L’opération Wuambushu ("reprise", en mahorais) n’a toujours pas été confirmée officiellement par le gouvernement, mais elle fait couler beaucoup d’encre. On peut désormais distinguer deux clans, qui se manifestent à coup de communiqués de presse et de lettres adressées au gouvernement.
Le dernier communiqué en date est celui du député LR Mansour Kamardine. "Je veux que cette opération aille jusqu’au bout, car au final, c’est la paix civile qui est en jeu", écrit-il dans un communiqué paru ce mardi et décrypté par Mayotte la 1ère.
Même message du côté de la députée mahoraise LIOT Estelle Youssouffa qui déclare dans une vidéo Facebook que cette opération est "notre dernière chance de rétablir l’ordre et la sécurité. On ne recule pas, on tient bon, on ne baisse pas la tête, on ne plie pas !"
Les deux parlementaires partagent ainsi la prise de position de cinq collectifs mahorais qui ont co-signé une lettre adressée au ministre de l’Intérieur et des Outre-mer ce lundi 10 avril. Les deux collectifs des citoyens de Mayotte, le collectif Ré-MaA, les Femmes leaders, et le Codim (comité de défense des intérêts de Mayotte) demandent la poursuite de l’opération Wuambushu.
Collectifs locaux et députés s'en prennent notamment aux associations "pseudo-humanitaires" qui réclament l'abandon de l'opération Wuambushu. Alors que Mansour Kamardine les décrit comme "artificiers du chaos qui s’émeuvent que l’État engage une reprise en main", Estelle Youssouffa parle quant à elle de "bobos gauchos", "chevaliers blancs" qui viennent "chercher leurs primes à Mayotte et ne pensent pas à la douleur des Mahoraises et des Mahorais".
Les Comores demandent à la France "d'y renoncer"
L'opération conçue par le ministre de l'Intérieur et des Outre-mer Gérald Darmanin a été validée en février par le président français Emmanuel Macron, selon une source proche du dossier, pour lutter contre une délinquance galopante sur fond de crise migratoire à Mayotte. Elle devrait commencer le 20 ou 21 avril, date de la fin du ramadan. Les migrants habitants les bidonvilles visés sont tous ou presque originaire des Comores.
La présidence de cet archipel a d'ailleurs réagi ce lundi 10 avril. "Le gouvernement comorien a appris avec étonnement la nouvelle du maintien du projet du gouvernement français (...) visant à procéder, dans l'île comorienne de Mayotte, à la destruction de bidonvilles, suivies de l'expulsion de tous leurs occupants sans-papiers, vers l'île d'Anjouan", indique un communiqué publié ce lundi 10 avril.
Les Comores demandent aux autorités françaises "d'y renoncer". Malgré les nombreux appels de la société civile et des partis politiques comoriens, le président Azali Assoumani ne s'était pour l'instant pas exprimé sur cette action. Pour rappel, les autorités comoriennes ne reconnaissent pas Mayotte comme département français mais comme faisant partie de leur territoire.
"Massacre à venir"
Les Comores se mettent ainsi du côté d'associations et d'organismes humanitaires. Le 5 avril, des organisations de la société civile comorienne ont tenu une conférence de presse pour prévenir d'un "massacre à venir". "Nous comptons saisir les organisations internationales pour les informer du massacre que la France veut perpétrer sur l'île comorienne de Mayotte" avait réagi Youssouf Attick Ismael, le président du Comité Maore (Maore veut dire Mayotte en langue nationale).
Le 31 mars dernier, c'est l'Unicef, le Fonds des Nations Unies pour l'enfance, qui demandait à l'État français de renoncer à l'opération Wuambushu. Dans un document de cinq pages, il s’inquiète "de l'impact que cette opération d'envergure risque d'avoir sur la réalisation des droits des enfants les plus vulnérables présents sur le territoire, notamment des mineurs étrangers et des mineurs en conflit avec la loi."
L’Unicef redoute que l'augmentation du nombre d'interpellations lors de l'opération "implique mécaniquement une augmentation du taux d'erreurs dans la procédure d'éloignement". Ce qui pourrait entraîner un nombre plus important d'enfants isolés à Mayotte.
Le fonds suit ainsi le sillon de la Commission nationale consultative des Droits de l'Homme (CNDH) qui avait également écrit à M. Darmanin le 17 mars dernier pour l'exhorter à "renoncer" à ce projet, considérant notamment le risque d'"atteinte au respect des droits fondamentaux des personnes étrangères dans le cadre d'expulsions massives".
Malgré les interpellations des uns et des autres, le gouvernement français n’a toujours pas réagi de manière officielle. Cependant, la préparation de l’opération Wuambushu se poursuit discrètement.