Fables de Jean de La Fontaine, La Place d'Annie Ernaux, Le Petit Prince d'Antoine de Saint-Exupéry, Guerre de Louis-Ferdinand Céline... À travers les siècles, de grandes œuvres ont marqué la littérature française et ont même su trouver un succès à l'international. Désormais, on retrouve aussi ces livres dans les librairies d'Outre-mer, sur les étagères "Livres en créole".
À l'occasion de la Journée internationale de la langue et de la culture créoles, ce lundi 28 octobre, un nouvel ouvrage s'ajoute à la liste des titres traduits dans une langue régionale ultramarine : les éditions Orphie, basées à La Réunion, publient Lètrandéor, une traduction en créole réunionnais par Jean-Louis Robert de L'Étranger d'Albert Camus. Une première pour la maison d'édition qui fête ses 40 ans.
L'ouvrage d'Albert Camus, vendu à des millions d'exemplaires à travers le monde, était déjà disponible en créole martiniquais, publié par Caraïbéditions, une maison d'édition antillaise qui a récemment traduit la prix Nobel de littérature Annie Ernaux. Cette fois-ci, ce sont les pratiquants de créole réunionnais qui pourront découvrir Lètrandéor, avec cette première phrase du roman devenue emblématique : "Zordi, monmon lé mor", "Aujourd'hui, maman est morte".
Forte demande
Spécialisées dans la littérature ultramarine, les Éditions Orphie ont été directement approchées par l'auteur, Jean-Louis Robert, un ancien professeur de lettres marqué par le texte lorsqu'il était au lycée. "Quelle meilleure façon de relire un livre que de le traduire dans sa langue maternelle ?", se réjouissait le traducteur dans une librairie de Saint-Denis de La Réunion, samedi, à l'occasion de la présentation du livre.
Lui n'est pas étranger à la traduction de grandes œuvres de la littérature. En 2022, le Réunionnais avait déjà traduit les Fables de La Fontaine en créole réunionnais. Ce qui donnait : Domoun lé konm zanimo é linvèrs (Éditions K'A).
"Il y a de plus en plus une demande d'avoir des grandes œuvres littéraires traduites en créole", indique Michael Michau, directeur général des Éditions Orphie. Un engouement porté par la démocratisation des langues régionales ultramarines, de plus en plus enseignées dans les écoles.
Des traductions encore limitées
Si des grands auteurs et des grandes autrices existent déjà en version créole – c'est le cas par exemple du poète Gustave Flaubert (An Tjè San Ganm (Un Cœur simple), Caraïbéditions), ou encore de quelques albums d'Astérix –, beaucoup d'écrivains et écrivaines sont encore absents des étagères "en créole" dans les librairies. Émile Zola, Victor Hugo ou encore Marguerite Duras manquent à l'appel.
"Il faut que la traduction soit une volonté de l'auteur, qu'il soit à l'aise", explique Michael Michau. Car les traducteurs créolophones ne sont pas très nombreux. "Mais je pense que ça viendra", espère l'éditeur. Lui a pour projet de proposer de nouvelles œuvres traduites en créole réunionnais, guadeloupéen ou encore martiniquais dans les mois à venir. Comme des textes de Voltaire, par exemple.