A priori, si vous pensez art lyrique et œuvres classiques, vous n’imaginez pas au premier abord y trouver des personnages autres qu’issus des cultures occidentales.
Pourtant les femmes noires, pour parler d’elles, sont plus présentes qu’on ne le croit : elles ont bel et bien été célébrées dans des opéras au cours du siècle qui a marqué les abolitions de l’esclavage dans ses (ex-)colonies françaises.
Qu’elles soient esclaves ou de lignée royale, elles sont devenues les héroïnes de librettistes et de compositeurs du XIXe siècle tels Gounod, Saint-Saëns, Bizet… ; des personnages évoluant pour la plupart au premier plan des intrigues narrées, parées de personnalités affirmées, bien loin d’être effacées ou d’être des personnages-prétexte, comme l’époque pouvait le laisser craindre.
C’est à la suite de cette prise de conscience et de recherches dans le répertoire opératique français que Marie-Claude Bottius a trouvé le fil conducteur du spectacle qu’elle signe sur scène Esclave ou reine…, accompagnée d’un piano et d’un violoncelle. Retour sur les origines de son récital et explications, espérances et confidences de l’artiste lyrique martiniquaise dans le podcast L’Oreille est hardie :
Un récital "exotique" lyrique
Marie-Claude Bottius proposera donc ce récital avec à chaque fois le soin d’expliquer le sens de sa démarche. À côté - et parfois heureusement très loin - de l’image toute faite, du cliché de la femme noire soumise et/ou objet de fantasme en cette seconde moitié du XIXe siècle, il a existé des œuvres qui sacrifiait moins à l’exigence d’exotisme de l’époque.
Des compositeurs accompagnés de librettistes (chargés donc d’écrire les livrets, les parties chantées des opéras) plus ou moins progressistes qui ont décrit des personnages hauts en couleurs et ce, qu’elles soient esclaves ou reines, de petite ou de grande condition.
Le chant du Code...
Une œuvre tient particulièrement au cœur de Marie-Claude Bottius : Le Code noir signé Clapisson pour la musique et Scribe pour le livret. Dans ce Code Noir, le personnage central, Zemba, est une esclave qui a fui sa condition pour s’installer dans l’île voisine.
L’œuvre décrit sans fard les conditions de vie de la colonie d’alors mais n’omet pas de montrer une femme à la personnalité forte, ce qui n’est pas pour déplaire à l’artiste et interprète Marie-Claude Bottius qui y a trouvé là un très beau rôle - c’était en 2019 (le Covid est venu interrompre la carrière du spectacle…) - et la Martiniquaise qu’elle est, était du coup doublement étonnée et fière qu’une œuvre se déroule au siècle des abolitions, dans son île d’origine. Rarissime, il faut bien l’avouer !
Écoutez et aimez ces airs
Une dizaine d’airs compose ce récital Esclave ou reine... signés pour beaucoup de grands noms de la musique classique aux aux titres évocateurs. Le spectateur pourra ainsi se réjouir d'entendre, en plus de deux extraits du Code noir sus-cité La Reine de Saba de Gounod, L’Africaine de Meyerbeer, Les adieux de l’hôtesse arabe de Bizet ou encore La Captive de Berlioz…
Une façon, en remettant sur le devant de la scène ces airs, de démontrer, selon Marie-Claude Bottius, combien les femmes issues de la "diversité" au sens large ont toujours été présentes ; combien il est important de regarder à deux fois dans le répertoire lyrique et de faire savoir que l’on peut aussi s’emparer d’oeuvres qui apportent quelque chose de différents.
Encore faut-il, une fois tout ça démontré et dit, que les structures, les établissements à même de monter des opéras, choisissent de programmer ces œuvres… Un vœu pieux mais chargé d’optimisme formulé par Marie-Claude Bottius. "Ça avance", dit-elle avec conviction et elle entend bien apporter sa pierre à cet édifice-là …
Retrouvez les propos et la voix de l’artiste lyrique martiniquaise Marie-Claude Bottius dans L’Oreille est hardie, c’est par ICI !
Ou par lĂ :
Quelques dates pour entendre Marie-Claude Bottius dans son récital "Esclave ou Reine..." :
Le 14 mai 2024 : L'embarcadère, Montceau-les-Mines ; le 23 mai 2024 : Maison Schoelcher, Houilles ; le 19 Juin 2024 : Le Pavillon de la Sirène, Paris 14ème
Et regardez Nos célèbres inconnus, un programme initié par Marie-Claude Bottius pour remettre sur le devant de la scène, certaines figures méconnues de la musique des Outre-mer.