Si le terme 'métropole' a été banni de notre site Outre-mer la 1ère et substitué par 'Hexagone', ce n’est pas encore le cas dans les textes publics, par exemple les rapports de l’Insee qui évoque la 'France métropolitaine'.
Dans son projet de loi sur la programmation militaire, le gouvernement utilisait aussi ce mot dans la phrase suivante : "une défense de notre métropole et de nos outre‑mer (sic) qui repose sur la dissuasion nucléaire".
Cette phrase a suscité quelques réactions lors de l’examen du texte ce mercredi soir, dans les rangs clairsemés de l’Assemblée nationale. Soutenus dans l’Hémicycle par Emmanuel Fernandes, député Nupes du Bas-Rhin, et Fabien Roussel, élu du Nord, le Guadeloupéen Olivier Serva a déposé un amendement pour que la formulation soit modifiée.
"On n’avait pas conscience"
Contacté par téléphone, il nous explique sa démarche : "Lorsque nous regardons le Petit Robert, nous constatons que ‘métropole’ fait référence à un territoire qui est considéré par rapport à ses colonies. Or, ça ne vous a pas échappé qu’en principe, les départements d’Outre-mer ne sont plus des colonies depuis des décennies."
Il était donc logique pour le député de "faire respecter au plus haut niveau de la représentation nationale" le sens de l’Histoire en rayant ce terme anachronique d’un texte de loi.
"Beaucoup de collègues députés m’ont remercié en me disant : ‘On n’avait pas conscience que ‘métropole’ était si connotée, si chargée en termes de sémantique coloniale'", poursuit-il.
"Décoloniser les mentalités"
Tous ceux présents à l’Assemblée ce mardi soir ont donc voté en faveur du changement du mot ‘métropole’ par ‘Hexagone’, "un terme neutre géométrique" d’après Olivier Serva qui est ouvert à la discussion pour "trouver d’autres termes" et modifier aussi la dénomination Outre-mer : "On pourrait parler de la France océan, de la France archipel".
"C’est une belle avancée, se réjouit-il. Je crois que c’est pas à pas que nous allons décoloniser les mots donc décoloniser les actes et donc décoloniser les mentalités." Dans le communiqué ci-dessous, il insiste d'ailleurs sur ce point :
Ce n’était pas la première fois que ce débat sémantique avait lieu dans l’Hémicycle. En avril 2021, dans le cadre du projet de loi sur le Climat, un amendement du même type avait été déposé mais rejeté à une voix près, sous prétexte que "la Corse serait alors considérée comme indépendante du vieux continent".
En mai 2021, une proposition de loi a aussi été présentée pour que le mot ‘métropole’ soit remplacé par l’expression ‘France hexagonale’ dans la Constitution.
Charge émotionnelle
Cette décision politique ne concerne en effet pour l’instant que le projet de loi de programmation militaire, qui doit par ailleurs être examiné dans un deuxième temps au Sénat. Mais l’élu guadeloupéen espère bien changer les mentalités : "Nous serons maintenant de plus en plus intransigeants dans l’utilisation du terme 'métropole' parce que nul n’est censé ignorer la loi".
Il reconnaît cependant que "les habitudes ont la peau dure", et que "certains ne sont pas encore tout à fait conscients de cette charge émotionnelle et sémantique que représente ‘métropole’". Et d’ajouter : "Je crois qu’il faudra remettre l’ouvrage sur le métier et le leur rappeler au fur et à mesure."
Cette avancée était en tout cas importante pour lui car symbolique : ce changement de vocabulaire a été voté le 23 mai 2023, jour de commémoration des victimes de l’esclavage colonial.