Les Talents de l’Outre-mer 2022 célébrés au musée du Quai Branly

Les 52 talents de l'Outre-mer sur la scène du théâtre Claude Lévi-Strauss, au musée du Quai Branly-Jacques Chirac.
Le CASODOM a récompensé pas moins de 52 talents de l’Outre-mer, lors d’une remise de prix organisée pour la première fois au Musée du Quai Branly – Jacques Chirac, ce jeudi 15 septembre. Un événement qui se déroule tous les deux ans.

Des 2h30 de cérémonie, on retient tout d’abord la sublime musique. Car la remise des prix aux 52 nouveaux talents de l’Outre-mer a été entrecoupée à trois reprises de chants a cappella interprétés par trois talents justement, venus récupérer leur récompense ce 15 septembre au musée du Quai Branly - Jacques Chirac à Paris.

Edwin Fardini et Candice Albardier, tous deux talents de l'Outre-mer de la promotion 2021, ont interprété deux chants lyriques, au musée du Quai Branly lors de la remise des prix, ce 15 septembre 2022. ©J. Postollec / France Télévisions

Celle tout de noir vêtue dans la vidéo ci-dessus, c’est Candice Albardier. Cette Réunionnaise originaire de Saint-Pierre et passionnée par le chant d’opéra depuis son enfance a intégré cette année le conservatoire national supérieur de musique et de danse de Paris.

Âgée de 23 ans, elle est l’une des benjamines de cette promotion. Pourtant, elle a déjà remporté des prix, comme celui des Voix des Outre-mer dans la catégorie Jeunes Talents en 2021, et parle déjà comme quelqu'un qui a traversé des épreuves pour arriver là où elle en est aujourd’hui.

"C’était compliqué, ma famille n’était pas du tout dans la musique", se souvient Candice. Elle a souffert de "ne pas être considérée comme une étudiante" pendant ces cinq années d’études, et que le chant lyrique ne soit vu comme "un vrai métier".

Alors le fait d’être reconnu parmi les jeunes talents de la promotion 2021 montre que "tout effort paye". "C’est aussi une façon de dire aux autres que c’est possible de faire de l’art, même si l’on est dans un milieu peu enclin à nous pousser", assure-t-elle.

"Qu'est-ce que je fais là ?"

Un message que partage avec elle le Martiniquais Edwin Fardini, 27 ans. Lui qui a intégré la Scala de Milan et vient de faire ses premiers pas sur cette prestigieuse scène s’est parfois demandé : "Qu'est-ce que je fais là ?", dans cet univers "où vous n’avez aucun Noir, où vous devez intégrer des codes" jusque-là inconnus.

Mais il s’est aussi rendu compte que les Ultramarins peuvent aussi donner : "Plutôt que d’assimiler des codes en Europe, on a aussi des richesses à apporter."

C’était d’ailleurs le message qu’il voulait faire passer et sa volonté lorsqu’il a candidaté aux talents de l’Outre-mer. Car la sélection est faite sur dossier par un comité. "Un réseau d’Ultramarins aussi diversifié, avec des personnes d’aussi haut niveau, c’est rare !", s’étonne encore Edwin, heureux d’en faire partie.

328 Ultramarins de talent

Avec les 52 nouveaux talents – 19 jeunes et 33 confirmés – de cette promotion 2021 et récompensés en 2022, ce sont désormais 328 Ultramarins qui ont été distingués depuis 2005 par le CASODOM, le comité d'action sociale en faveur des originaires des départements d'Outre-Mer en métropole

Les talents de l'Outre-mer de la promotion 2021 se sont réunis sur la scène du théâtre Claude Lévi-Strauss à la fin de la remise des prix, ce 15 septembre 2022.

Des Ultramarins qui ne sont plus seulement basés dans l’Hexagone : "Nous découvrons des talents en Corée du Nord, en Amérique latine, en Afrique sans compter les USA et le Canada, souligne ainsi Jean-Claude Saffache, le président du CASODOM. Et les parcours de plus en plus diversifiés se manifestent. Nous sommes à un niveau moyen de Bac+ 8 pour la plupart."

Les années d’études, Aymeric Panglosse les a en effet enchaînés A 31 ans, ce Réunionnais originaire de Saint-Paul est docteur en optoélectronique appliqué au spatial, après avoir obtenu son diplôme d’ingénieur à l'école de l'innovation technologique de Paris, et un master spécialisé en électronique.

Aymeric Panglosse, 31 ans, originaire de La Réunion, a été reconnu Talent confirmé de l'Outre-mer.

Aujourd’hui consultant au CNES à Toulouse, il travaille en recherche et développement dans le service qui équipe les caméras embarquées sur les robots d’exploration de Mars.

S’il est "heureux d’être là" et de recevoir aujourd’hui cette récompense avec une "grande fierté", il veut aussi s’en servir pour "montrer aux jeunes Réunionnais qu’on peut travailler dans le spatial". "Quand j’étais à La Réunion, je n’avais aucune visibilité sur le parcours, rappelle-t-il. Alors s’ils se posent des questions pour savoir quelle formation suivre, quelle école faire, j’espère pouvoir leur apporter ce côté-là."

"C'était un cri du cœur"

Rencontrer des jeunes, Kriss Nelson a déjà commencé à le faire. Cette Guyanaise de 25 ans est responsable de développement dans une entreprise spécialisée dans les centrales électriques à hydrogène vert et leader mondiale dans ce domaine.

Elle a participé à des forums de métiers ou encore rencontré des lycéens guyanais à la chaire de Sciences Po Paris pour parler de son parcours et leur transmettre un message : "L’avenir est différent de ce qu’ils peuvent s’imaginer. Il ne faut rien s’interdire", assène-t-elle, reconnaissant qu’elle a eu beaucoup de chance d’être soutenue par ses parents.  

Kriss Nelson, 25 ans, de Guyane, a été reconnue jeune talent de l'Outre-mer.

De retour en Guyane, elle s’adresse maintenant directement aux jeunes sur place. "Je n’avais pas prévu de rentrer. Mais il y a eu un déclic, c’était un cri du cœur même ! Six mois après avoir eu mon diplôme, je suis revenue auprès de ma famille, pour travailler pour mon territoire, et mettre ma pierre à l’édifice de la Guyane."

Le syndrome de l'imposteur

Si pour Kriss, "c’est un honneur de représenter l’excellence guyanaise" via ces talents de l’Outre-mer, pour d’autres Ultramarins, c’est presque une surprise ou une façon de gagner un peu plus confiance en soi. C’est le cas de Ludivine Grzelak. Cette chercheuse de 27 ans, originaire de Nouméa, n’y croyait pas vraiment quand elle a appris faire partie de la promotion 2021.

"C’est très agréable d’avoir ce prix, reconnaît-elle. Car comme le disait un intervenant, on peut souffrir parfois du syndrome de l’imposteur. En arrivant en métropole, j’ai eu des remarques de personnes me demandant si j’étais là parce que je faisais partie des quotas de Nouvelle-Calédonie ou pour mes compétences."

Ludivine Grzelak, 27 ans, de Nouvelle-Calédonie, est jeune talent de l'Outre-mer de la promotion 2021.

Elle en a, des compétences. Après son double master de Paris Saclay, puis de l’École normale supérieure, cette doctorante en infectiologie qui a travaillé sur la dengue et le virus Zika entreprend une thèse de virologie à l’Institut Pasteur, ayant d’abord l’intention de consacrer sa thèse au VIH. Mais dès le début de la crise sanitaire, elle réoriente ses recherches sur le Covid-19.

Elle envisage de revenir en Nouvelle-Calédonie pour exercer comme chercheuse sur les virus présents dans ce territoire, mais attend de voir comment la situation politique du Caillou va évoluer.

"Faire rayonner la Nouvelle-Calédonie"

La question de l'avenir de la Nouvelle-Calédonie est pour Mélissandre Talon un "laboratoire à ciel ouvert". Âgée de 27 ans, cette doctorante et chargée d’enseignement en droit public à l’université de Montpellier est en effet spécialisée en droit constitutionnel. Elle aussi a tenté sa chance pour être reconnue talent de l’Outre-mer auprès du CASODOM, alors même qu’elle ne connaissait ni l’association ni le réseau il y a un an.

"Reconnaissante", elle aimerait à son tour "faire rayonner la Nouvelle-Calédonie" et mieux faire connaître le CASODOM. Mais son ambition première est toute autre : "rentrer en Nouvelle-Calédonie et me lancer dans l’enseignement", pour que les jeunes acquièrent des bases juridiques, comprennent et deviennent acteurs de l’avenir de leur île.

Mélissandre Talon, 27 ans, de Nouvelle-Calédonie, est reconnue jeune talent de l'Outre-mer.

"Que votre talent fuse !"

Un projet qui devrait plaire à Yola Minatchy, la présidente du réseau des talents de l’Outre-mer. Si elle a félicité les 52 primés en déclamant "Que votre talent fuse et que votre victoire soit célébrée !", elle les a aussi appelés, pour ceux qui le souhaitaient, à un engagement pour l’avenir des Outre-mer.

"Les talents ultramarins ont commencé à écrire un ouvrage collectif dans lequel nous allons proposer notre plan de développement pour les Outre-mer", a-t-elle ainsi déclaré. Une façon de rappeler que d’autres batailles sont à mener pour une reconnaissance globale, et pas seulement de l’élite.

 

Visionnez ici le reportage de Mourad Bouretima et Emmanuel Morel :

52 talents d’Outre-mer ont été récompensés jeudi soir, au musée du Quai-Branly-Jacques Chirac, à Paris. Une initiative du CASODOM, association qui met en lumière l’excellence ultramarine, dans des domaines variés. Parmi les lauréats, la Guyanaise Kriss Nelson, le Réunionnais Julien Clain et la Martiniquaise Carole Sidney-Louis. ©Mourad Bouretima, Emmanuel Morel