Journée Internationale des Maladies Rares : en Outre-mer, l'errance diagnostique exacerbée

Environ 3 millions de Français sont atteints de maladies rares. Beaucoup l'ignorent et, au-delà de la question de la recherche de traitement, l'enjeu est de réduire le temps avant de pouvoir mettre un nom sur sa maladie et être orienté vers un expert.

Chaque année, le dernier jour de février marque la Journée Internationale des Maladies Rares. Une maladie est considérée comme rare lorsqu’elle touche moins d’une personne sur 2 000. Près de 7 000 maladies recensées entrent dans cette catégorie.

72 % des maladies rares sont d’origine génétique et, dans la plupart des cas, ces pathologies se déclarent dès l’enfance. Pourtant, comme le rappelle Laurence Tiennot Herment, la présidente de l'AFM-Téléthon, “si les maladies sont rares, les malades sont nombreux". En France, on estime à 3 millions le nombre de personnes atteintes d’une maladie rare.

Alors que le gouvernement tarde à dévoiler son IVe plan national maladie rare, associations de malades et professionnels de santé alertent sur les priorités.

Poser un diagnostic : le nerf de la guerre

L’errance diagnostique des patients atteints de maladie rare dure en moyenne cinq ans. C’est le nerf de la guerre : pour avoir accès à un traitement, encore faut-il avoir été diagnostiqué. Parce qu’il existe des milliers de maladies rares, les professionnels de santé ne peuvent pas toutes les connaître.

L’objectif est de développer la culture du doute chez les médecins, en les poussant à se demander 'Et si c’était une maladie rare ?' lorsqu’ils font face à un patient dont ils ne comprennent pas les symptômes, pour qu’ils puissent ensuite orienter les malades vers des experts.

Dans l’Hexagone, il existe une vingtaine de centres experts dédiés aux maladies rares. Quatre sont implantés en Outre-mer : à La Réunion, en Guadeloupe, en Martinique et en Guyane. Mais si le maillage existe, les professionnels de santé et les patients n’en sont pas forcément conscients.

En Outre-mer, l'éloignement des malades

La problématique d’errance diagnostique est exacerbée en Outre-mer. "L’éloignement rend la situation plus difficile. On travaille énormément pour développer des synergies, pour pallier le manque d’infrastructures locales. L’objectif est d’accompagner les gens et de compenser un manque de ressources humaines en local, pour pouvoir apporter l’assistance nécessaire, par téléphone ou par email", explique Agnès Le Dréau, déléguée générale de Maladies Rares Info Service. La plateforme oriente patients et professionnels vers les interlocuteurs adaptés.

C’est important de tisser des liens. Outre-mer, on est éloigné territorialement et, en plus, quand on a une maladie rare, on se sent seul. Savoir qu’il y a d’autres personnes concernées, ça aide.

Agnès Le Dréau, déléguée générale de Maladies Rares Info Service.

"On aide ceux qui sont en situation d’errance, on essaye de les orienter vers les centres experts compétents le plus proche, en Outre-mer ou dans l'Hexagone. On répond à certaines questions sur les maladies. On peut aussi apporter des conseils juridiques", détaille Agnès Le Dréau.

Améliorer les chances de survies ou le quotidien des malades

Diagnostiquer rapidement améliore les chances de survie des malades. Il y a quelques mois, on vous racontait l’histoire d’Ibrahima, un petit garçon d’origine martiniquaise atteint d’amyotrophie spinale, sauvé grâce à la thérapie génique parce qu’il avait été dépisté assez tôt.

Ibrahima, deux ans et demi, a pu bénéficier d'un traitement révolutionnaire grâce aux dons du Téléthon.

Chaque année, une centaine de bébés naissent en France avec une forme plus ou moins grave de cette maladie, mais le système de dépistage néonatal n’est pas encore généralisé. "Ceux qui sont traités conservent des symptômes, ceux qui ne le sont pas sont envoyés à la mort, résume Christian Cottet, bénévole à l’AFM-Téléthon. La moitié de la population de bébés malades meurt alors que des traitements existent !"

Une situation incompréhensible pour les parents d’enfants souffrant de maladies rares. "J’ai perdu ma fille, mais je savais qu’on ne pouvait rien faire pour la sauver. Mais c’est inacceptable de perdre un enfant quand un traitement existe parce qu’il n’a pas été dépisté !", pointe Hélène Berrue Gaillard, la présidente de l'association Alliance Maladies Rares.

Développer des traitements

On ne dispose de traitements que pour 5 % des maladies rares. C’est peu, mais c’est bien mieux qu’il y a 25 ou 30 ans, notamment grâce aux fonds levés chaque année pendant le Téléthon. Certains médicaments candidats, jugés trop peu rentables, ne sont jamais développés. Pourtant, les stratégies innovantes initiées pour soigner des maladies rares peuvent à terme bénéficier à des malades souffrant de pathologie beaucoup plus fréquentes.

Le IIIe plan d’action de l’État consacré aux maladies rares a mis en place une base de données des situations d’impasses et d’errance diagnostiques. La base, alimentée par les médecins, permet d’identifier les cas où tout a été testé, pour ensuite orienter les patients vers un séquençage génétique. L’intelligence artificielle pourrait à l'avenir permettre d’exploiter plus efficacement ces données et de faire avancer la recherche.