Vanina Galais a 19 ans. Elle est en première année de médecine. Elle vit chez sa mère à Saint-Denis, le chef-lieu de La Réunion.
Le mercredi 2 mai 2018, Vanina délaisse ses livres de médecine pour se rendre dans un appartement qu’elle ne connaît pas, dans la commune de Sainte-Marie.
Le soir même vers 3h du matin, les militaires du GIGN découvrent son corps sans vie, lardé de 17 coups de couteau. Elle a été éviscérée.
Ce récit est difficile mais il est nécessaire pour comprendre les ressorts de ce féminicide, qui est l’un des plus marquants de ces dernières années à La Réunion. Le département détient en effet l’un des taux les plus élevés de France en matière de violences faites aux femmes.
Une scène d’une grande sauvagerie
Dans les jours suivant la mort de Vanina, les médias vont s’attarder sur l’inimaginable barbarie de la scène. Tous les détails sordides contrastent énormément avec le portrait de Vanina que l’on voit partout. Sur toutes les photos, une jeune fille souriante, à l’air candide avec des yeux en amande et les cheveux relevés en chignon.
Quand les gendarmes arrivent sur les lieux, ils découvrent une scène effroyable. La jeune femme a les mains attachées aux montants du lit. Elle a été éventrée avec un couteau. L’acharnement est tel que plusieurs coups de couteau semblent avoir été donnés après sa mort.
Le coupable s’appelle Ridaï-Mdallah Mari. Il a 29 ans et est originaire de Mayotte. L’homme souffre de troubles psychiatriques sévères et a déjà été condamné plusieurs fois pour agression et même pour viol. Vanina Galais n’a pas subi d’agression sexuelle.
Une relation ambigüe
Dans les premiers articles parus sur l’affaire, Ridaï-Mdallah Mari est présenté comme étant le compagnon de la victime. Mais ils n’étaient pas en couple. Ils s’étaient bien rencontrés 3 mois plus tôt à un arrêt de bus à Saint-Denis. Peut-être Vanina a-elle apprécié discuter avec ce Mahorais volubile de 10 ans son aîné. Ils auraient en effet échangé sur les civilisations africaines et sur l’esclavage. C’est la version que donnera Ridaï-Mdallah Mari au cours de l'enquête.Il aurait tenté de l’embrasser mais c’était trop tôt pour la jeune fille. Ridaï-Mdallah Mari dira aussi qu'il "rêvait d’avoir une fille réunionnaise".
Vanina et Ridaï-Mdallah Mari échangent des dizaines de message mais ce dialogue vire à "l’emprise numérique". C’est ce que relate la mère de Vanina, Noéline Férard, à la journaliste Lorraine de Foucher dans un article du Monde paru en 2019. (Noéline Férard est abondamment citée dans cet article consacré aux féminicides à La Réunion.)
Vanina l’appelait le Mahorais. Elle voulait me le présenter et me disait qu’il était gentil et qu’ils avaient des affinités. Mais Vanina était très marquée par les violences que, moi, j’ai subies de la part de son père et elle avait un rapport craintif et naïf, juvénile aux hommes.
Noélie FérardPropos recueillis par Lorraine de Foucher, le Monde, 30 août 2019
Un étrange comportement
Alors que Vanina est chez lui (on ignore pourquoi elle a accepté de s'y rendre), Ridaï-Mdallah Mari téléphone à la mère de celle-ci pour l'informer que sa fille va passer la nuit chez lui. La mère de Vanina n’y comprend rien : Vanina ne découche jamais. Quand elle veut parler à sa fille, il lui répond que Vanina n’en a pas envie. Ridaï-Mdallah Mari tient aussi des propos que Noéline juge délirants.
Affolée, elle appelle les gendarmes et leur fait part de son inquiétude. Elle donne l’adresse et le téléphone de Ridaï-Mdallah Mari. Les gendarmes rappellent la mère après avoir téléphoné au jeune homme et lui disent qu'il n'y a pas lieu de s’inquiéter. Pour eux, il s’agit d’un simple flirt entre les deux jeunes gens.
Ils n’ont vraiment pas pris la mesure du danger. Quand ils reçoivent plus tard dans la nuit des appels des voisins qui se plaignent d’entendre des cris, ils rappellent la mère de Vanina pour avoir des précisions.
Et à l’aube, ils se rendront chez Noéline pour lui annoncer la mort de sa fille...
Noéline portera plainte contre la gendarmerie, convaincue que les gendarmes auraient pu sauver sa fille. Sa plainte sera classée sans suite !
La question de l’état psychique du meurtrier
Tout au long de l’enquête, Ridaï-Mdallah Mari répétera que Vanina était le diable. Peut-il être tenu responsable de ses actes ? Après plusieurs examens psychiatriques, la justice va finalement le reconnaître apte à être jugé. Ridaï-Mdallah Mari sera renvoyé devant une cour d’assises.
Dans son cas, tout porte à croire que ses troubles psychiques ne sont pas étrangers à son geste. Mais son état psychique ne saurait tout expliquer.
Celui qui a été surnommé "Le bourreau de la Convenance" (en référence à son quartier) va être condamné à la réclusion criminelle à perpétuité avec une peine de sureté de 20 ans. Ridaï-Mdallah Mari fera appel de sa condamnation espérant une peine plus clémente. À l’issue de 4 jours de procès au mois de mai 2023, il est condamné en appel à la perpétuité reconnu coupable de l’assassinat de Vanina Galais. Sa peine est au final plus importante qu’en première instance, car elle est assortie d’une période de sûreté encore plus longue (22 ans au lieu des 20 prévus initialement).
Un féminicide des "plus classiques"
Ridaï-Mdallah Mari était convaincu que Vanina l’avait trompé. De nombreux SMS en attestent. Vanina dans ces échanges ne semble absolument pas comprendre à quoi il fait allusion ; ils n’ont jamais vraiment formé un couple. Il se sentait blessé qu’elle ne veuille pas de lui. Il dira d’ailleurs aux gendarmes : "Je viens de tuer ma copine parce qu’elle m’a trahi."
Tous les ingrédients sont réunis pour un crime sexiste. Des déclencheurs récurrents des féminicides comme l’analyse la journaliste Lorraine de Foucher dans son article, paru dans le Monde du 30 août 2019.
Intention de séparation de la femme et suspicion d’infidélité potentielle : ce sont là les déclencheurs récurrents des féminicides, de ce crime de propriété, où les auteurs préfèrent tuer leurs victimes plutôt que de les perdre. La brièveté de la relation de Mari Ridai Mdallah et de Vanina n’empêche pas d’y retrouver tous les points de convergence de ces meurtres : l’homme souffre d’une perception dégradée de la femme qu’il pense posséder, n’arrive pas à gérer l’émotion générée par la perte, et elle en face n’est pas en mesure, du fait de ses fragilités passées, de pouvoir contrer les logiques d’emprise, et de se défendre.
Lorraine de Foucher« Papa, il a tué maman, Gilles et lui » : enquête sur cinq féminicides à La Réunion, Le Monde, 30 août 2019
Les combats d’une mère
Pour lutter contre ces phénomènes d’emprise, la mère de Vanina va créer le collectif Vanina Galais Férard. Elle sillonne l’île pour sensibiliser les Réunionnais.e.s à la lutte contre les féminicides en les réunissant autour de cercles de parole.
Ces 15 dernières années, plus de 50 femmes ont été victimes de féminicides à La Réunion.
Elle contribue aussi à faire publier en 2021, un livre sur les femmes qui ont compté à La Réunion, édité par ARS terres créoles, "Une île, cent femmes". Cet ouvrage compile des portraits de femmes réunionnaises. Le centième portrait est consacré à Vanina et est intitulé "Vanina Galais, féminicide contemporain". C'est une photo de la jeune femme qui figure sur la couverture du livre.
Noéline ne s’arrête pas là : le 25 novembre 2021, elle annonce la création de "l’école Vanina" à l’occasion de la journée de lutte contre les violences faites aux femmes, une association qui va perpétrer les cercles de parole.
Ma priorité est de poursuivre la vision humaniste de Vanina. Nous avons vécu des siècles d’atrocités à La Réunion. Aujourd’hui des femmes sont toujours massacrées, c’est donc une cause que je mettrai en avant.
Noéline Férard
La mère de Vanina fait référence à la violence héritée de l’esclavage. Cette violence a des conséquences jusqu’à aujourd’hui. De nombreux travaux en psychologie et en anthropologie le démontrent. C’est sans doute l’un des facteurs qui explique que La Réunion figure parmi les départements français où les violences conjugales sont les plus nombreuses.
Archipels du crime est une production originale d'Initial Studio avec la participation de France Télévisions.
Recherches et écriture : Léia  Santacroce
Réalisation, montage et mixage : Karen Beun et Samuel Hirsch. 
Musique : Samuel Hirsch.
Production et la direction éditoriale : Elisa Mignot
Production déléguée : Marc Sillam
Direction éditoriale pour Outre-mer la 1ère : Patrice Élie Dit Cosaque.
Et c’est la voix de Rebecca Chaillon qui vous a raconté cette histoire.