"Le modèle noir, de Géricault à Matisse" vient de s'installer à Paris au Musée d'Orsay jusqu'au 21 juillet 2019. L'exposition retrace l'affirmation d'une identité noire au fil des siècles, en miroir de l'Histoire, à travers les modèles oubliés de l'art.
Il est souvent dit que l'art est à l'image de la société, une affirmation encore plus parlante lorsque l'on se penche sur les représentations des personnes noires et métisses. Invisibilisées, marginalisées, parfois même caricaturées, elles ont une place particulière dans les tableaux et les livres, intimement liée à l'Histoire. Une place qui sort de l'ombre, aujourd'hui. "En une trentaine d'années, "la représentation des Noirs" est devenue un objet d'histoire de l'art très présent des deux côtés de l'Atlantique et les travaux liés aux "black studies" se multiplient", écrit le Musée d'Orsay dans un communiqué.
Les grands oubliés
Le musée parisien consacre actuellement une grande exposition au "modèle noir", d'abord présentée à New York. À travers des peintures, des sculptures, des photographies et des documents, elle raconte comment le monde est passé de la traite négrière, au lendemain de la Révolution française, à la naissance d'une identité noire affirmée au milieu du XXème siècle.
"Il ne s'agit pas d'une exposition sur la représentation des Noirs perçus comme groupe social", précise Laurence Des Cars, présidente des musées d'Orsay et de l'Orangerie. "C'est au "modèle" que nous nous intéressons (...). Qui sont-ils, ces grands oubliés du récit des avant-gardes ?"
Explications de l'oeuvre avec Isolde Pludermacher, conservatrice en chef du Musée d'Orsay :
Dénoncer l'esclavage
Si les intentions de Marie-Guillemine Benoist ne sont pas réellement connues, d'autres artistes ont clairement pris position contre l'esclavage dans leurs œuvres. Marcel Antoine Verdier représente ainsi, en 1843, une scène violente de châtiment "dans les colonies", avec un homme nu, accroché à des piquets et fouetté par un autre. "L'artiste a peint volontairement ce tableau pour choquer les spectateurs de son temps. Il a d'ailleurs été refusé au Salon", explique Isolde Pludermacher, conservatrice en chef du Musée d'Orsay. Il n'était pas le seul : "Il pouvait y avoir de la part des artistes une volonté délibérée de choquer pour provoquer l'empathie face à la condition des esclaves".
Il faudra plusieurs décennies pour qu'évolue la place des hommes et femmes noires dans la société comme dans l'art. Au fil du XXème siècle, la France voit émerger des personnalités comme le clown Chocolat ou encore la danseuse et chanteuse Joséphine Baker, qui malgré des stéréotypes encore fortement accrochés, s'intègrent dans le paysage. L'exposition évoque également comment l'homme et la femme noir ont servi de modèle dans la littérature du XXème siècle et plus particulièrement, dans le concept de négritude pensé, entre autres, par Aimé Césaire.
Mémorial ACTe
Elle sera envoyée en Guadeloupe, au Mémorial ACTe le 13 septembre prochain. Autour de l'exposition, un spectacle et un livre-disque publié par le rappeur, poète et écrivain Abd Al Malik, intitulé Jeune noir à l'épée, en référence à un tableau de Puvis de Chavannes exposé au Musée d'Orsay. "C'est un tableau du XIXème siècle qui parle profondément d'aujourd'hui et de maintenant", explique-t-il. "Le jeune noir aujourd'hui ce sont tous les gens de périphérie, dans les cités HLM, en banlieue, dans le territoire rural enclavé, ce sont les femmes. Réfléchir sur les notions de justice, d'égalité, non seulement ça fait sens mais c'est d'une urgente actualité aujourd'hui au XXIème siècle."
Le reportage de Camila Giudice et Denis Rousseau-Kaplan :
"Le modèle noir, de Géricault à Matisse"
Au Musée d'Orsay du 26 mars au 21 juillet 2019
1 rue de la Légion d'honneur, 75007 Paris
Informations sur www.musee-orsay.fr