Il est 10 heures. Les cloches sonnent. La cathédrale Notre-Dame de Créteil, qui ne ressemble à nulle autre cathédrale, ouvre ses portes. Les fidèles viennent s'installer sur les bancs de l'édifice, dont les courbures font penser à une immense arche renversée. La musique qui annonce le début de la messe est lancée. Une procession de jeunes accompagnant le curé fait son entrée. À l'avant, un homme tenant une grande croix est suivi d'enfants. Ce servant d'autel s'appelle Samuel, il a 28 ans. Sur sa tunique d'église blanche, il porte une grande écharpe rouge, bleu et jaune. C'est du madras, ce tissu typique des Antilles. Sa sœur, Rebecca, qui a 25 ans, arbore le même habit. Tous les deux sont nés à Créteil, mais ont déjà vécu une petite période de leur vie en Guadeloupe, d'où sont originaires leurs parents. Porter du madras à l'église "montre que, même si on est loin de nos départements, on n'oublie pas d'où on vient", disent-ils.
À l'image de Samuel et Rebecca, nombreux sont les Antillais et Guyanais à être présents à la cathédrale ce dimanche. Le multiculturalisme de Créteil, où près de 10 % de la population est originaire des Outre-mer, se retrouve dans l'exercice du culte. Les métropolitains, de moins en moins nombreux à pratiquer la religion assidument, se mélangent aux Français d'Outre-mer et aux Africains. En plus des écharpes en madras, certains enfants arborent, eux, du wax, en référence à leurs origines africaines.
Une messe animée
Dans l'assemblée, un couple de Martiniquais septuagénaires, masques chirurgicaux sur le nez, racontent vivre dans l'Hexagone depuis plus de 40 ans. La femme était aide-soignante. L'homme maçon, avant de devenir cuisinier à Créteil. Un peu plus loin, une dame de 63 ans, très timide, parle tout bas. Elle explique être originaire de Guyane, et vit, elle aussi, à Créteil depuis une quarantaine d'années. "Cet endroit, c'est un endroit de paix, de sérénité", dit-elle en montrant la cathédrale.
Ce jour-là, la messe est spéciale. Elle est animée par les jeunes chrétiens, qui préparent leur voyage aux Journées mondiales de la Jeunesse (JMJ), grand rassemblement de la jeunesse catholique, qui aura lieu au Portugal au mois d'août. Ils ont donc voulu proposer une célébration plus enjouée, dansante, moins traditionnelle. Ce qui n'est pas pour déplaire aux Antillo-Guyanais, plus habitués aux services joyeux en Martinique et en Guadeloupe. Dans la cathédrale Notre-Dame de Créteil, ils osent même le pas de danse au moment où les jeunes chantent une version très musicale de Comment ne pas Te louer. "Les messes chez nous [aux Antilles] sont très festives", dit Arsène, qui reconnaît que les dimanches sont généralement plus calmes, ici, à Créteil. Exception faite pour aujourd'hui.
Le curé de la cathédrale, père Stéphane, se réjouit de l'engouement de ses fidèles. Selon lui, la communauté antillo-guyanaise permet de vivre la foi d'une autre manière : "Elle apporte un style. Ces personnes sont très fidèles, très joyeuses. Elles ont une certaine manière de prier."
Il y a beaucoup [d'Antillais, de Guyanais] qui ont un travail difficile. Il y a des aides soignantes, des infirmières... Je pense que la foi, pour elles, c'est une grande ressource.
Père Stéphane, curé de la cathédrale Notre-Dame de Créteil
Repas solidaire
Les Antillais et Guyanais jouent un rôle important dans le fonctionnement de la paroisse. À Créteil, Sonia Servan, née à Fort-de-France en Martinique, court de tous les côtés. À 58 ans, cette dame élégante aux cheveux gris est à la tête de la commission Antilles-Guyane de la paroisse ainsi que de la Solidarité. C'est elle qui organise et coordonne les évènements liés à la communauté ultramarine du Val-de-Marne, mais aussi d'Île-de-France, plus généralement. Au sein de la paroisse, elle a retrouvé une attache à son île, elle qui vit à Créteil depuis 2014. "On se retrouve le dimanche. On échange. Ça nous permet de garder un lien."
Après avoir assisté (et dansé) à la messe, Sonia s'éclipse discrètement pour aller dans une salle adjacente à la cathédrale. Ce dimanche-là, elle organise, comme une fois par mois, un repas solidaire : des personnes dans le besoin, isolées, à la rue, se retrouvent autour d'un déjeuner, accompagnées du père Stéphane et des bénévoles de la paroisse. "C'est une joie de rencontrer des frères et des sœurs en difficultés", dit la Martiniquaise.
Dans la salle aux murs jaunes, des sans domicile fixe s'assoient à côté d'habitués. Une jeune bénévole, originaire de Guadeloupe, a apporté des fleurs pour décorer la salle. Tandis que certaines petites mains venues aider Sonia lavent la salade (en marmonnant les chants qu'elles ont gardés dans la tête depuis la messe), d'autres mettent les lasagnes au four.
Christine Nourry, qui vient de La Réunion, est chargée de faire le lien entre la paroisse et le Secours Catholique. Les bénéficiaires sont invités à passer un moment avec les paroissiens. "Ils sont bouleversés, presque, d'être invités, qu'on fasse attention à eux", explique-t-elle.
La commission Antilles-Guyane du diocèse de Créteil organise plusieurs évènements dans l'année. Tous les 11 novembre, une grande messe est organisée en Île-de-France, en présence des trois évêques des Antilles-Guyane. Et chaque mois de mai, Créteil célèbre l'abolition de l'esclavage, avec une messe en hommage aux aïeux. Cette année, elle aura lieu le 20 mai. "On organise ça pour ne pas oublier que nos ancêtres se sont battus pour qu'on soit là aujourd'hui", explique Sonia Servan.
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