Un magistrat comparaît à partir de mardi aux assises de Paris pour le viol d'une jeune femme après une soirée dans un bar de Mayotte en 2014, qu'il récuse en évoquant des actes "consentis" et une machination pour l'éloigner de certaines affaires de l'île.
Ouvert depuis huit ans, le dossier, qui est jugé à huis clos, oppose deux parties aux versions radicalement opposées de la nuit du 1er au 2 juillet 2014. Ce soir là, le juge d'instruction Hakim Karki se rend au Caribou, un restaurant prisé de Mamoudzou qui sert de repaire aux fonctionnaires de ce département français de l'océan Indien. Le magistrat, qui disait mener "une vie de moine", dans une relation à distance avec sa compagne avocate sur l'île de La Réunion, se retrouve à la table de deux jeunes femmes qu'il connaît de loin: une enseignante et professeur de danse, S., accompagnée d'une amie qui quittera la soirée plus tôt. Inquiète de trouver un taxi pour rentrer, il est convenu que le juge ramènera S. après le dîner.
Elle l'accuse de viol, il affirme qu'elle lui a "sauté dessus"
M. Karki a affirmé pendant l'enquête que la plaignante lui "a sauté dessus" sitôt dans la voiture pour une relation sexuelle sauvage en plusieurs temps et qu'il s'est laissé faire même si, a-t-il ajouté, ce n'était pas son "trip". L'enseignante a pour sa part assuré avoir été forcée durant le trajet à une fellation par une "technique" violente de maintien de la mâchoire et avoir ensuite suivi, en état de choc, le magistrat jusque chez lui pour tenter d'avoir des explications, avant d'y être de nouveau violée.
"J'étais sidérée", a-t-elle dit, avant de raconter qu'elle avait fini par demander à son agresseur présumé de la ramener chez elle. Le surlendemain, la jeune femme a poussé la porte du commissariat et dit d'emblée redouter les conséquences de sa plainte. "Ce n'est pas un citoyen lambda, je n'ai pas envie d'être broyée", a-t-elle déclaré lors de sa première audition.
Enquêtes sensibles
Brièvement incarcéré, le juge a été depuis placé sous contrôle judiciaire et suspendu de ses fonctions. Hakim Karki a d'abord répondu que son accusatrice était une "déséquilibrée" puis s'est déclaré possiblement victime d'une machination pour l'éloigner de l'île, où il instruisait des dossiers jugés sensibles dont une affaire gênante pour le groupe Lafarge, géant français du ciment.
Hakim Karki était aussi en charge de l'affaire "Roukia", du nom de cette jeune fille retrouvée morte d'une overdose sur une plage mahoraise en 2011. Le juge se penchait sur une possible implication de gendarmes et de policiers, suspectés d'avoir organisé l'importation illégale de drogue à Mayotte pour gonfler les chiffres de saisies et ainsi toucher des primes.
Le verdict du procès est attendu le 16 décembre.