Louis-Georges Tin : "En Martinique, enfant, je savais que je ne pouvais pas parler de mon homosexualité sous peine d’exclusion sociale" #MaParole

Louis-Georges Tin
En ce 17 mai, journée internationale contre l’homophobie et la transphobie, on avait envie d’entendre Louis-Georges Tin qui s’est battu pour l’existence de cette date en 2005. Le deuxième normalien martiniquais après Aimé Césaire revient sur son parcours dans #MaParole.

Il est aujourd’hui premier ministre de l’État de la diaspora africaine. Un titre un peu pompeux dont il nous explique le sens dans #MaParole. Louis-Georges Tin s’est fait connaître par ses combats contre le racisme et l’homophobie. Avec le CRAN, ça s’est mal fini, il s’en explique aussi.

1 Lycée Schoelcher

Après Aimé Césaire, il est le deuxième martiniquais à avoir intégré l’école normale supérieure, rue d’Ulm à Paris. Mais son parcours diffère de celui du poète, écrivain et homme politique martiniquais, Louis-Georges Tin a choisi le militantisme hors des circuits classiques.

Louis-Georges Tin naît en Martinique en 1974 dans une famille d’enseignants, Maman est professeur d’anglais, papa, prof de mathématiques. Plutôt timide, réservé et solitaire, il comprend très jeune dès l’âge de 9 ans qu’il a une préférence pour les garçons. Pas facile à vivre en Martinique où "Makoumé est l’insulte suprême", dit-il. Très studieux, Louis-Georges Tin aime la lecture, les études et le gospel.

Grâce à la musique, il passe de bons moments dans la chorale de Petit-Bourg. Il aime le chant lyrique et prend des cours au SERMAC, le service d’actions culturelles de la Martinique créé par Aimé Césaire quand il était maire de Fort-de-France. Comme l’illustre personnage, il intègre le lycée Schoelcher et insiste auprès de ses parents pour faire un bac littéraire. Accepté en classe préparatoire eu lycée Henri IV, il quitte la Martinique pour Paris où il suit deux années d’études de lettres classiques intensives.

Louis-Georges Tin, le président du Cran

2 Normale Sup

À la différence d’Emmanuel Macron, Louis-Georges Tin réussit le concours de Normale Sup et intègre la prestigieuse école. C’est à ce moment-là qu’il décide de dire à ses parents qu’il est homosexuel. Il a 19 ans et vit cette révélation "comme un très grand soulagement". Louis-Georges Tin n’a plus à se cacher et il en est heureux. À Normale sup, il fonde la première association LGBT. Il mène des combats qui ont du sens pour lui, mais qui ne sont pas sans incidence sur sa future carrière de professeur d’université.

Pendant "la bataille du PACS qu’on a oublié aujourd’hui", il relève toutes les attaques homophobes. De Christine Boutin parlant de "Sodome et Gomorrhe" à Pierre Lelouche "les homosexuels, je leur pisse à la raie", elles sont nombreuses. Alors en 2003, il dirige l’écriture d’un Dictionnaire sur l’homophobie. "Il faut prendre les gens au sérieux même s’ils disent des horreurs et des bêtises", explique Louis-Georges Tin. Pas moins de 75 auteurs participent à cet ouvrage paru aux PUF (Presses universitaires de France) dont la préface est signée Bertrand Delanoë.

Dans sa lancée, Louis-Georges Tin pousse à la création d’une journée internationale contre l’homophobie. L’idée avait été lancée dès 2003 au Canada où le normalien avait effectué un échange universitaire. Le choix du 17 mai s’est imposé, car cette date correspond à la décision de l’OMS (Organisation mondiale de la santé) en 1990 de retirer l’homosexualité des maladies mentales. Selon le militant, "en 2005, la première année, 40 pays ont adopté cette date, la deuxième année, 80 ou 100 pays. Aujourd’hui, ce jour est reconnu par l’ONU, l’Union européenne. Ça a permis de débloquer beaucoup de problèmes".

Toujours en perpétuel bouillonnement intellectuel, en 2008, Louis-Georges Tin s’illustre par la rédaction d’un essai sur l’invention de l’hétérosexualité. Selon lui, la culture hétérosexuelle s’est construite au XIIe siècle en occident. L’ouvrage est traduit en espagnol et en anglais. Preuve que la théorie intéresse.

En 2011, Louis-George Tin est arrêté à Moscou alors qu’il participe à la marche des fiertés avec Clémentine Autain. Il y retourne l’année suivante. En 2012, il décide de faire une grève de la faim, déçu que la bataille pour la dépénalisation universelle de l’homosexualité ne soit plus menée par la France. "Dans 70 pays, l’homosexualité est pénalisée, précise-t-il et dans une dizaine de pays, la peine de mort s’applique".

3 Du CRAN à la diaspora africaine

En 2011, Louis-Georges Tin devient président du CRAN, le conseil représentatif des associations noires où il mène un combat contre le racisme. Louis-Georges Tin préside le CRAN pendant six années. Très présent sur les plateaux de télévision, il devient un interlocuteur régulier des médias. Mais au sein du CRAN, la bataille finit par faire rage. Louis-Georges Tin est débarqué sans ménagement, accusé de malversations financières. Dans #MaParole, le militant se défend. L’affaire se trouve dans les mains de la justice, selon Patrick Lozès, l’actuel président du CRAN.

Aujourd’hui, Louis-Georges Tin a tourné la page. Il est désormais Premier ministre de l’État de la diaspora africaine. Moins présent dans les médias, le Martiniquais mène d’autres combats. "La diaspora africaine représente tous les Africains et les Afro-descendants vivants hors de l’Afrique. Au total, 350 millions d’habitants dans le monde, c’est énorme. Rien qu’au Brésil, on a 100 millions d’Afro-descendants, sans compter les afro-descendants de la Colombie, du Venezuela, des Antilles, de La Réunion, de l’Amérique du Nord", souligne-t-il. Louis-Georges Tin gère donc un État transfrontalier en ligne dont il détaille dans #MaParole les actions. Son mandat touche à sa fin en juin 2023, date à laquelle auront lieu des élections.

 

Louis-Georges Tin, universitaire et chercheur martiniquais, initiateur en 2005 de la "journée internationale de la lutte contre l’homophobie, la transphobie et la biphobie".

♦♦ Louis-Georges Tin en 5 dates ♦♦♦

►21 mai 1974

Naissance en Martinique

►1993

Entre à Normale Sup, rue d’Ulm à Paris

►2002

Publie le Dictionnaire de l’homophobie

►17 mai 2005

Création de la journée mondiale contre l’homophobie

►2011

Devient le président du CRAN