Licenciement de Jordan Tell : pour le syndicat des joueurs de football "il y a un problème d’équité"

David Terrier vice-président de l'UNFP, le syndicat des joueurs professionnels, ne comprend pas la sanction de GF38 à l'encontre de Jordan Tell
Pour avoir participé à la Gold Cup avec la sélection de la Guadeloupe en juin dernier, Jordan Tell s'est vu notifier son licenciement par son club de Grenoble foot 38. L'attaquant de 24 ans se retrouve donc sans club et cherche un nouveau projet. De son côté, l'union nationale des footballeurs professionnels, par la voie de leur vice-président David Terrier, réagit et demande à ce que les instances du football se positionnent clairement.

Depuis plusieurs jours, le licenciement de Jordan Tell par son club Grenoble foot 38, agite la toile, mais aussi le monde du football. En effet, il est reproché à l'attaquant guadeloupéen d'avoir participé à la phase finale de la Gold Cup avec la sélection de la Guadeloupe. Avant cette lourde sanction du club des Alpes, Jordan Tell et son coéquipier Mathias Phaeton avaient déjà subi des pressions de leur direction pour rentrer. Des recommandations, qu'avaient ignorées les deux joueurs, désireux de poursuivre l'aventure avec les "Gwada Boy", et soutenues par la Ligue de football de la Guadeloupe. L'UNFP (union nationale des footballeurs professionnels) par la voie de son vice-président, David Terrier, que nous avons joint, juge cette sanction incompréhensible et demande une prise de position forte et ferme des instances du football.

 La 1ère : Monsieur Terrier, que pensez-vous de la sanction prise à l'encontre de Jordan Tell ?

David Terrier : Nous sommes très agacés par ce qui arrive, on ne peut pas licencier un joueur comme ça.  D'une, le club [Grenoble foot 38, NDLR] devrait se féliciter d’avoir un joueur qui va en sélection. En plus il est performant et se qualifie. Donc ça donne une bonne image du club. Puis, si on donne aux joueurs l’autorisation d’aller jouer la compétition [la Gold Cup, NDLR], ce n’est pas dans l’objectif d’aller jouer juste les qualifications et d’être éliminé par la suite et rentrer au club. [...]  La particularité de la Guadeloupe, c'est que c'est une ligue, à qui la FIFA donne la possibilité de participer à certaines compétitions. Mais à mon sens, ils [la FIFA, NDLR] devraient faire pareil pour les joueurs. Je pense qu’au niveau de la FIFA, il faudrait qu’il y ait une cohérence.

Comprenez-vous cette sanction ? D’autant plus que dans un premier temps, ils avaient autorisé le joueur à participer aux qualifications.

Au niveau de Grenoble, s’ils l’ont prévenu comme ils disent et que le joueur est rentré un peu retard, il y avait d'autres types de sanctions. [...] Mais le joueur n’est pas parti en vacances, non, il est en train d’effectuer une compétition avec sa sélection...  Utiliser cette sélection et les performances du joueur, qui a voulu jouer cette phase finale pour le licencier, ce n’est pas acceptable, ni même cohérent. Car quand vous ajoutez à ça, qu’il y avait un autre joueur, du même club, dans la même sélection et qui a participé à la même compétition, et que lui, on le vend pour récupérer le montant de son transfert [Mathias Phaëton transféré pour 2 millions d'euros au CSK Sophia en Bulgarie, NDLR], c'est inacceptable. On entend que le football change, que l’argent prend la place de tout, mais ça ne remplace pas les droits qu’ont les joueurs. Je pense qu’il faut aussi qu’il y ait une mobilisation générale des instances, pour savoir quelles interprétations, ils ont de ces évènements, car les joueurs en deviennent presque des victimes...

Jordan Tell et Matthias Phaëton, joueurs salariés du Grenoble Foot 38 et sélectionnés au sein des Gwada Boys.

Le club de Grenoble, avait-il le droit d'agir ainsi en rappelant les joueurs ? Et après en prenant une telle sanction à l'égard de Jordan Tell ? Sachant qu’un accord historique, signé entre la FFF et la CONCACAF, en 1983, permet aux joueurs guadeloupéens de participer aux compétitions continentales.

Ce vide juridique entre ces différents accords et le fait que la Ligue Guadeloupéenne de Football ne soit pas une sélection nationale, mais de ligue, ça laisse un vide juridique. Vous avez totalement raison de rappeler cette antériorité. Ça veut dire qu’on permet de faire des choses, mais on ne légifère pas pour protéger la participation d’une sélection comme la Guadeloupe à cette compétition. Là aussi, il y a un problème d’équité. Dons si la sélection de la Guadeloupe participe à cette compétition, elle n’aurait pas les mêmes droits que les autres sélections ? Par exemple, le Canada avait une dérogation pour faire venir les joueurs participer à cette compétition et donc ça veut dire que la Guadeloupe ne l’a pas... Donc la FIFA, la fédération française de football (FFF) et ligue de football professionnelle (LFP)  doivent se positionner.

Les sélections comme la Guadeloupe, quels sont leurs droits ? Que pensez-vous de leur statut ?

Alors ce qui est ambigu, c’est que c’est une ligue et le problème, c'est que ces joueurs guadeloupéens, ils sont aussi sélectionnables pour l’équipe de France. Donc pour moi le problème ne se pose pas comme ça. Dans la mesure où on donne à ces sélections le droit de participer à ce type de compétition, ils doivent avoir la possibilité de sélectionner les joueurs qu'ils veulent et il faut protéger ces derniers vis-à-vis des clubs. Là, nous avons le cas de Jordan Tell, mais il y a beaucoup d'autres joueurs qui sont en délicatesse avec leur club quand il s'agit de rejoindre leur sélection. On a beaucoup de joueur guadeloupéen qui nous disent que c’est un problème pour eux, car ils veulent jouer avec leur sélection, mais en club, on leur met la pression donc c’est difficile.

Que doivent faire les instances alors ? 

Il faut que la FIFA se positionne clairement sur ce dossier. Car ça met en porte-à-faux les sélections, mais aussi les joueurs. C’est soit on rend la participation des joueurs obligatoire, soit on n'accepte pas que les équipes participent à ces compétitions et dans ce cas-là le problème ne se pose plus. Là, on est sur quelques choses d’hybride, où il y a une tolérance, on accepte que les équipes participent, mais on ne leur donne pas la possibilité de pouvoir avoir l’équipe la meilleure, contrairement à d’autres sélections.