Considérée comme la "poule aux œufs d’or" du sport français en termes de médaille, l’escrime française traverse une zone de turbulence. Plusieurs dirigeants ou membres de l’encadrement quittent le navire, c'est le cas du Guyanais Ulrich Robeiri. Référent auprès de l’équipe de France Moins de 20 ans, le champion Olympique en 2008 a préféré se retirer, car il n’était "plus en accord avec la gestion de l’arme" expliquait-il dans un message sur les réseaux sociaux.
Un vent de tempête traverse la discipline depuis quelques mois. Entre les Épéistes menés par le Guadeloupéen Yannick Borel et le champion Olympique en titre Romain Cannone en froid avec leur entraîneur Hugues Obry – qui a fini par démissionner de son poste – ou encore l’annonce du contrôle antidopage positif d'Ysaora Thibus, la pratique couve sa crise. "Depuis le milieu de la saison dernière, je savais que quelque chose allait exploser, informe Ulrich Robeiri. J’avais des retours d’athlètes qui me disaient qu’à l’entraînement ça se passait mal, qu’ils n’étaient pas bien pris en charge dans les séances, qu’il y avait des dysfonctionnements. Après avoir beaucoup échangé avec eux, j’ai compris qu’il allait se passer quelque chose, parce qu’il y avait trop de tension dans le groupe".
"Je trouvais qu’il y avait des moyens de pression exercés sur les athlètes […]"
Informé des tensions en interne et témoin de certaines anomalies, notamment au niveau de la commission technique, le Guyanais justifie son départ. "Mon travail avec les moins de 20 ans se passait bien, indique-t-il. Mais le positionnement de la commission vis-à-vis des athlètes seniors me gênait. Je trouvais qu’il y avait des moyens de pression qui étaient exercés sur les athlètes, et ça se voyait. Par exemple, un tireur comme Romain Cannone, champion olympique et du monde, n’était pas pris en charge par la fédération dans ses déplacements, c’est du jamais vu. Alors que ça fait partie des prérogatives de la commission. Je trouve que ça allait dans le sens d’envoyer des messages pour déstabiliser les athlètes […]".
Le départ d’Ulrich Robeiri n’est pas lié uniquement à la commission. Le retrait du guyanais est aussi dû à l’action de la fédération à l’encontre du Guadeloupéen Yannick Borel, Alexandre Bardennet et Romain Cannone.
Il y avait une convention qui avait été signée pour leur permettre d’avoir un modèle d’entraînement individualisé hybride entre leur club et des entraînements à l’NSEP. Le directeur technique national et l’entraîneur ont voulu unilatéralement mettre fin à cette convention. Il y avait un peu l’appui de certaines personnes de la fédération, sauf que les clubs concernés et l’ANS (agence nationale du sport) ont bloqué le processus. Il y avait un climat qui allait au-delà de la commission même sur la gestion de ce dossier et ça ne me convenait plus.
Si dans un avenir proche, l’ancien épéiste n’est pas inquiet pour le devenir de la discipline, notamment à l’approche des JO, à long terme sa perception est différente. "En termes de développement dans notre sport, on n'a pas avancé. L’équipe en place, vous avez vu… rien ne se passe. Dans la presse, on ne parle que de conflit. Pour les prochaines années, s’il n’y a pas une équipe avec des idées et des moyens pour imposer un climat de confiance, ça peut très mal se passer".
Malgré les tensions dans la discipline, la France peut se vanter d'être le seul pays à avoir toutes ses équipes qualifiées pour les Jeux Olympiques de Paris 2024.