"L’utilisation du glyphosate a favorisé l’exportation en grande quantité du chlordécone" (Pierre Sabatier, chercheur et géologue)

Une étude publiée dans la revue "Environmental Science and Technology" révèle que l’utilisation du glyphosate comme herbicide dans les cultures en Guadeloupe et en Martinique a favorisé l’érosion des sols et libéré des molécules de chlordécone dans la nature.

Le chlordécone, destiné à combattre le charançon du bananier, n’est plus répandu dans les sols de Guadeloupe et de Martinique depuis 1993, mais il continue de polluer l’environnement des Antilles. Ce pesticide reconnu toxique pour la santé humaine et tenu pour responsable du très grand nombre de cancers de la prostate aux Antilles refait surface avec l’utilisation de l’herbicide glyphosate. Une étude publiée le 28 janvier dans Environmental Science & Technology démontre que le désherbage favorise l’érosion des sols et libère le chlordécone. 

De la Savoie aux Antilles 

Dans une étude précédente publiée en 2014, cette équipe de chercheurs avait pu mesurer dans les sédiments d’un lac de Savoie, bordé par des vignes, une résurgence du DDT, un puissant insecticide, pourtant interdit depuis les années 70. Ils ont attribué l’origine de cette remobilisation à l’utilisation du glyphosate qui, en détruisant les herbes entre les ceps, a favorisé l’érosion des sols. Les chercheurs se sont alors demandés si le même phénomène pouvait se produire sous d’autres climats, dans d’autres contextes agricoles, et notamment aux Antilles avec l’utilisation du chlordécone.

Les scientifiques ont mené leur étude sur deux sites, le premier dans une zone du croissant bananier en Guadeloupe (bassin de la rivière Pérou), le deuxième dans les zones arrosées par la rivière du Galion en Martinique.

Les recherches se sont concentrées sur “la zone critique”, cette couche qui va de la canopée des arbres aux nappes phréatiques, siège principal de l’interaction du vivant, et par ailleurs, zone contact des pollutions liées à l’activité humaine. Les chercheurs ont d'abord prélevé des échantillons de sédiments, appelés “carotte de sédiment”, du milieu marin proche de l’embouchure des cours d’eau des zones étudiées et ils ont ensuite déterminé leurs provenances, leurs chronologies (leurs âges) et enfin leurs teneurs en pesticides. 

Regardez le reportage d'Outre-mer la 1ère :

Le glyphosate favorise l'émergence du chlordécone

Cette méthode a pu démontrer que la teneur en chlordécone des échantillons remonte très fortement à partir des années 2000, jusqu’à atteindre des taux dix fois supérieurs aux concentrations datant de l’époque où l’usage de cette molécule toxique était autorisée.

Les chercheurs ont dès lors fait le lien avec l’arrivée du glyphosate dans les cultures. Cet herbicide, très toxique, était vendu bien avant 2000, mais son usage s’est généralisé à partir de 1997 aux Antilles du fait notamment de la baisse de son coût. Le désherbage au glyphosate détruirait les racines et favoriserait l’érosion des sols lors des pluies ainsi que la remise en circulation du chlordécone dans la nature.

"À partir du moment où l’on utilise du glyphosate sur les domaines agricoles comme les bananeraies, on procède à une plus forte érosion de ces sols et comme ces sols contiennent du chlordécone, ces particules de sol sont exportées dans l’environnement, les cours d’eau et jusqu’à la mer. De ce fait, elles exportent du chlordécone en grande quantité à partir du moment où l’on favorise l’érosion par le glyphosate", indique le chercheur et géologue Pierre Sabatier, interviewé par Outre-mer la 1ère. 

Pierre Sabatier, géologue, chercheur au laboratoire Edytem de l’Université Savoie Mont Blanc et co-auteur de l’étude explique les conséquences de cette érosion au micro de Tessa Grauman : 

Pierre Sabatier, géologue et chercheur

 

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