Françoise Vergès : "Pour moi c’était une chance de porter ce nom" [#MaParole]

Auteure, féministe, spécialiste de l’histoire de l’esclavage et des décolonisations, Françoise Vergès mène une vie de militante et d'intellectuelle. Elle évoque dans #MaParole ses combats qui l’ont menée de La Réunion aux Etats-Unis en passant par l’Algérie et Le Salvador. 
 

Quand on s’appelle Vergès à La Réunion, on ne passe pas inaperçu. Vergès, c’est le nom de la famille qui a probablement le plus compté au 20e siècle à La Réunion. Entre le grand-père Raymond, député, puis le père Paul, député lui aussi, président du conseil régional et sénateur et l’oncle Jacques, avocat célébrissime, Françoise est parvenue à se faire un prénom. Dans #MaParole, le podcast en trois épisodes de 20 mn d'Outre-mer la 1ère, Françoise Vergès évoque son enfance, ses années de formation et ses nombreux combats.

Dès son enfance, elle est sensibilisée au communisme et au féminisme. Au lycée, elle se souvient de bagarres avec des filles au sujet de son père. Le nom de Vergès était tagué sur les murs "avec des insultes". Françoise Vergès se rappelle de l’absence de son père, parti en clandestinité de 1964 à 1966. La société coloniale des années 60 à La Réunion l’a durablement marquée.

En terminale, Françoise Vergès quitte La Réunion pour aller passer son bac en Algérie. En 1970, âgée de 16 ans, la lycéenne va vivre quelques mois chez son oncle, l’avocat Jacques Vergès marié alors avec Djamila Bouhired, une figure de l’indépendance de l’Algérie. Mais Jacques Vergès part sans donner de détails sur sa destination et la jeune Françoise Vergès est alors hébergée par un ami de son oncle, Henri Ginoud, l’auteur du célèbre Salaire de la peur qui sera adapté au cinéma.

Après le Bac, Françoise Vergès finit par arriver en France hexagonale où elle vit en communauté avec des travailleurs réunionnais, antillais et français. Elle se bat contre l’Ordonnance Debré de 1960 autorisant les pouvoirs publics français à procéder à l'exil forcé en métropole des fonctionnaires des départements d'Outre-mer accusés de "troubler l'ordre public". Elle commence aussi à s’intéresser aux mouvements féministes.

Déçue par les guéguerres qui pourrissent la vie du mouvement féministe en France, sans travail, Françoise Vergès part aux Etats-Unis. A l’époque elle devait juste accompagner la mère d’Antoinette Fouque, une figure du MLF (Mouvement de Libération des Femmes). Elle y restera une dizaine d’années.

A 30 ans, elle reprend ses études, passe une double-licence de Sciences politiques et d’études féministes. Elle prépare un doctorat à Berkeley sur La Réunion. L’île n’est jamais bien loin. De ce séjour de l’autre côté de l’Atlantique, Françoise Vergès se rappelle d’un épisode marquant au Salvador, en pleine guerre civile. La politologue a alors senti que sa vie ne tenait qu’à un fil.

De retour en France après avoir enseigné en Grande-Bretagne, Françoise Vergès débute sa carrière d’écrivain et d’essayiste. Elle publie en 2007 un livre d’entretiens avec Aimé Césaire dont elle apprécie le courage. Elle regrette qu’il soit si peu enseigné en France.

Dans #MaParole, Françoise Vergès évoque aussi son essai intitulé Le Ventre des femmes : capitalisme, racialisation, féminisme paru en 2017. Ce livre a révélé un scandale qui s’est déroulé dans les années 70 à La Réunion. Dans une clinique à Saint-Benoit, près de 8000 femmes ont subi un avortement ou une stérilisation sans leur consentement.

Un procès a eu lieu en 1971. Quelques jours après ce procès, le manifeste des 343 pour le Droit à l’avortement est publié dans le Nouvel Observateur. Les 343 avouaient avoir avorté alors que c'était illégal à l'époque. Françoise Vergès reproche à ces féministes françaises d’avoir oublié le sort de Réunionnaises.

Prise de son : Bruno Dessommes.

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Françoise Vergès en 5 dates

♦ 23 janvier 1952
Naissance à Paris de Françoise Vergès.
♦ 17 janvier 2007
Françoise Vergès reçoit le prix Seligmann contre le racisme pour son ouvrage Mémoire enchaînée, questions sur l’esclavage.
♦ 13 février 2008
Présidente du Comité national pour la mémoire et l’histoire de l’esclavage.
♦ 3 novembre 2012
Décès de la mère de Françoise Vergès, Laurence Deroin à son domicile à La Possession.
♦ 10 février 2021
Parution du Ventre des femmes en livre de poche.