Le ministère des Outre-mer attribue 100 000 euros à dix-sept projets associatifs autour des thématiques LGBT+

À Saint-Georges de l’Oyapock, en Guyane.
Le ministère des Outre-mer remet une enveloppe de 100 000 euros à différentes associations, lauréates de l’appel à projet "Mobilisés contre la haine et les discriminations anti-LBGTI+ en Outre-mer".

Lancé le 17 mai 2021 et clôturé le 30 juin 2022, les lauréats ont été dévoilés le 21 décembre. Cette enveloppe va accompagner dix-sept projets de quatorze territoires. Les associations interrogées par Outre-mer la 1ère militent unanimement pour l’ouverture de lieux d’accueil pour la communauté LGBT+, mais également victime de violences ou tout simplement pour venir s’informer sur les questions liées à la sexualité.

Sur l’île de La Réunion, l’association OriZon agit depuis 2015 sur ce territoire, "dans la lutte contre la haine anti-LGBT, l’accompagnement, le soutien et l’écoute des personnes LGBT" peut-on lire sur le site.  En 2019, l’organisation a ouvert un premier local à Saint-Denis, même si son accès reste relatif, déplore Samuel Perche-Jeannet, trésorier de l’association. C’est "à cause des transports sur l’île. Il manque des espaces pour se retrouver dans les différentes villes de La Réunion, avec comme conséquence un accès plus difficile à l’information."

En 2021, les associations LGBT de La Réunion ont organisé la première marche des fiertés sur l’île (le 16 mai), ainsi que le premier festival LGBT+ Parey Parey (le 25 septembre). "Cette aide financière nous permettra de continuer de développer des actions au sein du Centre LGBT (en partenariat avec les organisations Requeer et SOS Homophobie, ndlr). Nous pourrons également mettre en lumière certaines thématiques plus spécifiques à l’Outre-mer, comme être accepté dans sa famille par exemple", ajoute le trésorier de l'association.

Je pense à de nombreux membres de notre communauté LGBTQIA+ qui ont quitté leur île pour aller vivre dans l’Hexagone. Je constate que la société réunionnaise change ce qui pourrait leur permettre de revenir s’installer à La Réunion.

Samuel Perche-Jeannet, trésorier de l'association OriZon

Pouvoir accéder à l’information dans tous les territoires

En Guyane, la structure !Dsanté, créée en 2016, souhaite développer son lieu d’accueil, inauguré en 2021. "Un endroit pour se sentir en sécurité localisé dans l’est du département. Nous pouvons accueillir des personnes souhaitant s’informer sur le droit à la santé et la sexualité reproductive. Il y aura un certain nombre d’activités individuelles et collectives qui seront proposées comme des ciné-débats, par exemple. Nous constatons qu’il y a un réel manque d’information sur ces thématiques et beaucoup de discriminations. Il est très difficile de vivre librement sa sexualité", explique Sophie Rhodes, directrice de l’association.

Ateliers de l'association !Dsanté en Guyane

En Martinique, l'association Kap Caraïbe est confrontée aux mêmes problématiques de sensibilisation. Ainsi, cette subvention "va permettre de recruter un salarié qui aura pour mission d’intervenir auprès des jeunes et des adultes sur les questions des discriminations à l’égard de la communauté LGBT", expliquent Sabine Chyl et Brice Armien-Boudre, les co-présidents de l’association. Les responsables pointent également le fait qu'en Martinique : "Les personnes peuvent avoir peur de se faire reconnaître et aider, peur de s’engager dans des actions militantes.” 

Comme au sein des autres associations, les militants alertent sur les conséquences concrètes envers cette communauté : “Cela peut aller jusqu'à la marginalisation sociale et professionnelle des personnes concernées, notamment celles qui n'ont pas les ressources pour quitter le territoire ou pour s'affirmer chez eux. Nous rencontrons encore à ce jour des difficultés à proposer des solutions d'accompagnement plus global de ces personnes (suivi psychosocial et propositions de solutions d'hébergement adapté).”

Quatre critères retenus par le ministère des Outre-mer 

Selon le communiqué du ministère des Outre-mer, quatre critères ont été retenus pour récompenser ces associations. "Libérer la parole dans les territoires, notamment par la création ou le renforcement d’espaces d'écoute. Former, en tant que de besoin, les bénévoles et professionnels susceptibles d’interagir avec le public LGBTI+. Orienter et accompagner les victimes de haine anti-LGBTI+, y compris en termes d’insertion socioprofessionnelle. Renforcer les actions de sensibilisation et de prévention, notamment en milieu scolaire, universitaire et professionnel pour déconstruire la haine anti-LGBTI+ dans les territoires."

Les choses vont avancer peu à peu. À travers cette subvention en plus de la reconnaissance de notre association, elle permet de moins nous sentir isolés en tant que petites structures sans  réels moyens dans nos territoires.

Karel Luciani, président de Cousins-Cousines de Tahiti

Malgré la mobilisation de ces associations le rapport des députés Raphaël Gérard (LREM), Gabriel Serville (PCF) et Laurence Vanceunebrock-Mialon (LREM) sur La lutte contre les discriminations anti LGBT dans les Outre-mer, remis le 19 juin 2018 pointaient le chemin qu’il reste à mener dans ces territoires. Ils relevaient "l’existence d’une haine anti-LGBT et d’un rejet latent, renforcés par le poids de la structure sociale et du contexte culturel propre à chaque espace géographique. L’homosexualité et la transidentité sont ainsi stigmatisées socialement, bien qu’on observ(ait) des seuils de tolérance différenciés en fonction des territoires, du degré d’insularité, des appartenances communautaires, ethniques ou générationnelles", selon le rapport.

Notamment en Polynésie française où les députés conclu(aient) qu’il existe bien des dynamiques d’homophobie à l’œuvre dans la société polynésienne. En effet, dans ce territoire, le projet de l’association Cousins Cousines de Tahiti, correspond aux critères requis par le ministère. Karel Luciani, son président depuis 2018, salue également l’action de l'État. Cette subvention va permettre de trouver des solutions d’hébergement d’urgence pour des jeunes de la communauté LGBTQIA+, mis à la rue par exemple par leurs familles "après avoir révélé leur orientation sexuelle par exemple", explique le président d’association. "Pendant le confinement un jeune a appelé à l’aide, le temps de trouver une solution… Il était déjà trop tard."

Le militant pointe également l’inaction du gouvernement polynésien sur les thématiques LGBT : "Nous n’arrivons pas à intervenir dans les classes pour informer les jeunes. Alors que cela fait partie intégrante du programme scolaire et nous en avons déjà informé le ministre de l'Éducation nationale qui soutient notre démarche.

L’ensemble des associations interrogées s’accordent sur les difficultés qu’elles rencontrent pour informer, prévenir et agir face notamment au manque de moyens. Nonobstant, pour Samuel Perche-Jeannet, "cette subvention est une vraie considération de notre communauté par le ministère. Elle est aussi une vraie valorisation du travail en réseaux que l’on essaye de développer. Nous avons de la chance les pouvoirs publics nous soutiennent."

Pour Karel Luciani, "cette enveloppe va faire avancer les choses". Ce que confirme son homologue Sophie Rhodes, "ce financement est une reconnaissance des projets menés dans les villages à l’Est de la Guyane et à la frontière avec le Brésil, sur le bassin de l'Oyapock, qui est une zone où l’information est encore peu accessible".