Les Années folles, Joséphine Baker, la danse, les music-halls, le charleston. Paris en effervescence a la cote. Entre les deux guerres, la Ville-Lumière est aussi un refuge pour beaucoup d’artistes afro-américains. Pas de répression ni de ségrégation.
Arrivée à Paris
La capitale française les accueille à bras ouverts. C’est dans ce contexte particulier que Paulette Nardal pose ses valises pour suivre des études secondaires. Elle est très vite rejointe par d’autres de ses sœurs.
L’arrivée à Paris est un choc pour l’aînée de cette fratrie, issue de la bourgeoisie antillaise. L’enthousiasme, l’engouement et la fascination autour de l’art africain-américain lui posent problème. Le terme n’est pas explicitement cité mais, très vite, ses sœurs et elle prennent conscience de leur "négritude".
Les sœurs Nardal, précurseures de la négritude
Dès lors, les prémices de ce courant littéraire, politique et culturel sont posées. Pourtant, l’histoire ne va retenir que le nom de trois hommes : Aimé Césaire, Léopold Sédar Senghor et Léon-Gontran-Damas. Ces trois intellectuels seront surnommés, plus tard, les "chantres de la négritude".
Nous n’étions que des femmes, mais de vraies pionnières.
Paulette Nardal
Le rôle capital de leur salon à Clamart
Mais ce terme aurait-il existé sans les sœurs Nardal ? Car ce sont bien elles, les premières, à avoir théorisé cette "conscience noire". Très tôt, dans leur salon rue Hébert, à Clamart, en banlieue parisienne, elles organisent des clubs d’échanges et de lecture autour de la question noire.
Leur objectif est de fédérer le maximum de personnes issues de la diaspora pour parler actualité, politique de la place des Noirs dans la société. Césaire, Senghor, Damas et de nombreuses personnalités (la Harlem Renaissance, les écrivains Alain Locke et Claude McKay, la sculptrice Augusta Savage, le penseur Marcus Garvey, le premier prix Goncourt noir René Maran...) s’y précipitent chaque dimanche.
Les liens qui se créent entre Paulette Nardal et les artistes et écrivains afro-américains sont très forts parce qu’ils reposent sur une conscience, nègre, jeune, fraîche, riche et émergente…
Etienne Achille, petit-cousin de Paulette Nardal
J’étais portée par un grand mouvement de cœur et de fraternité, j’avais retrouvé des frères jusque-là ignorés, je me suis donnée à leur cause dans le plus grand enthousiasme.
Paulette Nardal
Création de La revue du monde noir
Paulette et sa sœur Jeanne créent ensuite, en 1931, La revue du monde noir : un recueil de poésie et de réflexions sur l’art noir. Elles souhaitent élever la voix de la conscience noire et que la diaspora du monde entier apprenne à mieux se connaître.
Dorénavant, il y aurait quelque intérêt, quelque originalité, quelque fierté à être nègre, à se retourner vers l’Afrique, berceau des nègres, à se souvenir d’une commune origine.
Jeanne Nardal
Les "chantres de la négritude" vont peu à peu quitter ce milieu de l’intelligentsia africain-américain mais se réapproprier ce courant culturel et s’y référer notamment dans leur lutte pour les peuples opprimés. Sous influence communiste, ils vont notamment se battre pour l’indépendance des pays colonisés. Un combat opposé aux préceptes de Paulette Nardal, chrétienne, conservatrice, profondément républicaine, pour la dépendance des colonies. Paulette Nardal ne s’est pas illustrée que pour la cause noire, elle s’est aussi investie dans d’autres sujets comme le droit de vote des femmes en Martinique, ainsi que les violences conjugales dont certaines étaient victimes.
Intervenants
- Étienne Achille et Jean-Louis Achille, petits-cousins de Paulette Nardal
- Annie Ramin, nièce de Paulette Nardal
- Jacques Catayée, directeur de la chorale Joie de Chanter
- Tracy Denean, historienne en études afro-américaines à l'Université Vanderbilt
- Brent Hayes Edwards, professeur de littérature à l'Université de Columbia
- Philippe Grollemund, auteur des Mémoires de Paulette Nardal
- Catherine Marceline, présidente de l'Association Paulette Nardal au Panthéon
- Valérie-Ann Edmond Mariette, historienne de la musique antillaise
Écrit par Léa Mormin-Chauvac et Marie-Christine Gambart
Réalisation Marie-Christine Gambart
Produit par Morgane Production / Une prod à soi / France Télévisions
Documentaire inédit, durée 52 minutes - © 2022
D'autres articles, pour aller plus loin
Paulette Nardal, l'architecte oubliée de la négritude
Podcast. "L’Oreille est hardie" évoque Paulette Nardal, femme d’esprit et de chœur
Archives d'Outre-mer - Paulette Nardal racontée par ses proches