George Pau-Langevin : "Je n’en veux pas aux gens de Macron, j’en veux aux frondeurs du PS" [#MaParole]

Avocate, députée puis ministre, George Pau-Langevin a rejoint il y un an la Défenseure des droits en tant qu’adjointe et entend lutter pour "plus d’égalité dans une société qu’elle juge trop fracturée". Récit d’un parcours sans pauses dans #MaParole.

Est-ce que le prénom donne son caractère à la personne qui le porte ? Vaste question. Mais pour George Pau-Langevin, on pourrait répondre par l’affirmative. "Ma mère pensait que George c’était comme Claude, un prénom qui convenait aussi bien aux filles qu’aux garçons, mais ce n’était pas un cadeau", s’amuse aujourd’hui George Pau-Langevin. Ses parents avaient choisi ce prénom pour leur troisième fille en hommage à George Sand, artiste exceptionnelle et indépendante.

 

#1 Une enfance studieuse

Cette indépendance et ce besoin de se réaliser par soi-même ont guidé George Pau–Langevin. "A la maison, nos parents nous disaient toujours : nous n’avons pas hérité d’une usine alors la meilleure manière de s’en sortir c’est l’école", se souvient-elle. En Guadeloupe, George Pau-Langevin a passé une enfance studieuse sous l’œil bienveillant, mais exigeant de parents enseignants. La famille ne roulait pas sur l’or, les trois sœurs partageaient la même chambre, mais l’ambiance était joyeuse. Pendant les vacances, la famille se rendait à Sainte-Marie en Martinique chez la grand-mère maternelle. A la maison, on ne parlait pas tout le temps créole et George Pau-Langevin confie qu’elle "n’est pas à l’aise dans cette langue".

Son père, professeur de maths, voulait qu’elle devienne pharmacienne, mais ça ne la faisait pas du tout rêver. La lycéenne se voyait plutôt avocate comme son oncle. Après le bac obtenu malgré une note calamiteuse en sport, dont elle s'amuse aujourd'hui, George Pau-Langevin a opté pour des études de lettres en Khâgne et Hypokhâgne qui lui permettaient d’obtenir une bourse. Elle a passé sa première année à Paris "dans un monde froid et dur" et se rappelle de mai 68 auquel elle n’a "rien compris". "Moi j’arrivais d’une île qui était pauvre avec des gens qui avaient du mal à subsister. Quand je voyais ces étudiants qui étaient pour moi des "petits bourgeois", j’ai eu beaucoup de mal à comprendre", raconte-t-elle. "Par la suite, j’ai compris", poursuit-elle.

 

#2 Marcel Manville et les Black Panthers

Après une licence de lettres passée à la Sorbonne en plein mai 68, elle a suivi des études de droit à Assas, "le temple des fachos" à l’époque. C’est d’ailleurs ce qui lui a donné envie par la suite de militer contre le racisme au sein du MRAP (Mouvement contre le racisme et pour l'amitié entre les peuples) qu’elle a dirigé pendant trois ans dans les années 80. En 1971, George Pau-Langevin a prêté son serment d’avocate. Elle a fait ses premiers pas dans la profession aux côtés d’un "homme exceptionnel", Marcel Manville. Cet avocat martiniquais, ami fidèle de Frantz Fanon, a défendu de nombreuses personnalités du FLN algérien. Pour George Pau-Langevin côtoyer cet avocat de la CGT, révolutionnaire à ses heures, a été "une chance incroyable". Après le départ de son mentor pour la Martinique, elle a défendu les Blacks Panthers en 1978. Ces militants radicaux des droits civiques américains avaient détourné un avion de ligne et avaient atterri en Algérie. Ils avaient vécu là-bas avant de rejoindre la France où ils ont été emprisonnés en 1976. Ils ne voulaient absolument pas revenir aux Etats-Unis au risque d’être condamnés à mort. George Pau-Langevin s’est passionnée pour cette affaire.

En 1975, l’avocate a rejoint le PS. Elle est entrée alors à la section du 18e arrondissement. Une section de haute volée. C’est là que se trouvaient Lionel Jospin, Bertrand Delanoë, Daniel Vaillant. Avec eux, elle a appris la politique. En 2001, elle a mené, aux côtés de Bertrand Delanoë, la bataille de Paris. Et pour la première fois, la campagne s'est soldée par une victoire. Un socialiste, Bertrand Delanoë est devenu maire de Paris. 

 

#3 La conquête du 20e

A la mairie, la militante a été élue adjointe chargée des associations et des Outre-mer. Elle a ainsi agi pour que la rue Richepanse soit débaptisée. Richepanse avait œuvré pour rétablir l’esclavage en Guadeloupe en 1802. "10% de la population guadeloupéenne avait été déportée", souligne George Pau-Langevin. La rue a donc pris le nom du chevalier de Saint-Georges.

En 2007, George Pau-Langevin a décidé de se porter candidate aux élections législatives dans le 20e arrondissement. Mais le candidat sortant n’était pas du tout prêt à lui laisser sa place. Il a fallu imposer l’idée au PS. Soutenue par Bertrand Delanoë, Victorin Lurel, François Hollande et Ségolène Royal, la candidate a finalement remporté les élections législatives, malgré la présence du candidat sortant qui avait refusé de se retirer. George Pau-Langevin est devenue la première femme noire de l’Hexagone élue à L’assemblée nationale. "J’étais contente, on avait arraché cette victoire, dit-elle aujourd’hui, on avait fait une campagne très gaie et aux Antilles, les gens étaient très contents car en se battant on peut faire reculer les préjugés".

Après cinq années sous Nicolas Sarkozy, François Hollande a été élu président de la République et George Pau-Langevin a été nommée d’abord ministre à la Réussite éducative "sous la tutelle bienveillante de Vincent Peillon" puis ministre des Outre-mer. "J’avais presque l’impression d’être à la maison", déclare-t-elle au sujet de la rue Oudinot, tellement elle avait fréquenté ces lieux. Dans #Maparole, elle évoque cette période. Après la débâcle du PS aux élections présidentielle et législatives en 2017, George Pau-Langevin a réussi à faire partie des rares rescapés du PS en étant réélue dans le 20e. "Je n’en veux pas aux gens de Macron, j’en veux aux frondeurs du PS", déclare-t-elle dans #MaParole au sujet de la dégringolade du parti socialiste dont elle a connu les belles années. Aujourd’hui, l’ancienne ministre des Outre-mer a choisi de mettre un terme à son mandat de député et œuvre aux côtés de la Défenseure des droits en tant qu’adjointe.

A la prise de son : Anatole Debeaumont.

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♦♦ George Pau-Langevin en 5 dates ♦♦♦

►19 octobre 1948

Naissance à Pointe-à-Pitre

►Décembre 2001

La rue Richepanse débaptisée à Paris

17 juin 2007

George Pau-Langevin, première femme noire de métropole élue à l’Assemblée nationale

►2 avril 2014

Nommée ministre des Outre-mer

►13 novembre 2020

Nommée ajointe à la Défenseure des Droits