyon à Saint-Genis-Laval. Il a grandi au quartier du Champlong. Ses parents, tous les deux martiniquais, travaillaient dans le secteur hospitalier. Une mère infirmière et un père livreur de biberons. La vie était tranquille dans sa cité, entourée de son grand frère dingue de basket et de sa petite sœur. Tous les trois ans grâce aux congés bonifiés, la famille se rendait au Carbet en Martinique. Eric Abidal se souvient de bons moments passés avec tonton Alain et tatie Youyou, un couple d’agriculteurs à qui il donnait un coup de main pendant les vacances.

Le jeune Martiniquais n’aimait pas spécialement l’école, il préférait de loin taper le ballon. Il a quand même poursuivi ses études jusqu’au BEP dans le domaine de la décoration, "les finitions", précise-t-il. Eric Abidal a fourbi ses premières armes à Cascol Oullins. Mais à l’âge de 16 ans, il s’est fait une grosse fracture au tibia et au péroné en jouant au football. Ecarté des stades pendant un an et demi, il a failli tout laisser tomber. Mais sa mère lui a dit de ne pas renoncer. "Rico, je veux que tu reprennes le sport", disait-elle.

Eric Abidal s’est exécuté en rejoignant l’équipe de Lyon la Duchère. L’OL, il en rêvait.  Avec son père, il allait voir des matches à Gerland, mais aussi à Geoffroy Guichard. Le père d’Eric Abidal aurait bien aimé voir son fils jouer à Saint-Etienne. En 2000, avec Lyon la Duchère lors d’un match de coupe de France face à Nice remporté 4-0, Eric Abidal a réussi à se faire repérer. Il a signé avec l’AS Monaco. Un exploit. L’entraîneur Claude Puel, son mentor, l’a accueilli chaleureusement en lui "disant qu’il ressemblait à Lilian Thuram". A cette période-là, il était déjà amoureux d’Hayet, la sœur de ses copains de la cité de Champlong. En parallèle, il a décidé de se convertir à l’Islam. Une décision que ses parents catholiques n’ont pas mal vécue. "Du moment que tu crois en Dieu" lui a dit sa mère.

 

#2 De Knysna au Barça

Depuis 2013, Eric Abidal a créé à Barcelone une fondation qui porte son nom et qui œuvre pour aider les enfants malades de cancer. C’est dans les locaux que l’enregistrement du podcast #MaParole s’est déroulé. Cette fondation est née de l’envie d’aider les jeunes victimes d’une maladie qu’Eric Abidal a dû combattre. Avant d’évoquer cet épisode douloureux de sa vie, le footballeur a continué à nous raconter son ascension dans l’univers du football. Après l’AS Monaco où le nouveau coach Didier Deschamps ne le faisait pas trop jouer, Eric Abidal a rejoint Claude Puel au LOSC où, pendant deux saisons, il a pris son envol. Gonflé à bloc, confiant en lui, il a rejoint l’OL où là encore, il s’est senti heureux. Eric Abidal a toujours aimé Lyon où il a même investi dans une très jolie brasserie, Les négociants, qui date de 1864.

En 2004, le Martiniquais a fait son entrée en équipe de France. Il avait été appelé par le coach de l’époque, Raymond Domenech. Et en 2006, il a fait partie des joueurs sélectionnés pour la Coupe du monde en Allemagne. La France est parvenue à se hisser en finale face à l’Italie, mais a échoué aux tirs aux buts. Le fameux coup de tête de Zinedine Zidane sur l’Italien Materazzi n’a pas aidé. Après cette coupe du monde, le Martiniquais a été recruté en 2007 au FC Barcelone. C’était un rêve. Intégrer l’un des meilleurs clubs au monde, l’un des plus mythiques. Vivre au pays du football, l’Espagne, Eric Abidal était sur un petit nuage, même s’il fallait très vite faire ses preuves. Accueilli par Lilian Thuram et Thierry Henry, le Martiniquais s’est adapté progressivement au rythme barcelonais.

En 2009, Barcelone a remporté la Ligue des champions 2-0 face à Manchester. En fait, cette année-là, le Barça a gagné six titres. Un palmarès de fou. Puis est arrivée la Coupe du monde 2010 en Afrique du sud. Un désastre pour l’équipe de France, les résultats n’étaient pas bons, l’ambiance détestable. La presse puis le gouvernement s’en est mêlé au point de donner lieu à un épisode mélodramatique comme le football français n’en avait jamais connu. En plein Mondial, l’Equipe a fait sa une sur Anelka. Le joueur avait insulté l’entraîneur selon le quotidien sportif. Les Bleus ont fait front, plus fâchés à l’idée de compter parmi eux un "traitre" que par l’attitude d’Anelka. Les joueurs, en manque de dialogue avec le staff, ont même fini par faire grève. Les politiques et l’opinion publique s’en sont mêlés. L’équipe de France et son staff ont alors donné une image déplorable. Eric Abidal a été considéré comme faisant partie des cinq frondeurs, mais contrairement aux autres il n’a pas été sanctionné.

Dans #MaParole, il s’explique : "Je sais ce que j’ai fait et je sais surtout ce que l’entraîneur n’a pas fait". "Il a tout fait pour ne pas assumer et pour ne pas assumer, il a tout fait passer par la presse, ajoute-t-il. Moi j’ai dit au coach qu’il faisait une erreur, que la meilleure des sanctions, c’était de faire assoir Anelka sur le banc et que le linge sale, ça se lavait en famille".

 

#3 Le numéro 22

Après cette coupe du monde ratée de 2010, Eric Abidal a rapidement tourné la page en revenant au FC Barcelone. Le 5 janvier 2011, il a même marqué son premier but avec le Barça. Ce qui pour un défenseur relève toujours de l’exploit. Mais en mars 2011, lors d’un check-up de routine, Eric Abidal a eu la mauvaise surprise de découvrir qu’il avait un cancer très avancé au foie. Il a été opéré dans les jours qui ont suivi. A cette époque en 2011, à la 22e minute, lors des matches du FC Barcelone, les supporters scandaient le nom d’Abidal car il portait le numéro 22. Ils montraient ainsi leur solidarité avec le joueur. De son lit d’hôpital, le footballeur se sentait réconforté par cette attention. Avec le Barça, c’était une relation presque fusionnelle.

Seulement deux mois après l’intervention, Eric Abidal a réussi à chausser les crampons. Il a même soulevé la coupe de la ligue des Champions lors de la victoire du Barça face à Manchester en finale. C’était le 28 mai 2011. Un symbole fort. En mars 2012, rechute. Les médecins ont déclaré au footballeur qu’il devait faire une greffe de foie au risque de mourir. L’opération a fini par avoir lieu. Petit à petit, après avoir perdu 20kg, le footballeur s’est remis. Il est passé par des moments de souffrance terrible. Après cette greffe de foie, Eric Abidal est parvenu à continuer à jouer au football au FC Barcelone puis à l’AS Monaco et enfin à l’Olympiakos où il a mis un terme à sa carrière. Après ses problèmes de santé, le footballeur a décidé en 2013 de créer sa propre fondation qui œuvre pour aider les enfants victimes de cancer.

En 2017, la justice espagnole a lancé une enquête pour vérifier qu’Eric Abidal n’avait pas rémunéré son cousin donneur Gérard Armand. Un don d’organe doit être gratuit, sinon c’est illégal. Après cette première enquête, la justice espagnole s’est à nouveau manifestée en 2019 après des écoutes faites sur un dirigeant du FC Barcelone, Sandro Rossel, dans lesquelles il était dit que le foie d’Eric Abidal avait été acquis de manière illégale. Le footballeur se dit dans #MaParole "serein" face à cette procédure. Il n’a rien à cacher, dit-il. En août 2020, le footballeur martiniquais a quitté la direction du FC Barcelone. Il est en négociations pour un nouveau poste dans le milieu du football, mais n’a pas souhaité nous en dire plus "tant que ce n’est pas signé". Commentateur sportif sur BeIn Sport, Eric Abidal n’a pas perdu le goût du football. Il espère que "son frère", comme il appelle Karim Benzema, ne soit pas un bouc-émissaire en cas d’échec de la France à l’Euro 2021.

Eric Abidal

A la prise de son, Bruno Dessommes.

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Eric Abidal en 5 dates

11 septembre 1979

Naissance à Saint-Genis Laval

18 aout 2004

Première sélection en équipe de France

9 juillet 2006

Finale France-Italie à l'Olympiastadion à Berlin 

28 mai 2011

Finale de la ligue des Champions et victoire du FC Barcelone face à Manchester 

10 avril 2012

Greffe de foie