Un mois et demi après sa première visite en Outre-mer, la Première ministre, Elisabeth Borne, devait organiser un Comité Interministériel des Outre-mer (CIOM). Initialement programmé pour le 12 juin, le CIOM a été déplacé une première fois au 6 juillet, avant d'être reporté de nouveau. L'agenda gouvernemental est bouleversé par l'actualité, en particulier par les émeutes qui ont secoué de nombreuses villes de France ces derniers jours. Aucune date de report n'a pour l'instant été communiquée par le gouvernement.
Un Comité interministériel, c’est quoi ?
De la transformation publique, des transports, de la sécurité ou encore des transports, il existe de très nombreux Comités interministériels. Présidés par le Premier ministre, ces Comités visent à coordonner l’action de l’État dans un domaine particulier. Créés par décret, ils réunissent différents ministres et hauts fonctionnaires, chargés de définir des priorités. En théorie, les Comités interministériels sont organisés régulièrement pour s’assurer de l’avancement des dossiers et de la bonne application des mesures décidées par le gouvernement.
Il y a 15 ans, le premier CIOM
Le premier Conseil interministériel de l’Outre-mer -et non Comité, car celui-ci a été placé sous l’autorité directe du président de la République Nicolas Sarkozy et non sous celle du Premier ministre- s’est tenu en 2009. Il avait été réuni en réaction à la crise sociale aux Antilles et à une grève générale contre la vie chère de plusieurs semaines. "L'avenir des collectivités ultramarines n'est pas l'affaire du seul ministre en charge de l'Outre-mer, estimait à l’époque Nicolas Sarkozy. Chaque membre du gouvernement doit se sentir concerné et doit s'y impliquer personnellement."
Plan de soutien aux PME, de facilitation d’accès au logement social, politiques pour améliorer le pouvoir d’achat, lancement d’une étude sur l’octroi de mer… Pour élaborer de nouvelles mesures, le conseil s’est appuyé sur les travaux des états généraux des Outre-mer, qui s’étaient tenus quelques mois plus tôt, à la rentrée 2009. Par exemple, c’est lors de ce CIOM qu’a été décidée la réforme des concours de la fonction publique en Outre-mer : auparavant, non seulement il n’y avait pas de centres d’examen dans chaque territoire, mais puisque le décalage horaire n’était pas pris en compte, certains candidats étaient contraints de composer en pleine nuit.
Un nouveau CIOM… dix ans plus tard
Il faudra attendre dix ans pour qu'un nouveau CIOM soit réuni par le Premier ministre de l'époque, Edouard Phillipe, en février 2019. De la création d'un réseau de "lycées de la mer" -des lycées professionnels dédiés aux métiers marins- en passant par la promotion du "plurilinguisme", les thématiques abordées lors du CIOM de 2019 étaient très vastes.
Il s'agissait de "donner des objectifs aux ministres concernés", selon les mots d'Edouard Philippe. Mais si les objectifs ont été fixés, difficile de dire s'ils ont été atteints. Parmi les annonces pour lutter contre la vie chère, on trouvait par exemple la nomination d'un délégué interministériel à la concurrence Outre-mer. Le poste a bien été créé mais, interrogé il y a quelques semaines par une commission parlementaire, celui qui l'occupe se décrit comme un homme "seul" qui n'a "pas de moyens".
La synthèse des travaux du CIOM de 2019 indiquait par ailleurs qu’il "sera réuni chaque semestre". Un vœu pieux. Si une autre réunion a bien eu lieu en septembre 2019, depuis, plus rien.
2000 remontées du terrain
La tenue d'un nouveau CIOM a été annoncée en avril dernier par la Première ministre. Les élus ont été consultés lors des déplacements des différents membres du gouvernement -Bruno Le Maire aux Antilles par exemple ou d'Elisabeth Borne à La Réunion- dans les territoires ultramarins.
"Tous les territoires ont effectué au travers des préfets des remontées sur des sujets qui ont été choisis, arbitrés, par le gouvernement. Il y a eu plus de 2000 remontées de l’Outre-mer", explique Stéphane Artano (Rassemblement démocratique et social européen), sénateur de Saint-Pierre et Miquelon et président de la délégation sénatoriale aux Outre-mer.
"En tant que parlementaires, on n’a pas été associés à la démarche", explique le député de Guyane Davy Rimane, qui assure que les élus d’Outre-mer "se mobiliseront" si les suites du CIOM s’avèreraient décevantes par rapport "aux attentes".
Vers une "loi Outre-mer" ?
Vie chère, eau, logement, transports, continuité territoriale ou encore réformes institutionnelles suite à l'appel de Fort-de-France, les grands axes du CIOM n'ont pas encore été rendus publics.
Les attentes des territoires dits d’Outre-mer sont extrêmement importantes, par rapport à la vie chère, aux billets d’avion, au retour de nos concitoyens sur leurs terres d’origines… On nous a dit que le CIOM répondraient à plusieurs de ces points-là. Nous verrons bien.
Davy Rimane, président de la délégation Outre-mer à l'Assemblée nationale.
Et après ? "La traduction du CIOM se fera au travers d’une loi. C’est ce qui a été communiqué aux élus à travers les réunions, explique Stéphane Artano. On jugera en tant que parlementaire si la réponse est à la hauteur des enjeux."