"Bonjou tout moun ! An ka espéré zot bien." Sur ses vidéos TikTok, Dinh Nguyen, 47 ans, commence toujours par saluer ses 5.000 abonnés... en créole. Puis, selon ce qu'il a à raconter, il leur parle de tout et de rien : du passage du cyclone Tammy en Guadeloupe, de sa journée, de ses rencontres, de son boulot, de ses coups de gueule, de ses petites joies, de ses chansons. Dinh Nguyen est un ovni artistique, qui se présente à la fois comme influenceur, compositeur, interprète. Lui dirait plutôt "rêveur".
Né au Vietnam et petit dernier d'une famille de treize enfants, Dinh n'avait, à l'origine, aucun lien avec le créole, que l'on célèbre ce samedi 28 octobre. Après la guerre qui a frappé son pays d'origine entre 1955 et 1975, la mère de famille décide de fuir l'Asie et se retrouve en France. Le benjamin n'a alors que 2 ans.
Il grandit donc en France, où, plus grand, il rencontre une femme. Il décide de la suivre et d'aller s'installer avec elle en Guadeloupe. Mais l'adaptation à ce nouvel environnement et cette nouvelle culture est assez compliquée pour le jeune Vietnamien, alors âgé de 29 ans. "J'ai assez souffert d'être Asiatique en Guadeloupe", raconte-t-il. Ses premiers mois aux Antilles se font donc dans la douleur et la frustration pour ce grand mélancolique.
La 1ère l'a contacté à l'occasion de la Journée internationale de la langue et de la culture créole :
Trois cultures
Dinh Nguyen décide alors d'apprendre la langue locale, le créole, pour s'intégrer à la société guadeloupéenne. Il achète le livre Astuces et règles de base pour apprendre à lire et à écrire le créole (Ibis Rouge, 2005) de Benzo, qu'il ne quitte jamais, même lorsqu'il est derrière le comptoir de son commerce. Avec son créole basique, il amuse les Guadeloupéens, peu habitués à voir une personne asiatique parler leur langue.
Dinh, qui est resté dix ans en Guadeloupe, développe une troisième culture, après la vietnamienne et la française. Amoureux du créole, il décide même de se lancer dans la chanson, en reprenant les codes du zouk. Un bon moyen pour lui de célébrer sa multiculturalité et son attachement à cette île qui l'a enfin accepté.
En 2013, il trouve son nom d'artiste, Dinh VZ, pour "Vietzoukeur", et sort un titre Twa Kilti ("Trois cultures", en français), dans lequel il raconte sa triple identité "blanche, jaune et noire". Sa vidéo atteint presque 600.000 vues.
La langue, la musique, les vêtements – lorsqu'on l'appelle en visio, Dinh porte une chemise en motif madras jaune et verte... Dinh VZ a intégré tous les codes de la culture antillaise. Mais un jour, il quitte la Guadeloupe, attristé par une rupture amoureuse, et s'installe en Suisse. Pendant des années, il abandonne complètement sa "créolité". Il ne parle plus la langue, ne chante plus.
Jusqu'au mois de mars 2023, où, miraculeusement, le jour de son anniversaire, il décide de renouer avec cette culture qu'il aime tant. Du jour au lendemain, sur ses vidéos TikTok, où il avait pris l'habitude de raconter sa vie (en français), il se met à parler créole. À chanter créole. À manger créole.