🎧 L'incroyable parcours de Teddy Valcy, le braqueur antillais multiréciviste soupçonné de terrorisme

Il est 6h du matin ce 18 mai 2010 quand des policiers cueillent Teddy Valcy chez lui, en Seine-Saint-Denis. Son arrestation fait partie d'un grand coup de filet. Au même moment, 13 autres individus (dont Chérif Kouachi et Amedy Coulibaly, futurs terroristes des attentats de janvier 2015) sont, eux aussi, arrêtés. 
Chez Teddy Valcy, les forces de l'ordre trouveront une kalachnikov mais aussi des fumigènes, de la corde, des brassards de police… Ainsi que des livres au titre sans équivoque comme Dans l'ombre de Ben Laden ou Al-Qaida, manuel pratique du terroriste.

Le braqueur d'origine guadeloupéenne est soupçonné de préparer l'évasion de plusieurs figures de l'islamisme radical qui s'apprêteraient à commettre un acte terroriste. Malgré les apparences, Teddy Valcy trempe-t-il vraiment dans un projet d'attentat ?
Les juges finiront par reconnaître que non, mais à partir de ce jour de mai 2010 où il est arrêté, il va être traité comme un terroriste en puissance.

Le parcours de Teddy Valcy

Teddy naît le 16 décembre 1977, à Paris, de parents guadeloupéens. Alors qu'il est encore enfant, sa famille part s'installer en Guadeloupe.

Il aurait sans doute quitté le foyer familial à l’adolescence. Ce qui est sûr, c'est qu'il commet rapidement des petits larcins ici et là. Une première peine tombe en 1994. Il prend un an de prison devant le tribunal pour enfants de Pointe-à-Pitre pour des faits de vol et de dégradation.

Teddy Valcy va beaucoup fréquenter les tribunaux et la prison de Baie-Mahault, la plupart du temps pour des braquages. Ainsi que pour deux tentatives d'évasion. Dans la plus spectaculaire en septembre 2000, il parvient à s'enfuir du tribunal de Pointe-à-Pitre lors d'un procès.

En juin 2002, il écope d'une longue peine de 10 ans. Il est transféré dans l'Hexagone.

Un détenu particulièrement signalé

Teddy Valcy va alors croiser la route de criminels au passé terroriste et être surveillé de près.

Il rencontre Smaïn Aït Ali Belkacem à la maison centrale de Saint Maur en 2002. L'Algérien a été reconnu coupable d'avoir participé à la vague d'attentats de 1995 à Paris, en tant qu'artificier du Groupe islamique armé. L'homme a été condamné à la perpétuité. À l’époque Belkacem serait parvenu à faire doubler la pratique du culte musulman dans son bâtiment. Valcy va se convertir à l'islam, mais il restera très flou sur les raisons qui l'y ont conduit. Et il se défendra toujours de pratiquer un islamisme radical.

Le Guadeloupéen va également rencontrer Djamel Beghal. Cet autre Algérien a, lui, été condamné pour un projet d'attentat contre l'ambassade américaine à Paris en 2001. Beghal est connu pour être passé par des camps d'entraînement proches d'Al-Qaïda, en Afghanistan.

Aux yeux de l'administration pénitentiaire, le profil de Teddy Valcy glisse progressivement de délinquant multirécidiviste à celui d'islamiste en puissance. Il sera signalé pour “pratique rigoriste de l'islam”.

En liberté surveillée

Fin 2009, il a fini de purger sa peine, et une fois dehors, il reprend ses activités de "braqueur, trafiquant de drogue".

Mais entre janvier et mai 2010, Teddy Valcy entretient des liens jugés suspects avec Smaïn Aït Ali Belkacem, encore emprisonné et Djamel Beghal, qui lui, est en liberté surveillée. Valcy se verra aussi reprocher des contacts avec un prisonnier de droit commun nommé Fouad Bassim. Ainsi qu’avec un autre délinquant : un certain Amedy Coulibaly (qui n'est pas encore le meurtrier de la policière martiniquaise Clarissa Jean-Philippe ni l'auteur de la sanglante prise d'otages de l'Hyper Cacher).

Valcy est très surveillé. La SDAT (sous-direction antiterroriste de la police judiciaire), en vient à penser que Belkacem, depuis sa cellule, est en train d'orchestrer son évasion et celle de Beghal (toujours en liberté surveillée) en vue de préparer d’autres attentats. Teddy Valcy est à nouveau interpellé le18 mai 2010.

Une rencontre déterminante 

Dans l'attente du procès, Teddy Valcy fait une rencontre déterminante : celle de Maître Arneton, son avocat commis d'office. La première bataille de celui-ci va consister à faire sortir son client de l'isolement, auquel Valcy est systématiquement soumis, car il est considéré comme dangereux.

Au bout d'un an et demi, Maître Arneton décide d'attaquer le garde des Sceaux de l'époque, Michel Mercier, devant la Cour de Justice de la République. L'affaire est médiatisée, l'avocat dénonce un régime de "Guantanamo à la française". La plainte sera classée sans suite, mais Valcy et Arneton parviennent à leurs fins : l'isolement est levé.

Pour l'avocat, l'enjeu du procès qui débute à l'automne 2013 est de parvenir à démontrer que son client n'est pas un terroriste, mais un "simple bandit". Il n'a jamais caché les intentions délictueuses de Teddy Valcy, mais s'est toujours battu pour qu'on ne le mette pas dans le même panier que Smaïn Aït Ali Belkacem, Djamel Beghal ou Chérif Kouachi.

Teddy Valcy, malgré de nombreux échanges avec les deux Algériens, n'est finalement poursuivi "que" pour vol, recel, et simple "association de malfaiteurs", sans connotation terroriste.

Quant à ses conversations avec Beghal ou Belkacem, il sera finalement établi que Teddy Valcy préparait bien une évasion, mais pas la leur. Il préparait plutôt celle de Fouad Bassim, pour qu’ils commettent ensemble d'autres casses. Les islamistes Beghal et Belkacem auraient eu vent du projet et auraient tenté de s'y greffer.

Teddy Valcy prend neuf ans. Fouad Bassim est condamné à huit ans de prison. Les Algériens Djamel Beghal dix ans et Smaïn Aït Ali Belkacem douze ans. Tous sont relaxés des faits de terrorisme. Amedy Coulibaly, qui est une "petite main" dans l'histoire, écope de 5 ans. Il pourra sortir dès 2014, avec les conséquences glaçantes que l’on sait.

De nouveau à l'isolement

Après les attentats, ses conditions de détention vont se durcir car l'administration pénitentiaire a noté : "qu’au décès des trois terroristes (les deux frères Kouachi et Amedy Coulibaly) il se serait montré abattu moralement". Il est décidé de le maintenir à l’écart des autres détenus. Teddy Valcy va de nouveau connaître l'isolement par intermittence.

En juillet 2015, jugé en appel pour une toute autre affaire de trafic d'armes, il prend quatre ans : une peine deux fois plus importante qu'en première instance. Son avocat, Eddy Arneton, est convaincu que son client paye pour bien d’autres choses : son physique imposant, la désinvolture dont il fait preuve parfois, mais, surtout, pour ses liens passés avec Kouachi et Coulibaly. L’avocat dit que c'est une "trace indélébile" dans son dossier.

Fin de peine ?

Pendant plusieurs années, Valcy ne va plus solliciter son avocat. Sa sortie se profile en mars 2021. Il a alors 43 ans. Il a purgé ses peines mais dehors, il ne va pas être tout à fait libre.

Il va faire l’objet d’une MICAS (mesure individuelle de contrôle administratif et de surveillance). Ce genre de contrôle judiciaire a été mis en place après les attentats de 2015 et il a été pérennisé.

Teddy Valcy sort de prison le 1^er mars 2021 et est censé pointer dès le lendemain matin dans un commissariat de région parisienne, à 800 km de son lieu de détention ce qui est logistiquement impossible !

Il prévient son avocat qui, immédiatement, écrit au commissariat concerné et au ministre de l'Intérieur, Gérald Darmanin. Peine perdue. Il est à nouveau arrêté au lendemain de sa sortie et condamné à un an de prison.

L'histoire semble se répéter. Quand Teddy Valcy sort en 2022, il retombe sous le coup d'une MICAS, qu'il ne peut une nouvelle fois pas tenir. Mais cette fois-ci le tribunal refusera de le condamner.

Teddy Valcy semble s'être évaporé. Il y a bien son profil Facebook qui pourrait laisser penser qu'il s'intéresse davantage aux bijoux et aux montres de luxe qu'à l'islam radical, mais il n'est plus mis à jour depuis un moment.

Retrouvez ici les autres épisodes d'Archipels du crime, consacrés aux grands faits divers qui ont marqué les Outre-mer.

Teddy Valcy, le braqueur antillais soupçonné de terrorisme, un podcast écrit par Léia Santacroce et raconté par Rébecca Chaillon.

Recherche et écriture : Léia Santacroce
Réalisation, montage et mixage : Karen Beun et Samuel Hirsch
Musique et sound-design : Samuel Hirsch
Production et direction éditoriale : Elisa Mignot
Production déléguée : Marc Sillam
Conseiller éditorial Outre-mer la 1ère : Patrice Elie-dit-Cosaque
Production originale : Initial Studio avec la participation de France Télévisions
Durée 24 min - 2023