À plus de 2300 mètres d’altitude, sur les hauteurs de Grenade, au sud de l’Espagne, la station de Sierra Nevada s’est enveloppée dans un manteau neigeux qui fait le bonheur des skieurs. Un paysage à couper le souffle balayé par un vent glacial que seuls quelques sportifs téméraires ont choisi de braver.
Davina Michel n’est pas de ceux-là. Le froid et la neige ne sont pas dans sa nature. Pourtant, la championne de boxe martiniquaise, deuxième aux Jeux Européens en 2023 et troisième des championnats du monde Élites en 2022, a dû s’accorder avec son entraîneur et faire quelques concessions. "C’est vrai que les séances d’entraînement à l’extérieur ne sont pas ce qu’elle préfère", affirme avec un brin de malice Stéphane Cottalorda, son entraîneur. "Elle doit s’y soumettre. Nous sommes ici pour qu’elle puisse exprimer 100 % de ses qualités techniques pour être prête pour les JO", poursuit-il. En Espagne, la Martiniquaise ne chôme pas et le programme concocté par son staff le prouve. "Durant ce stage, on double les séances : une séance de boxe et une séance plus physique chaque jour avec du renforcement musculaire ou du développement énergétique", explique Stéphane Cottalorda, l'entraîneur national.
"L’objectif, c'est la médaille d’or, je ne vois pas d’autres issues"
Après la Colombie, l’équipe de France féminine poursuit sa préparation olympique en altitude. Le résultat est garanti. L'entraînement en altitude permet d’obtenir un meilleur rapport entre consommation d’oxygène et effort fourni, ainsi que d’augmenter les capacités d’endurance des sportifs. En résumé, une séance en altitude équivaut à trois séances normales.
Davina Michel fait partie des deux boxeuses françaises déjà qualifiées pour les JO. Quatre doivent encore combattre pour espérer décrocher leur qualification. Du stress en moins, sans aucun doute, mais pas question pour autant de baisser la garde. La jeune martiniquaise de 26 ans sait d’où elle vient et les sacrifices qu’elle a dû consentir pour arriver là où elle est aujourd’hui. Son billet pour les Jeux n’est que la première étape. "L’objectif, c'est la médaille d’or, je ne vois pas d’autres issues, prévient-elle. Après si j’ai une médaille, c'est cool, mais moi, je pars vraiment pour la médaille d’or. C’est ce que je veux."
Du sang et des larmes
Née à Fort-de-France, en Martinique, Davina Michel est déjà entrée dans l’histoire de son sport. Elle est la première Antillo-Guyanaise à participer à des Jeux Olympiques. "C’est vraiment une fierté, c’est la chose dont je suis la plus fière", dit-elle. Davina n’a pas été sélectionnée, mais bien qualifiée pour les JO et en boxe, cette nuance à son importance. "Une sélection, c’est lorsque tu es numéro un et là, tu vas directement aux Jeux. En boxe, tu dois te battre du début à la fin", glisse-t-elle.
Il y a eu une qualification interne qui m’a permis d’être désignée comme la représentante française pour les Jeux européens. Je devais ensuite arriver en finale pour me qualifier pour les JO. J’ai eu cinq combats, très dur. Il a fallu que je me batte, que je pleure, qu’il y ait du sang et des larmes pour pouvoir me qualifier.
Davina Michel
Sa sélection acquise, Davina a laissé retomber le stress et la pression pour laisser la place à l’excitation. "J’ai hâte de représenter la France, la Martinique. Dans quelques mois, ce sera le retour du stress et peut-être même à un certain moment de la peur, mais j’ai l’habitude et je vais surmonter tout ça", affirme-t-elle.
Davina partage son temps entre les entraînements dans son club à Garges-Lès-Gonesse dans le Val-d’Oise – reconnu comme le meilleur club de boxe de France –, et les stages avec l’équipe de France. Au mois de décembre, elle a passé 17 jours en Colombie et après une parenthèse de quelques jours pour les fêtes en famille, en Martinique, elle a rejoint avec l’équipe de France le "High Performance Center" de Sierra Nevada, le plus haut centre d’entrainement d’Europe.
Des journées intenses, rythmées par l’entrainement
De l’endurance, de la musculation, du cardio-training et évidemment des heures de boxe sous toutes ses formes. Du sparring partner, avec son entraineur comme partenaire, du shadow boxing, qui consiste à boxer dans le vide en imaginant un adversaire, et du combat sur le ring pour garder l’esprit de compétition.
Ce parcours exceptionnel qui l’a conduite à être aujourd’hui l’une des meilleures chances de médailles olympiques en boxe, Davina le doit d’abord à elle-même. Depuis qu’elle a chaussé les gants à l’âge de 12 ans, les rings et les salles d’entrainement sont devenus son quotidien. Elle le doit aussi au soutien inconditionnel de sa famille et notamment de son père qui lui a donné le goût de la boxe. "Mon père était un sportif de haut-niveau. C’est lui qui m’a initié à cet amour pour les arts-martiaux, confie-t-elle. J’ai commencé avec le karaté, puis le kick boxing et enfin la boxe anglaise. Il a toujours été là pour m’accompagner aux entrainements et aux compétitions."
Des hauts et des bas
Davina peut également compter sur son entreprise. "Quand je suis arrivé en métropole, j’étais d’abord assistante dentaire. C’était compliqué et j’ai dû me mettre au chômage pour continuer à m’entrainer."
J’ai traversé des périodes très difficiles jusqu’en 2022 où la fédération de boxe m’a proposé un contrat d’insertion professionnelle avec la SNCF en tant qu’agent de sureté ferroviaire. Je bénéficie d’un dispositif athlète de haut niveau qui me permet d’être libre pour effectuer mes stages et compétitions avec un salaire fixe tous les mois.
Davina Michel
À quelques mois des Jeux Olympiques de Paris, Davina est à la fois sereine et lucide. "Pour moi, la clé, c’est de personnaliser les séances. Je dois travailler à la fois mes points forts et mes points faibles et je m’appuie sur un calendrier spécialement aménagé."
Toute une famille derrière sa championne
Au mois d’août, lorsqu’elle pénètrera sur le ring olympique de l’Arena Paris Nord de Villepinte, Davina jettera un regard furtif, mais appuyé, quelque part dans la salle qui accueillera près de 6000 spectateurs et où prendra place sa famille venue spécialement de la Martinique. "Il y aura mes parents, mes frères et sœurs. Mon petit frère et ma petite sœur n’ont encore jamais pris l’avion et qu’ils puissent venir, ça me fait vraiment plaisir." De quoi lui donner du souffle et du courage pour aller au bout de son rêve.
À quelques mois de ce rendez-vous, le plus important dans la carrière d’un sportif de haut niveau, Davina veut saisir sa chance. En 2016, son talent précoce lui avait permis d’envisager les JO de Rio, mais la vice-championne d’Europe le reconnait, "j’étais trop jeune". En 2020, la Galloise Laureen Price lui barre la route de Tokyo lors d’un tournoi de qualification olympique… Mais cette fois, tous les voyants sont au vert, à commencer par son mental. "Si on est serein dans la tête, on l’est assurément sur le ring", conclue la championne.
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