Le projet de la Centrale électrique de l'Ouest guyanais (CEOG) est contesté depuis des années par les habitants de Prospérité (ou Atopo Wepe), village amérindien de l'ethnie kali'na situé à deux kilomètres du site. Ils jugent la centrale trop proche des habitations et demandent de lui trouver une autre implantation. Dans une lettre adressée le 26 avril à la représentation de la France à Genève, que l'AFP a pu lire jeudi, le Comité pour l'élimination de la discrimination raciale (Cerd) se dit "préoccupé" par le fait "qu'il n'y aurait pas eu de consultation ni de consentement libre, préalable et éclairé du peuple kali'na avant l'approbation du projet" et "par l'impact négatif" du projet sur leurs terres, ressources et mode de vie traditionnel.
Le comité, composé de 18 experts indépendants qui ne disposent d'aucun pouvoir de contrainte sur les États, se dit également préoccupé par "les allégations de recours excessif à la force par les forces de l'ordre, de détention, de poursuites judiciaires et de condamnations pénales à l'encontre de dirigeants et de membres du peuple kali'na". La plainte a été déposée à la demande du chef coutumier du village, Roland Sjabere, par l'Organisation des Nations autochtones de Guyane française (ONAG) avec le soutien du Service international pour les Droits de l'Homme (ISHR), une ONG basée à Genève.
"L'interpellation de la France par le Comité est une victoire pour le peuple kali'na et pour toutes les personnes qui nous ont apporté leur soutien dans notre lutte pour préserver nos terres et nos traditions", a réagi le chef coutumier Roland Sjabere, dans un communiqué d'ISHR.
Des garanties sur le respect des droits de l'homme du peuple Kali'na demandées
Dans sa lettre, le comité explique qu'il "craint que les allégations reçues pourraient constituer un manquement aux obligations" de la France vis-à-vis de la Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale et "une atteinte aux droits des peuples autochtones". Le comité demande à la France de lui fournir des informations avant le 26 juin sur les allégations, en particulier sur les mesures prises pour "protéger les droits de l'homme du peuple Kali'na" ainsi que sur celles adoptées ou envisagées pour modifier l'emplacement ou suspendre le projet "jusqu'à ce que le consentement libre, préalable et éclairé soit obtenu des peuples autochtones affectés".
"Nous exhortons les autorités françaises à coopérer avec le Comité et à prendre toutes les mesures nécessaires pour résoudre les tensions de longue date autour du village Prospérité", a réagi Madeleine Sinclair, d'ISHR. Cette centrale photovoltaïque est censée, à terme, alimenter en électricité 10.000 foyers via une technologie de stockage de l'énergie fonctionnant à l'hydrogène.