A Saint-Laurent du Maroni, les trafiquants de drogue n'ont plus besoin de solliciter les "mules" pour les convaincre de prendre l'avion pour Paris avec de la cocaïne. Les volontaires sont si nombreux qu'il y a des listes d'attente, se désolent des travailleurs sociaux.
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C'est de cette ville et sa région, à l'Ouest de la Guyane, que proviennent une bonne partie de la vingtaine de passagers qui, chaque jour, tentent d'embarquer pour Orly avec dans leurs bagages ou dans leur estomac de la cocaïne provenant du Suriname voisin, sur l'autre rive du fleuve. "Aujourd'hui, il y a des listes d'attente pour faire la mule. Les trafiquants n'ont plus besoin de recruter", assure Natacha Zaepfel, directrice du Centre d'action sociale de Saint Laurent.
Pas de pont entre Saint-Laurent et le village surinamien d'Albina, sur l'autre rive. Un petit bac, pour trois voitures. Un poste de contrôle. Mais sur la berge sableuse du fleuve, à cent mètres de là, des dizaines de piroguiers font traverser qui veut, sans formalité, deux euros la course. Les embarcations reviennent du Suriname chargées de bidons d'essence, de bières et de sacs plastique.
A la tête de l'association Akatij, spécialisée dans la lutte contre les addictions et l'exclusion, Hélène Commerly vit depuis vingt ans en Guyane. "Dans certains quartiers, une maman isolée peut avoir dix enfants", dit-elle. "Les enfants sont censés participer à l'économie de la famille. Ils peuvent revendre du riz acheté moins cher au Suriname, des plats confectionnés par maman. Alors la cocaïne entre dans cette économie. C'est banalisé. Ils n'ont pas le sentiment de faire du mal à quelqu'un, ils transportent simplement".
Le tarif de base pour ingérer des boulettes de drogue ou en charger ses bagages est de 3.000 euros, somme dérisoire rapportée aux profits illicites. Elle est presque systématiquement dépensée en France, avant de revenir. "Mais ça peut être plus si on l'a fait plusieurs fois sans se faire attraper. Plus on est aguerri, plus on négocie le prix à la hausse", dit Hélène Commerly.
Pour détourner les soupçons des douaniers à l'aéroport de Cayenne, qui désormais se méfient quand un Guyanais a un billet payé en liquide et un vol de retour rapide, les réseaux préfèrent les employer pendant quelques semaines en France, pour distribuer la drogue. "Il y a des règlements de comptes : les réseaux installés voient d'un mauvais oeil arriver une cocaïne qui est très pure, et des Guyanais qui la vendent moins cher", assure Mme Commerly. "On commence à en retrouver avec des balles dans la tête".
"C'est du business"
"Dans certains quartiers, des familles entières sont occupées à fourrer des fruits, toutes sortes d'objets de boules cocaïne", ajoute-t-elle. "C'est une activité comme une autre. Avec le fleuve, Saint-Laurent a toujours été une ville de transit, de commerce. Il y a du trafic d'essence, d'oignons, les pétards à Noël, les fringues, maintenant la cocaïne. Ils ne la consomment pas, ils la transportent. C'est du business".Pas de pont entre Saint-Laurent et le village surinamien d'Albina, sur l'autre rive. Un petit bac, pour trois voitures. Un poste de contrôle. Mais sur la berge sableuse du fleuve, à cent mètres de là, des dizaines de piroguiers font traverser qui veut, sans formalité, deux euros la course. Les embarcations reviennent du Suriname chargées de bidons d'essence, de bières et de sacs plastique.
En Guyane, le taux de chômage des jeunes de moins de 25 ans est de 60%. C'est bien pire à Saint Laurent. "C'est simple, ici, du travail, il n'y en a pas", ajoute Natacha Zaepfel. "Les qualifications sont insuffisantes, le taux illettrisme très important, y compris parfois pour des titulaires de diplômes. Il y a du contrat aidé, et c'est tout. Alors la tentation de faire la mule est terrible. Ils n'emploient pas le mot, d'ailleurs. Ils disent ‘faire le voyage'.
A la tête de l'association Akatij, spécialisée dans la lutte contre les addictions et l'exclusion, Hélène Commerly vit depuis vingt ans en Guyane. "Dans certains quartiers, une maman isolée peut avoir dix enfants", dit-elle. "Les enfants sont censés participer à l'économie de la famille. Ils peuvent revendre du riz acheté moins cher au Suriname, des plats confectionnés par maman. Alors la cocaïne entre dans cette économie. C'est banalisé. Ils n'ont pas le sentiment de faire du mal à quelqu'un, ils transportent simplement".
Tarif de base de la mule : 3000 euros
Pour tenter d'alerter les jeunes sur les dangers du trafic, que les réseaux minimisent, l'Akatij participe à des jeux de rôle en milieux scolaire. Un élève joue la mule, l'autre le douanier, un autre le trafiquant. "Ça nous permet de comprendre ce qu'ils vivent. Tout le monde est concerné. Parfois, on a l'impression qu'il ne se passe rien... On a eu une classe avec laquelle on a eu l'impression de faire un flop. En fait, ils ont tout raconté trois semaines plus tard à un enseignant qui parle les langues régionales. Ils étaient à 90% concernés. Déjà partis ou en passe de partir".Le tarif de base pour ingérer des boulettes de drogue ou en charger ses bagages est de 3.000 euros, somme dérisoire rapportée aux profits illicites. Elle est presque systématiquement dépensée en France, avant de revenir. "Mais ça peut être plus si on l'a fait plusieurs fois sans se faire attraper. Plus on est aguerri, plus on négocie le prix à la hausse", dit Hélène Commerly.
"Balles dans la tête"
"Tout le monde est sollicité", ajoute-t-elle. "Même moi. Ils me l'ont proposé à moi. Une ‘métro’, c'est moins suspect. J'en ai vu un il y a deux semaines, que je n'avais pas vu depuis longtemps. Il m'a dit : J'ai fait mon dixième voyage, je me suis fait chopper. Je lui ai demandé : qu'est-ce qu'il te reste de tout ça ? Il m'a dit : rien. Ça valait le coup ? Ouais, parce que j'ai vu Saint-Tropez. Je voulais voir Saint-Tropez. Ça vaut bien trente mois de prison".Pour détourner les soupçons des douaniers à l'aéroport de Cayenne, qui désormais se méfient quand un Guyanais a un billet payé en liquide et un vol de retour rapide, les réseaux préfèrent les employer pendant quelques semaines en France, pour distribuer la drogue. "Il y a des règlements de comptes : les réseaux installés voient d'un mauvais oeil arriver une cocaïne qui est très pure, et des Guyanais qui la vendent moins cher", assure Mme Commerly. "On commence à en retrouver avec des balles dans la tête".