L’aspartame classé cancérogène possible, les Outre-mer concernés ?

Des édulcorants (image d'illustration).
L’Organisation mondiale de la santé (OMS) classe depuis ce 14 juillet 2023 l’aspartame comme cancérogène possible. Cet édulcorant est utilisé notamment dans les sodas. Or il y a 10 ans, les boissons de ce type étaient plus sucrées dans les Outre-mer que dans l’Hexagone. La situation semble s’être améliorée aujourd’hui, mais des contradictions existent.

Boissons gazeuses, yaourts et fromages "minceur", chocolats et confiseries... L'aspartame, cet édulcorant au pouvoir sucrant utilisé dans de nombreux produits, est désormais classé comme cancérogène possible.

C'est ce qu'a annoncé ce vendredi 14 juillet le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC). Il s'agit de l'agence de l'Organisation mondiale de la santé (OMS) chargée d'inventorier les causes de cancer. Dans la classe des agents peut-être cancérogènes pour l'homme, l'aspartame rejoint ainsi des produits aussi différents que l'essence, la naphtaline ou le chlordécone...

Les consommateurs qui vivent dans les départements et régions d'Outre-mer sont particulièrement concernés. Il avait en effet été observé que certains produits alimentaires "affichaient une teneur en sucre supérieure à celle des mêmes produits de mêmes marques vendus dans l’Hexagone", parfois de + 45%, selon un rapport du parlementaire guadeloupéen Victorin Lurel en 2011. Du sucre pouvant bien sûr être de l'aspartame, comme dans les sodas dits "light". 

S'en était suivie une loi promulguée en 2013 dite "loi Lurel", imposant que les aliments vendus dans les Outre-mer ne devaient pas contenir une teneur en sucres ajoutés supérieure au maximum observé en France hexagonale.

"Certaines marques ne jouent pas le jeu"

Six ans plus tard, en décembre 2019, un rapport parlementaire signé par les Martiniquais Maud Petit et Jean-Philippe Nilor faisait un premier point sur les effets de cette loi. "Selon les industriels que la mission d’information a rencontrés en Polynésie, la loi Lurel serait globalement respectée", indiquait dans un premier temps les députés.

Ils n'hésitaient cependant pas à émettre plusieurs réserves et critiques, comme le fait que "la loi Lurel ne s’intéresse qu’aux produits que l’on trouve à la fois dans l’Hexagone et Outre-mer. Les yaourts ou jus de fruits fabriqués localement peuvent incorporer autant de sucre que les industriels le souhaitent, car la loi est muette sur ce point."

Surtout, selon les conclusions du rapport, "il semblerait que certaines marques ne jouent pas le jeu et continuent à proposer des produits aux teneurs en sucre différenciées". Les parlementaires se basaient ici sur une étude achevée fin 2019 de l’Institut de recherche pour le développement (IRD) qui "a mis en évidence une teneur en sucre moyenne de 7 g/100ml dans l’Hexagone contre 8,9 g/100ml en Martinique et en Guadeloupe".

Pour arriver à ces résultats, les chercheurs de l'IRD se sont basés sur des études réalisées entre 2000 et 2017, soit avant et après la loi Lurel, et ne disposaient pas "de bilan systématique à ce jour dans l’ensemble des DROM permettant d’évaluer l’impact de cette loi".

Loi Lurel "respectée" ? 

Faire un bilan de la loi Lurel ou plutôt de son application, c'est ce qu'a voulu faire le ministre de l'Économie Bruno Le Maire. La DGCCRF (Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes) a ouvert une enquête début 2020 pour vérifier que les industriels de l'agro-alimentaire respectaient bien cette loi.

Après une polémique liée au retard de publication du rapport, les conclusions sont finalement sorties fin octobre 2021 : "Les résultats montrent que ce dispositif est connu des professionnels et qu’il est globalement bien respecté."

À noter que la DGCCRF indique avoir contrôlé 28 établissements répartis sur la Martinique, la Guadeloupe, la Guyane, Mayotte et La Réunion. Mais l'on ignore de quel type d'établissements il s'agit, et si c'est un échantillon représentatif ou non.

Surtout, si l'on en croit cette enquête de la rédaction de France 2 diffusée en octobre 2021 soit au même moment que les conclusions de la répression des fraudes, sur les mêmes références de yaourts, la teneur en sucre est supérieure en Guadeloupe par rapport à l'Hexagone. Pire, selon un rapport de la direction générale des Outre-mer jamais publié, depuis 2013 "l'application de cette loi n'apparaît pas effective", comme le montre la vidéo ci-dessous.

9 à 14 canettes par jour

En plus de la loi Lurel, de nouvelles réglementations vont-elles s'imposer avec cette alerte de l'OMS sur l'aspartame ? Difficile à dire car les préconisations sont loin d'être claires.

La dose journalière maximale est actuellement de 40 mg d'aspartame par kg de poids. Cela signifie qu'une personne de 70 kg peut consommer entre 9 et 14 canettes d'un soda courant par jour. Ce seuil est fixé par un comité d’experts des additifs alimentaires (JECFA), administré conjointement par l’Agence des Nations unies pour l’agriculture et l’alimentation (FAO) et l’OMS.

Le comité d'experts ne demande pas aux industriels de retirer leurs produits ni aux autorités de réviser le seuil maximal. Or, il est recommandé dans le même temps, notamment aux grands consommateurs, de réduire leur absorption d’aspartame.

Par ailleurs, une étude de l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) de 2022 a pointé un lien statistique entre consommation d'édulcorant et augmentation du risque de cancer du foie, et cela à partir de doses beaucoup plus faibles que celles qui sont actuellement recommandées.