Fraîchement élu, le sénateur haïtien Guy Philippe arrêté par la brigade anti-drogues des Etats-Unis

Des membres de la police haïtienne devant la radio où a été arrêté le sénateur Guy Philippe jeudi, à Port-au-Prince.
Le sénateur élu haïtien Guy Philippe, meneur d'un coup d'Etat en 2004 et soupçonné de trafic de drogues par les autorités américaines, a été arrêté jeudi après-midi à Port-au-Prince par la brigade de lutte contre le trafic de stupéfiants (BLTS), selon la police.
Guy Philippe, élu en novembre, était l'invité d'une émission politique sur une radio privée quand des policiers lourdement armés se sont postés devant la station, tirant de nombreux coups de feu en l'air, ce qui a provoqué une panique dans le voisinage, ont indiqué des journalistes ayant assisté à la scène.
 
Encadré d'officiers cagoulés, l'homme âgé de 48 ans est sorti du bâtiment les mains menottées dans le dos, puis a été placé à l'arrière d'une voiture de la BLTS. Un porte-parole de la police nationale a confirmé l'arrestation, mais n'a pas été en mesure d'indiquer en vertu de quel chef d'accusation Guy Philippe avait été arrêté.

Extradition vers les États-Unis 

Selon une radio locale, une procédure d'extradition vers les Etats-Unis est en cours et le sénateur élu a été amené jeudi soir à l'aéroport de la capitale. Une vidéo, redirigée par Amélie Baron, journaliste de RFI sur place, montre Guy Philippe, vêtu d'une chemise blanche, sur le tarmac de l'aéroport, escorté jusqu'à un avion par des policiers américains de la brigade anti-drogues. 

 

Un parlementaire haïtien a confirmé à l'AFP, sous couvert d'anonymat, que celui qui est proche du nouveau président élu Jovenel Moïse avait bien été transporté à l'aéroport de Port-au-Prince.


Un personnage controversé

Le journal américain Miami Herald a rapporté dans la soirée que l'homme avait été remis sur place à des officiers de l'agence américaine de lutte anti-drogues (DEA), qui le recherche depuis 2005. Il est soupçonné de trafic de stupéfiants. Ce qui ne l'empêchait pas de mener une vie publique dans son fief de Pestel, situé à 150 km à l'ouest de Port-au-Prince.
 
Personnage controversé, le nouveau sénateur du département de la Grande Anse s'était fait connaître en 2004 pour avoir mené une rébellion armée aboutissant au départ précipité du président Jean-Bertrand Aristide. Ce dernier était également contesté lors de grandes manifestations.
 
Le bureau des affaires criminelles de la police nationale d'Haïti a conclu en juillet que le candidat à son tout premier mandat électoral était l'auteur intellectuel d'une attaque perpétrée en mai contre le commissariat de la ville des Cayes (sud). Dans la nuit du 15 au 16 mai, une cinquantaine d'hommes lourdement armés ont attaqué ce commissariat, tuant un policier et blessant grièvement deux autres officiers. M. Philippe a toujours nié être impliqué, et Jovenel Moïse, dont l'élection à la présidence du pays a été confirmée mardi, s'était affiché à ses côtés lors d'un déplacement de campagne à Pestel.


De vives réactions sur place 

Son arrestation a provoqué la colère d'élus, qui ont dénoncé une arrestation qualifiée d'illégale. Mais, s'il était protégé de toute poursuite pendant la campagne électorale, ce n'était plus le cas. La Constitution haïtienne précise en effet qu'un parlementaire n'est protégé par une immunité qu'après sa prestation de serment. Or cette cérémonie est prévue lundi.
Des supporters du sénateur Guy Philippe ont manifesté, jeudi soir, devant la Centrale de la Police Judiciaire (DCPJ), à Port-au-Prince.

Après cette arrestation, des sympathisants de M. Philippe ont bloqué avec des troncs d'arbres et des pneus enflammés plusieurs routes de Pestel et du département de la Grande Anse. Jeudi, en fin d'après-midi, l'ambassade américaine avait exigé le confinement de ses employés chez eux "en raison d'une opération policière en cours à Port-au-Prince" et conseillé à ses ressortissants de rester à l'abri.